La « protection provisoire » des Tchétchènes en République tchèque

Réfugiés tchétchènes (Photo: CTK)

Les Tchétchènes représentent aujourd'hui le plus important groupe parmi les ressortissants des pays de l'Est désireux d'acquérir le droit d'asile en République tchèque. L'hebdomadaire Literarni noviny consacre une page à ce que l'auteur de l'article, Jan Cernik, du Centre multiculturel, appelle « le rôle tchèque dans l'anabase tchétchène ». Les grandes lignes vous en seront présentées par Alena Gebertova et Guillaume Narguet.

Réfugiés tchétchènes  (Photo: CTK)
Une partie du scénario dans des régions de conflit ou de post-conflit est toujours la même : il y a des habitants qui n'arrivent pas à supporter que leur vie, leur santé, leurs libertés personnelles et leurs biens soient l'objet de menaces qui n'en finissent pas et qui, par conséquent, décident de partir pour essayer de tout recommencer ailleurs.

Fin avril et début mai, la République tchèque a commencé à accueillir des centaines de réfugiés tchétchènes venus de Pologne qui n'ont pas réussi à y acquérir le droit d'asile. En effet, si certains d'entre eux ont préféré aller en Autriche ou en Allemagne, d'autres ont décidé de tenter leur chance en Tchéquie. Selon les informations du Ministère de l'Intérieur, près de 900 Tchétchènes ont opté pour la République tchèque. La revue Literarni noviny s'interroge sur les problèmes que les autorités tchèques ont dorénavant, dans ce contexte, à affronter.

Selon le journal, la migration des Tchétchènes vers la République tchèque a montré clairement la contradiction entre le statut de réfugié de facto et celui de réfugié de iure. Le problème est que la situation de la majorité des ressortissants tchétchènes ne répond pas aux critères de la Convention de Genève et que ceux-ci ne peuvent donc pas être qualifiés de « vrais » réfugiés. « Pourtant, les Tchétchènes savent très bien pourquoi ils veulent se sauver, et les fonctionnaires qui décident de l'octroi d'asile comprennent autant le bien-fondé de leurs arguments », écrit le journal.

La mesure appelée « la protection privisoire », que l'Etat a mise en valeur et qui peut être accordée pour une période de six mois, sera-t-elle une solution ? Selon le journal, pas tellement, car une fois ce délai expiré, la « protection privisoire » peut être prolongée, sinon, dans le cas inverse, son détenteur n'a plus le droit à une procédure d'octroi d'asile. Point étonnant donc que très peu de Tchétchènes aient profité, à ce jour, de cette possibilité qui risque de les mettre dans une situation précaire.

Jan Cernik se félicite sur les pages du journal de ce que, en dépit de l'échec de cette mesure, les autorités tchèques chargées de la politique d'asile et de migration ne soient pas restées les bras croisés, mais aient cherché d'autres solutions, convenables tant pour la République tchèque que pour les Tchétchènes.

Dans cette logique, elles ont lancé un programme appelé « le retour de bénévolat assisté ». Selon ce programme, les Tchétchènes qui l'accepteraient, retourneraient vers le Caucase du nord, dotés d'une somme de trois mille dollars par famille, destinée à la reconstruction de leurs maisons. Le tout en coopération avec les organisations tchèques présentes dans la région. La faiblesse de ce projet consiste, selon le journal, dans ce qu'il ne reflète pas la situation réelle en Tchétchénie. La journaliste Petra Prochazkova, qui connaît bien la situation dans la région pour y avoir vécu, a d'ailleurs lourdement critiqué ce projet en disant :

« Si une famille tchétchène, avec trois mille dollars dans la poche, débarque en Tchétchénie, elle se fait voler soit par les soldats à la première station de contrôle russe, soit par une bande de criminels locaux, tchétchènes ou mixtes ».

Ceci dit, selon l'hebdomadaire Literarni noviny, il faut saluer le fait que la République tchèque soit le premier pays européen à avoir initié « la protection provisoire » des Tchétchènes dans son pays. Et d'écrire, je cite : « Un pays comme la République tchèque n'est pas en mesure d'accomplir le rêve des Tchétchènes et de garantir leur retour dans leur pays d'origine, un pays libre et sûr. Mais elle peut déployer des efforts au sein de l'Union européenne en vue de ce que celle-ci insiste sur l'amélioration de la condition de la population civile et qu'elle s'interroge sur la modification du statut de séjour des réfugiés sur le territoire de ses pays membres ».

« Ce qui s'est passé et ce qui se passe en Tchétchénie est une catastrophe. Une catastrophe humanitaire, écologique et internationale », peut-on lire dans la dernière édition de la revue littéraire et de société, Literarni noviny. Citons encore une partie de l'article consacré à ce chapitre douloureux de l'histoire moderne:

« Dans la deuxième moitié des années 90, les pays européens ont gaspillé leur chance de trouver une solution pacifique à la situation en Tchétchénie. Ils n'ont pas cultivé le mouvement de libération national tchétchène en ignorant un président issu des élections démocratiques et en laissant le terrain libre à des fanatiques dans le pire style talibanais. Aujourd'hui, la passiveté de l'Europe contribue à l'approfondissement du conflit, au désespoir de la population tchétchène... En quittant leur pays auquel ils sont intimement attachés, les Tchétchènes adressent un message on ne peut plus clair aux pays européens : demandez à la Russie le respect des valeurs démocratiques que vous prônez sur la scène internationale. Voilà l'une des rares possibilités dont disposent les Tchétchènes dans la défense active de leurs droits ».