La nostalgie s’appelle Première République

Place Venceslas, 28 octobre 1918

La fête nationale du 28 octobre a incité plus d’un commentateur à porter un regard en arrière, et notamment sur les vingt premières années de la République tchécoslovaque. Nous vous en présenterons quelques lignes. L’approche de la premère élection présidentielle directe au suffrage universel donne désormais lieu à toutes sortes d’analyses et d’interrogations dans la presse, dont nous avons choisi quelques exemples... Enfin, quelques mots seront consacrés aux perspectives économiques de la République tchèque.

Le 28 octobre 1918,  photo: public domain
« La fête nationale du 28 octobre est en fin de compte la fête d’un Etat inexistant. » C’est ce que signale Jiří Peňás dans un commentaire qui a été publié dans Lidové noviny au lendemain de la fête nationale commémorant la fondation, en 1918, de la République tchécoslovaque ; un Etat qui a disparu le 1er janvier 1993 avec sa partition en deux Etats indépendants, la République tchèque et la Slovaquie. Pour l’auteur, ce qu’il convient de célébrer quand même, c’est la Première République (1918 – 1938), au sujet de laquelle il remarque :

« C’était un Etat que personne, durant son histoire longue de vingt ans, n’a été contraint de quitter pour des raisons politiques, un Etat ouvert, prêt à offrir un refuge ; pendant les cinquante années suivantes, près d’un demi-million de personnes ont en revanche quitté le pays. Loin d’être idéal, cet Etat garantissait des libertés dont l’ampleur dépassait largement la moyenne européenne, grâce aussi au fait que l’ordre juridique et beaucoup de ces libertés avaient été hérités de l’Autriche. La Première République avait des arts et une industrie modernes. C’était un Etat multinational... qui avait son ordre et son propre style visuel : dans l’architecture, dans le design, dans la façon de s’habiller, dans la vie personnelle et mondaine. Chic, élégance, bon goût : autant d’atouts dont la Première République pouvait se targuer. »

Tomáš Garrigue Masaryk
Concernant le président Tomáš Garrigue Masaryk, l’auteur de l’article apprécie que la Première République tchécoslovaque a « supporté » à sa tête un homme réfutant toute sorte de tabous et d’idôlatries nationalistes, un intellectuel et moraliste né, cosmopolite libéral, abstinent et puritain dans sa vie privée. Et de conclure :

« Cet Etat avait ses défauts, c’est vrai, mais il avait du caractère. Son plus grand mystère reste lié à la question de savoir comment, plus tard, toutes ces qualités ont pu être si vite reniées et oubliées ? »


La première élection présidentielle au suffrage universel aura lieu en République tchèque respectivement les 11 et 12 janvier pour le premier tout, puis les 25 et 26 janvier pour le second. La liste des candidats qui aspirent au poste de président de la République est longue. Outre les personnalités nommées par les partis représentés au Parlement, la liste contient des candidats tenus de rassembler jusqu’à 50 000 signatures afin de pouvoir se présenter. Parmi ces derniers, à côté des noms connus, on en trouve d’autres qui paraissent pour le moins étonnants. Dans un commentaire du politologue Stanislav Balik, publié dans l’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny, nous avons pu lire :

« La scène politique et les médias ont désormais de quoi se divertir jusqu’à mi-janvier. Le reality show ‘La Tchéquie cherche son président’ démarre à plein gaz. On voit se présenter des candidats naturels, dont la participation ne nous étonne pas. Il s’agit d’anciens premiers ministres ou autres hauts représentants politiques. A part cela, on assiste à un remue-ménage de figures dont les candidatures apparaissent bizarres. On est stupéfait de voir combien de personnes estiment être dignes de cette fonction. »

Le discours préélectoral de beaucoup de ces candidats, qui s’appuie sur des promesses populistes, traduit des ambitions messianiques. L’auteur de l’article déjoue leur bien-fondé :

« Nous avons rejoint la tendance qui prédomine dans les pays d’Europe centrale (Slovaquie, Autriche, Pologne), et qui favorise l’élection présidentielle directe, en dépit du fait que les pouvoirs présidentiels y sont faibles. Cette forme d’élection a pourtant un sens tant que cette fonction implique des pouvoirs correspondants. Chez nous, le président dispose donc d’un minimum de pouvoirs indépendants d’un autre organe constituonnel. Il y a alors très peu de choses qu’un candidat peut réellement et sérieusement proposer dans sa campagne. »

« De ce fait, conclut le politologue, les gens devraient privilégier un candidat capable d’unir et de concilier la société, au lieu de se laisser séduire par quelqu’un qui se présente avec des promesses peu réelles, voire messianiques. »


Le quotidien Mladá fronta Dnes a récemment publié les résultats d’une enquête effectuée par l’agence Focus et dont l’objectif était de savoir si les Tchèques souhaitaient voir Václav Klaus rester dans la haute politique lorsque son mandat présidentiel expirera en mars prochain.

Près de la moitié des personnes interrogées ont exprimé le souhait que Klaus se retire complètement de la vie politique, sans plus intervenir dans la vie publique. Près de 20 % aimeraient qu’il y reste. « Il est en outre surprenant, souligne le journal, qu’un quart des personnes aient déclaré sur ce point leur indifférence, Václav Klaus étant pourtant une figure qui laisse rarement les gens indifférents. »

Václav Klaus,  photo: Khalil Baalbaki,  Archives de ČRo
Le président Klaus, quant à lui, se fait à ce jour énigmatique, prétendant d’un côté vouloir quitter la vie politique active, tout en admettant de l’autre l’éventualité de rester pour défier ses adversaires. L’attitude à cet égard est partagée aussi au sein du Parti civique démocrate (ODS), dont Klaus a été successivement le fondateur, le président et le président d’honneur, fonction à laquelle il a renoncé il y a quatre ans. Ceux qui sont favorables à son départ semblent pourtant prédominer. Le journal cite deux des membres « rebelles » au sein de ce parti de droite, qui soutiennent avec ferveur Václav Klaus et qui expliquent :

« Nous pensons que, de nouveau en tant que président d’honneur, il pourrait influencer les activités au sein du parti et les décisions de sa direction. Il serait le doyen de l’ODS, dont la parole aurait un poids... Avec son départ, il manque un fort défenseur des idéaux de droite. »

Pour illustrer le fait que Václav Klaus a l’habitude de prendre au sérieux même les fonctions à caractère honorifique, le journal relate une anecdote :

« Il y a un an et demi, Václav Klaus est devenu président du club de tennis de Prague Štvanice. Bien qu’il ne s’agisse que d’une fonction honorifique dont le premier but est d’élever le prestige du club, Klaus ne manque jamais de participer aux réunions, contrôle l’économie du club et intervient considérablement dans son fonctionnement. »


« L’évaluation par le Fonds monétaire international de l’évolution économique dans les différents pays, qui s’étend jusqu’à 2017 et s’appuie sur le taux de croissance du PIB, est peu favorable pour la République tchèque. La Slovaquie, la Russie, l’Estonie, le Chili et l’Uruguay sont des pays qui, dans cinq ans, auront une économie plus efficace que la Tchéquie. » C’est ce que l’on a pu lire dans un récent supplément économique du quotidien Lidové noviny.

Photo: Archives de ČRo7
L’ensemble des médias ont en outre publié, en cette fin de semaine, les résultats du dernier pronostic de la Banque nationale tchèque, qui est également très prudent et selon lequel le PIB s’accroîtrait au cours de l’année prochaine de 0,2 % au lieu des 0,8%, initialement prévus. Le ralentissement de l’économie tchèque de près de 0,9 % sera dû à la baisse de la demande étrangère et de la demande locale.

Certains économes estiment cependant que la Tchéquie a tout pour voir très prochainement se relancer son économie censée atteindre une croissance de 4 à 5% par an. Pour Ondřej Schneider, les obstacles sont surtout d’ordre « psychologique ». Il explique :

« Depuis plusieurs années déjà, nous nous refermons devant l’Europe et le monde, ce qui fait que le capital étranger vient chez nous plus lentement que dans le reste de la région. Nous avons peu de confiance en nous-même, nous faisons des économies comme s’il devait y avoir la fin du monde. »

D’autres encore dénoncent l’incapacité du gouvernement à expliquer à la population l’importance et le sens des mesures d’austérité.