En Europe ou avec Klaus?

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Comment les commentaires tchèques considèrent-ils la situation politique dans le pays, après la chute du cabinet qui est survenu au milieu de la présidence tchèque, ainsi que ses retombées sur la position de la République tchèque dans l’arène internationale ?

« La Tchéquie tombe dans la deuxième ligue ». Tel est le titre éloquent d’un article paru dans l’édition de mardi du quotidien économique Hospodářské noviny et qui évalue les effets de la démission du gouvernement de Mirek Topolánek, conséquence de la motion de censure adoptée contre celui-ci par l’opposition. Selon son auteur, Lenka Zlámalová, le pays a raté une immense occasion de présenter son excellence, une chance dont personne d’autre en Europe centrale ne disposait. Elle continue :

«Renverser, rien que pour satisfaire ses ambitions politiques intérieures, un gouvernement qui préside l’Union européenne et en pleine crise économique et vouloir le remplacer par un cabinet de conservation, dirigé par un chef du Bureau des statistiques, aussi correcte soit-il, relève d’un masochisme pur et simple. Le cabinet, sous la direction de Jan Fischer, profitera certes aux intérêts étroits de l’ensemble des partis et du président de la République. D’un autre côté, il est dévastateur pour le renom du pays ».

« C’est le prestige et l’influence informelle qui comptent au Conseil européen plus que la force formelle », écrit l’auteur du commentaire pour développer plus largement son idée :

« Après novembre 1989, nous avions une grande chance. Petit et pauvre, notre pays avait pourtant une certaine attractivité. Le monde a été notamment fasciné par la révolution de Velours et l’histoire qu’avait derrière lui Václav Havel. Notre séparation à l’amiable avec les Slovaques a également contribué à cette image positive».

Jan Fischer et Václav Klaus,  photo: CTK
« La présidence du Conseil de l’Union européenne était une opportunité de montrer que nous avions aussi des talents et des capacités. Face aux coups durs infligés par le président français et aux critiques de la part des médias internationaux, on s’est quand même assez bien défendu. On a réussi à affronter avec un certain succès la crise gazière et la crise économique. On a pu persuader les investisseurs qu’à la différence des Hongrois, nous n’étions pas au bord de la banqueroute. Et pourtant, de notre plein gré, nous avons préféré rejoindre les Grecs, les Italiens et les Hongrois ».

Selon Hospodářské noviny, en adoptant la motion de censure, ce sont Jiří Paroubek, chef de file du Parti social-démocrate (ČSSD) et les députés proches du président Václav Klaus qui ont envoyé le pays, pour bien longtemps, dans la deuxième ligue. Et de conclure :

« Le président de la République et le leader social-démocrate ont couronné le désastre en refusant que le Premier ministre démissionnaire, Mirek Topolánek, reste en fonction au moins jusqu’à la fin de la présidence européenne. Il ne nous reste qu’à espérer qu’avant la fin du mois de juin, aucun grand problème auquel Jan Fischer serait confronté ne surgisse. Moins le monde aura l’occasion de parler de nous, mieux ce sera pour nous ».

En Europe ou avec Klaus ? C’est ainsi que s’interroge un article qui est paru dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt et qui constate que la première ambition politique du président tchèque est d’atteindre l’éclatement de l’Union européenne, d’où ses tentatives de la plonger dans le chaos. Nous en avons choisi pour vous quelques extraits.

Pourquoi le président tchèque veut-il jeter un continent comptant près de 500 millions d’habitants, dans une profonde incertitude ? Pourquoi insiste-t-il sur le départ du cabinet Topolánek au milieu de la présidence sachant que ces turbulences lèsent les intérêts de l’Union européenne et de la Tchéquie ? Que signifie pour l’avenir de l’Union le fait qu’elle puisse être désormais gérée par un de ses adversaires ? Voilà les interrogations que l’article soulève et auxquelles il cherche à donner des réponses.

L’hebdomadaire rappelle que les efforts anti-intégristes constituent depuis longtemps un des principaux points de l’agenda politique de Vaclav Klaus et constate que ces derniers temps, son discours a pourtant tendance à durcir. « La réincarnation de l’idéologie communiste », « une communauté dépourvue de liberté », voilà quelques-unes des dénominations qu’il aime à utiliser à l’adresse de l’Union européenne.

« D’un autre côté, écrit Respekt, le président tchèque est partisan d’une politique d’ouverture à l’égard de la Russie. L’affinité anti-européenne qui existe entre Klaus et le Kremlin a été retenue aussi bien par les médias nationaux que par d’importants périodiques étrangers. Vaclav Klaus est le seul homme d’Etat européen à avoir soutenu l’agression russe en Géorgie et ses opinions sur différentes questions internationales sont absolument identiques à celles de la Russie ».

Suite aux dernières démarches politiques de Václav Klaus, de plus en plus souvent se font aujourd’hui entendre les voix qui considèrent que la politique de Klaus a un but précis : faire éclater l’Union. Le journal cite le ministre sortant de l’Environnement, Martin Bursík qui dit : « Tout indique que le président veut rompre ou du moins affaiblir l’UE. Voilà pourquoi il s’oppose au Traité de Lisbonne qui introduit des règles solides. »

L’hebdomadaire fait remarquer que le discours de Václav Klaus comporte des contradictions car, en dépit de ses positions anti-intégristes, il aime prétendre que, pour la République tchèque, « il n’y a pas d’autre alternative que l’appartenance à l’UE ». Il écrit :

« La politique européenne de Klaus a un but qui ne répond pas à ses déclarations officielles. Il y a deux explications à cela : soit il ne se rend pas compte de ses conséquences ou bien il dissimule ses véritables intentions… Mais il semble trop intelligent pour être ignorant. »

Une catastrophe guette les Tchèques. Pourquoi ne se révoltent-ils pas ? Voilà la dernière question que le journal soulève pour continuer :

« L’opinion publique en République tchèque se tait, ce qui est d’autant plus étonnant que les Tchèques, comme le révèlent les sondages, se déclarent favorables à l’intégration européenne, font confiance aux institutions européennes, veulent l’euro et sont pour Lisbonne. Comment se fait-il que les citoyens qui ont de telles aspirations ne réagissent pas ? »

Il y a beaucoup d’explications à ce phénomène, par exemple le faible intérêt des citoyens pour les thèmes européens en général. Les auteurs de l’article retiennent en outre un trait spécifiquement tchèque : les gens ont du mal à croire que le chef de l’Etat d’un petit pays puisse imposer ses grandes aspirations au sujet de la future orientation européenne. En conclusion, Respekt écrit :

« Il semble que cette indifférence appartient au passé. Avec la crise gouvernementale, finit définitivement le temps où la politique de Václav Klaus pouvait être considérée comme une exhibition innocente. Le temps est désormais venu d’emprunter le chemin de l’investigation pour savoir quels sont les véritables effets et les véritables objectifs de cette politique ».