Petr Sabach règle ses comptes avec sa carte d'identité

Petr Sabach

Le dernier livre de Petr Sabach s'appelle « Carte d'identité ». C'est un itinéraire d'un homme qui raconte sa vie à partir de sa jeunesse jusqu'à la soixantaine. Une vie marquée profondément par la situation politique dans laquelle il doit vivre. Le lecteur suit son évolution sur une multitude d'histoires et épisodes parfois drôles et amusants. Le héros du roman se heurte souvent à la rigidité du régime communiste.

Petr Sabach raconte ses expériences avec la police, il décrit la lutte sournoise et malicieuse entre la population et les policiers, ces représentants les plus visibles de l'arbitraire communiste. Il dévoile aussi les activités des agents et des collaborateurs de la STB, l'omniprésente police secrète. La carte d'identité, petit carnet rouge et beige, symbolise dans le récit l'emprise du pouvoir sur les gens, un danger permanent pour la liberté de l'individu. Les démêlés du héros du livre avec le pouvoir ne se terminent d'ailleurs pas après la chute du communisme en 1989, mais continuent sous une forme un peu différente également sous le nouveau régime. Le héros doit toujours faire face aux efforts des autorités pour l'identifier, on lui demande toujours sa carte d'identité. De nombreux épisodes de ce roman renvoient à la vie de l'auteur et celui-ci ne nie pas, d'ailleurs, le caractère autobiographique de cette oeuvre. Cependant, on dirait, à l'entendre, que les sources de son inspiration sont pratiquement partout :

« Je pense que l'écriture est très liée avec l'approfondissement de ce qu'on entend, avec l'imagination. Vous entendez quelque chose et vous l'approfondissez. Je l'appelle J'appelle cela la réflexion littéraire bien que cela sonne un peu orgueilleux, mais cela arrive à beaucoup de gens pas seulement à moi. Quelqu'un passe et vous imaginez où il va et vous vous retrouvez ainsi sur le bon chemin pour l'écrire. Il semble donc que quelqu'un attrapait ces histoires dans l'air, dans les brasseries et dans les parcs, mais attention, souvent vous n'entendez que la moitié de ce qu'on dit et vous devez imaginer la seconde moitié. Et franchement, c'est cela qui m'amuse le plus. »


Sa vie et la vie des autres servent donc à Petr Sabach de piste de lancement pour son imagination. Déjà sa propre biographie lui fournit assez de motifs et d'inspirations pour son oeuvre. Son père était soldat de carrière, sa mère était fonctionnaire du ministère de l'Education nationale. Petr Sabach est né en 1951, donc au début de ces années cinquante qui resteront à jamais marquées par la terreur stalinienne. En 1969, le lycéen Sabach est chassé de son lycée parce qu'il prolonge d'un mois son séjour de vacances en Grande-Bretagne et ne revient à son école qu'en octobre. A partir de 1974 il étudie par correspondance et en 1977 il termine ses études de culturologie à la Faculté des Lettres de l'Université Charles de Prague. Entre temps il gagne sa vie de manières très diverses. Il fait des travaux temporaires, il est veilleur de nuit et animateur d'une maison de culture et d'une galerie. Dans les années 1980, il commence à publier des nouvelles et des romans dont le ton personnel et décontracté lui attire de nombreux lecteurs qui attendent désormais impatiemment chaque nouvelle oeuvre portant son nom. Il est bientôt remarqué par les cinéastes et quelques-uns de ses livres sont portés à l'écran.

Aujourd'hui, Petr Sabach est un des rares écrivains tchèques qui peuvent vivre de leur plume. Ses livres ne manquent pas de lecteurs et ont été traduits dans plusieurs langues. Les lecteurs français ont la possibilité de lire Petr Sabach grâce à la traduction française de son roman « Les mamies » paru aux éditions Parangon.


Quel est le secret du succès de Petr Sabach. Comment écrit-il? Il ne cache pas sa méthode littéraire. Quand il a l'idée d'un roman, il la laisse mûrir pendant longtemps :

« Je le garde pendant à peu près une année dans la tête. Et puis je commence à prendre de petites notes et je le fais durant deux ans approximativement. L'écriture elle-même, lorsque je m'installe devant l'ordinateur avec mes carnets et mes notes, n'est pas longue. Cela prend peut-être un mois. Mais là, il faut taper sur l'ordinateur du matin au soir. Ensuite, je dois faire le tri et jeter à peu près le tiers du texte. Ce n'est qu'au moment où le livre est imprimé que je réalise qu'il y a beaucoup de choses superflues. Je regrette chaque phrase supprimée, cela me rend triste. Mais chaque sculpteur vous dira que pour voir la qualité d'une statue il faut la balancer du haut d'une pente. Ce qui reste, c'est la statue véritable. Et cela est valable aussi pour l'écriture. Donc souvent on se donne trop en spectacle, on fait de la broderie, on orne l'arbre de Noël. Mais il ne faut pas orner l'arbre de Noël, c'est une anomalie de Noël. »

Son style savoureux et la richesse des épisodes qu'il évoque dans ses livres font comparer Petr Sabach à Bohumil Hrabal, écrivain considéré par beaucoup comme la plus grande figure des lettres tchèques du XXeme siècle. Il s'en défend :

« Je ne suis absolument pas d'accord parce que Bohumil Hrabal est pour moi tout simplement un gourou et un maître. Ce qui ne veut pas dire que je ne lis que Hrabal. Vous savez, la différence fondamentale entre moi et Hrabal est que Hrabal était terriblement instruit. Oui, il était obligé de cacher sa culture pour ne pas froisser les gens, tandis que moi, je suis obligé de la feindre. »

(Les propos de Petr Sabach ont été recueillis par Vilem Faltynek.)