Le souvenir de l'holocauste en 2010

Photo: CTK
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En rappel de la libération du camp de concentration d’Auschwitz, le 27 janvier est commémoré comme la Journée du souvenir des victimes de l’holocauste. Outre des cérémonies commémoratives qui ont eu lieu à différents endroits du pays, des réflexions et des souvenirs de quelques-uns des rares rescapés ont été publiés à cette occasion dans la presse.

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Près de 73 000 juifs tchèques sont morts dans les camps de concentration. Les survivants sont réunis au sein d’une association appelée l’Initiative de Terezin, qui ne compte plus désormais que près de 500 membres.

« Hélas, ce nombre a tendance à diminuer, avec le temps qui passe », constate Leo Pavlát, directeur du Musée juif de Prague, qui a publié dans l’édition de mercredi du quotidien Mlada fronta Dnes un article intitulé « Attention, l’holocauste s’émiette ». Il écrit:

Leo Pavlát
« On sait ce que l’holocauste représentait : un génocide très spécial. Une dégradation humaine, sociale et économique des juifs, leur pillage et leur extermination, motivée par la haine raciale. ».

Leo Pavlát s’interroge : « Comment le monde d’aujourd’hui perçoit-il l’holocauste ? La situation actuelle concernant Auschwitz en dit long ». Et de continuer :

« 1,3 million de personnes ont visité au cours de l’année écoulée le camp d’Auschwitz, ce qui est un nombre record. D’un autre côté, ce camp, qui est le symbole de souffrances incomparables, manque terriblement de moyens financiers nécessaires à son entretien. Il faudrait à cette fin environ 66 millions de dollars. »

La porcherie industrielle installée sur l'emplacement d'un camp de concentration tzigane
Le directeur du Musée juif de Prague situe cette situation dans un plus large contexte, rappelant qu’il y a d’autres lieux liés à la shoah qui connaissent les mêmes problèmes. Le camp de Lety, près de la ville de Pisek, en Bohême du Sud, lieu d’internement des Roms pendant la Deuxième Guerre mondiale, en serait un des exemples les plus représentatifs car, selon lui, « le respect et la dignité humaine y sont bafoués d’une manière scandaleuse ».

Leo Pavlát exprime plus loin sa profonde inquiétude relative aux manifestations des néonazis qui ne cessent de mettre en doute l’étendue de la shoah et la manière dont ce crime monstrueux a été réalisé:

« Il est particulièrement inquiétant que ces manifestations de la négation de l’holocauste aient tendance à augmenter en puissance. »

Dans l’article paru dans le quotidien MfD, qui réfléchit sur certains aspects de la perception de l’holocauste aujourd’hui, son auteur souligne que les néonazis cherchent à affaiblir voire à détruire la démocratie. « Dans un monde globalisé, les racistes, les antisémites et les xénophobes sont plus proches les uns des autres que jamais dans le passé », souligne-t-il et d’ajouter :

« Même si une grande partie de la population refuse l’idéologie infâme des néonazis, ainsi que la négation de l’holocauste, cela ne signifie pas pour autant que la partie démocratique du monde soit immunisée contre l’arbitraire et la manipulation antisémite ».

« Comment expliquer que le conflit arabo-juif soit interprété dans nos pays, par certains, comme « un véritable holocauste », s’interroge Leo Pavlát, qui estime que « ce sont les pays arabes qui jouent le prime dans la propagande anti-juive qui abuse de la shoah pour la tourner contre Israël ». En conclusion, il écrit :

« Dans les pays démocratiques, la notion de l’holocauste, qui n’est pas vraiment ancrée dans l’enseignement scolaire, perd souvent son contenu authentique à cause des simplifications fallacieuses des journalistes et des hommes. Au non respect des victimes de la shoa s’ajoutent ainsi le désarroi et l’ignorance. Il s’agit là de caractéristiques qui sont particulièrement néfastes, surtout, pour les jeunes. »

Morten Kjaerum,  photo: ec.europa.eu
Dans les pages de l’édition de mercredi du quotidien Lidové noviny, Morten Kjaerum, de l’Agence de l’UE pour les droits de l’homme, explique pourquoi il y a lieu de familiariser les jeunes avec le thème de l’holocauste. Ceci dans une situation où la majorité des étudiants européens ne semble pas porter un intérêt particulier à la récente histoire de leur continent.

D’après lui, c’est d’abord parce que l’holocauste est un exemple historique extrême de non-respect et de violation des droits de l’homme. Il explique :

« Il est important de créer un lien entre l’enseignement de l’holocauste et l’enseignement des droits de l’homme, car tous les étudiants, sans égard au milieu duquel ils sont issus ou sans égard à leur origine, ont un trait commun : ils sont très sensibles à tout ce qui a trait aux droits de l’homme. Et il est dans leur intérêt de réaliser que ces droits peuvent être menacés et comment cela peut arriver. »

Pour cette raison, l’histoire de l’holocauste constitue une part importante de l’histoire de chacun d’entre nous. Selon Morten Kjaerum, « les écoles ainsi que les lieux commémoratifs sont appelés à développer et appliquer les méthodes d’enseignement qui pourraient contribuer à une meilleure compréhension des droits de l’homme ».

Arnošt Lustig est un écrivain tchèque très connu qui partage maintenant sa vie entre la République tchèque et les Etats-Unis, où il a émigré après l’invasion de la Tchécoslovaquie par les chars soviétiques en août 1968. Interné en 1942 dans le camp de Terezin, il est passé par deux autres camps, Auschwitz et Buchenwald, et a survécu à la marche de la mort. Il a fait de l’holocauste le thème central de son œuvre littéraire.

Dans le supplément de l’édition de ce jeudi du quotidien Mlada frona Dnes déjà cité, il se souvient :

Photo: CTK
« Je suis un miraculé. J’étais parmi les cinq mille personnes transportées de Terezin à Auschwitz. A notre arrivée, Mengele m’a demandé quelle était ma profession. Je lui ai répondu que je savais tout faire. Je ne m’attendais pas à ce que cet homme souriant, soigneusement habillé, soit celui qui décide de la vie et de la mort des gens. J’ai survécu, car j’ai pu rejoindre ceux qui pouvaient travailler. Mon père, qui portait des lunettes, est allé directement dans une chambre à gaz. »

« Mon papa et ses camps de concentration favoris » : c’est ainsi que s’intitule le film documentaire consacré au thème de l’holocauste qui a été réalisé par le fils d’Arnošt Lustig, Josef, et qui évoque les souvenirs de son père. La Télévision tchèque l’a programmé pour ce jeudi soir.