Jan Palach – un souvenir redevenu bien vivant

Jan Palach

A l’occasion du 45e anniversaire de l’immolation par le feu de l’étudiant tchèque Jan Palach, le 16 janvier 1969, les journaux rappellent cet événement et notent que la question de savoir s’il s’agissait davantage d’un sacrifice que d’un acte de désespoir ou encore d’un suicide demeure toujours discutée au sein de la société tchèque. Dans deux commentaires différents concernant la politique étrangère, leurs auteurs ont suivi certains aspects de la situation en Lituanie et en Hongrie pour les comparer avec ce qui est typique pour la République tchèque. Les liens entre le fameux James Bond et la Tchéquie sont traités dans un article que nous avons également retenu dans la presse de ces derniers jours.

Jan Palach
Dans un commentaire publié sur le serveur aktuálně.cz, son auteur constate que la « demande de Palach », dans les médias et auprès du public, a aujourd’hui tendance à avoir un impact croissant. Rien à voir donc avec les années 1990, où le rappel de l’acte de Jan Palach dans les médias était plutôt formel. Outre le 17 novembre, date du début de la dite Révolution de Velours qui a fait chuter le régime communiste, il s’agit de l’anniversaire le plus vivant de notre histoire moderne. D’où vient le besoin d’attribuer à cet anniversaire une importance grandissante ? Jan Lipold explique : « Beaucoup de gens ont tout simplement le sentiment que le passé, l’époque où ils avaient vingt ou trente ans, ne doit pas tomber dans l’oubli. Mais nous avons de nombreuses autres motivations de nous rappeler de Palach : le sentiment de perte d’un horizon, le besoin de se référer à quelque chose de grand et de trouver un ancrage... Tandis que notre style de vie est orienté vers « le rire et l’oubli », nos réflexes de défense nous avertissent qu’oublier serait une erreur. »

Le supplément Orientace de samedi dernier du journal Lidové noviny a lancé dans ses pages une discussion au sujet de l’acte de Jan Palach, avec deux historiens, deux journalistes et un pasteur protestant. Le tout pour répondre notamment à la question de savoir s’il s’agissait d’un acte désespéré ou, plutôt, d’un sacrifice. L’historien Jakub Jareš dit entre autres:

« Je pense que Palach ne se prenait pas lui-même pour quelqu’un qui se sacrifie. C’est une interprétation vue de l’extérieur. Son acte est politique par excellence, calculé sous un certain angle politique. Le problème c’est qu’il n’a formulé aucune revendication originale... Au niveau personnel et métaphysique, son acte absolu me touche profondément, du point de vue politique de l’époque, mon regard est plutôt critique. »

La journaliste Petruška Šustrová estime qu’il est difficile d’offrir désormais un regard inédit sur Palach, sur son acte et ses conséquences. Elle soutient dans le même temps l’idée d’installer, dans la maison natale de Jan Palach, un musée qui lui serait consacré car, selon ses dires, « l’histoire moderne est très peu enseignée chez nous ». Et voici encore une brève citation d’un article de la plume du psychologue Miroslav Hudec, publié dans l’édition de ce mardi de Lidové noviny qui rejette strictement l’idée soutenue par certains qui veut que la mort volontaire de Jan Palach ait été un suicide ou encore « une réaction maladive » qui ne pouvait sauver personne. Il écrit notamment :

« Les témoignages de tous ceux qui étaient en contact avec Jan Palach avant cet acte, ainsi qu’aux derniers moments de sa vie, à l’hôpital, font mentir de telles considérations... Son acte, on peut l’inscrire parmi ceux qui contribuent à former, à maintenir et renforcer l’ordre moral, bien que leurs acteurs n’y ont peut-être même pas pensé ».

La Tchéquie et la Lituanie ou des ambitions européennes différentes

Photo: Commission européenne
« La Lituanie et la Tchéquie – deux planètes différentes. » Tel est le titre d’un article de la plume de Jan Macháček de l’hebdomadaire Respekt dans lequel il compare les ambitions européennes des deux pays. C’est une réaction à la toute récente déclaration résolue du Premier ministre lituanien Algirdas Butkevicius défendant devant ses opposants l’entrée de son pays dans la zone euro, prévue le 1er janvier 2015. Jan Macháček écrit :

« On ne saurait imaginer qu’un représentant tchèque puisse exalter à tel point quand il s’agit d’un thème comme l’euro ou la zone euro ou qu’il s’agit d’un thème qu’il considère important... Les Baltes perçoivent leur appartenance à la zone euro tout à fait différemment de nous. Pour eux, chaque nouveau degré d’intégration dans les structures occidentales est une évidence au regard de leur intérêt national, de leur sécurité et de leur identité nationale... »

L’auteur de l’article souligne qu’il s’agit pour eux, aussi, d’une question de prestige et de rationalité économique. Des aspects qui ne semblent guère préoccuper la partie tchèque. Il observe :

« Il est vrai que la République tchèque a désormais abandonné les eaux eurosceptiques les plus profondes... On ne peut toutefois pas s’imaginer qu’un politicien tchèque puisse soulever la question de l’appartenance du pays à la zone euro d’une manière aussi dramatique, comme une question d’existence. Et pourtant, cette question est appelée à être pour nous une question de prestige, étant donné que les Slovaques, les Autrichiens et les Allemands qui sont nos voisins y sont déjà. S’agissant de la croissance économique, ces pays se portent beaucoup mieux que le nôtre. Comment se fait-il que cela nous laisse indifférents et qu’on ne réalise pas, d’un point de vue de la rationalité économique, que sans l’euro, nous somme tous perdants ? »

Le prochain cabinet de coalition qui s’annonce plus pro-européen que les cabinets précédents semble cependant constituer, selon Jan Macháček, un certain espoir.

Le chaos tchèque et l’inertie hongroise

Photo: CTK
« Merci pour le chaos tchèque », titre de son côté Martin Šimecka dans une autre analyse qui confronte la République tchèque à un pays étranger, la Hongrie. Il constate :

« Bien que la politique tchèque puisse paraître désespérément plongée dans le désarroi, elle possède un grand avantage, celui d’être variable. Les gagnants et les perdants se relaient assez rapidement et on voit même entrer sur le ring, de temps en temps, un nouvel adepte. Les électeurs peuvent ainsi voir en différé les chutes et les ascensions de leurs favoris ou de leurs adversaires, ce qui rappelle et confirme que la démocratie est un processus vivant et que les politiciens ne sont que des gens ordinaires auxquels on a délégué ni moins ni plus que le pouvoir. Dans cette logique, les noms de Zeman, Babiš et Sobotka qui sont aujourd’hui au pouvoir, tomberont un jour dans l’oubli, tout comme ceux de leurs prédécesseurs, Nečas ou Klaus. »

L’auteur de l’article souligne que l’inertie d’un tel processus est la pire des choses qui puisse advenir à la démocratie, car dans un tel cas de figure, la société peut croire que le duel électoral n’est que formel et que son gagnant est connu à l’avance. Les événements en Hongrie en seraient, selon lui, une illustration très flagrante, car le vainqueur des élections législatives au printemps prochain sera certainement de nouveau Viktor Orban, cette victoire ayant été assurée par une modification raffinée de la loi électorale et, dans une certaine mesure, par l’impuissance de l’opposition.... « Profitons donc du chaos tchèque, tant que nous le pouvons encore », peut-on lire à la fin de cet article.

Ce qui lie James Bond à la Tchéquie

John Dee
Un article publié dans l’édition de samedi dernier de Lidové noviny décrit les liens qui existent entre la Tchéquie et le célèbre agent fictif James Bond, en particulier par le biais de l’alchimiste anglais John Dee, une figure hautement reconnue au XVIe siècle. Son auteur explique :

« Le fait que le film Casino Royal ait été tourné en 2006, en partie, en République tchèque, ne constitue pas l’unique lien entre le pays et les histoires du célèbre agent des services secrets britanniques. Il s’agit en outre du fait que l’écrivain Ian Fleming n’a pas choisi le chiffre 007 par hasard, mais qu’il l’a emprunté à l’alchimiste britannique John Dee, lequel a longtemps séjourné, vers la fin du XVIe siècle, à Prague et à Třeboň, ville située dans le sud de la Bohême. Avec ce chiffre, il signait les rapports codés adressés à la reine Elisabeth Ière, avant de rentrer en 1590 en Angleterre. »

Le journal note également que d’après ce que John Dee a écrit dans son journal, son séjour en Bohême aurait joué un rôle important dans sa vie. En témoigne d’ailleurs le fait qu’un des fils de l’alchimiste, né au château de Třeboň, a reçu le nom de Theodorus de Třeboň.