Le paradis culturel des années 60

Michael Wellner-Pospisil
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La culture tchèque des années 60 est sans doute un chapitre important de l'art européen du XXe siècle. Pendant cette période de court dégel politique, la vie culturelle en Tchécoslovaquie a connu un épanouissement admirable. Grâce à un concours de circonstances qui ne se reproduira plus, se développent et s'épanouissent les talents des écrivains Bohumil Hrabal, Milan Kundera, Josef Skvorecky et Vaclav Havel, des cinéastes Milos Forman, Jiri Menzel, Vera Chytilova et Evald Schorm, de l'homme de théâtre Otomar Krejca et de toute une pléiade d'autres artistes. Ils trouvent en Tchécoslovaquie un public enthousiaste et attentif et, dans des conditions matérielles relativement modestes, deviennent les artisans d'un phénomène culturel qui sera bientôt remarqué à l'étranger. C'est à ce phénomène culturel qu'est consacré le livre « Culture tchèque des années 60 » paru aux éditions l'Harmattan. Les textes du livre ont été réunis par Jean-Gaspard Palenicek et Michael Wellner-Pospisil. Ce dernier a évoqué au micro de Radio Prague la genèse de ce livre et le caractère particulier des années 60 en Tchécoslovaquie.

« Les auteurs du livre sont nombreux puisque nous avons essayé de voir la culture tchèque des années soixante sous tous les angles possibles et imaginables. Nous nous sommes donc logiquement adressé à des spécialistes de différents domaines. Nous avons tracé les domaines du théâtre, du cinéma, de la littérature, de la photographie, etc. Et comme chapitre complémentaire, nous avons aussi demandé à certains auteurs français de nous donner leurs témoignages sur la réception de chacun de ces domaines en France. »

Avez-vous remarqué en France des signes traduisant le désir du public français de mieux comprendre et mieux connaître les années soixante et la culture de ces années en Tchécoslovaquie ?

« Je crois que nous avons eu beaucoup de signes de cet intérêt parce que, en 2006, quasiment toute la programmation du Centre tchèque à Paris était organisée autour de années soixante. Et nous avons donc vu l'intérêt que les Français portent à cette période culturelle chez nous. Nous nous sommes donc dit qu'il serait bien de résumer cette année culturelle 2006 en organisant la parution de ce livre aux éditions L'Harmattan. Et, en effet, le livre se vend bien. Il est vendu évidemment dans la boutique des éditions l'Harmattan mais aussi sur Internet. »

Selon l'écrivain Milan Kundera, la période des années soixante a été un des plus grands moments de la culture européenne. Partagez-vous cette opinion ?

« Mais justement cette idée de Milan Kundera a été la devise et la question que nous nous sommes posée tout au long de l'année 2006. Vous savez, c'est une question tellement compliquée qu'il est tout à fait impossible de répondre d'une manière stricte. C'était donc plutôt une réflexion autour de cette idée de Milan Kundera qui est devenue la devise du livre. »


Avez-vous une explication à cet épanouissement culturel tout à fait exceptionnel des années soixante en Tchécoslovaquie ?

« Je crois que c'était une alchimie extrêmement compliquée. Il y avait évidemment le contexte politique, une légère atténuation de la Guerre froide à cette période-là. C'était aussi la période des premiers succès de la culture tchèque à l'étranger, et ce notamment dans le domaine du cinéma puisque nous avons reçu à cette époque-là notre premier Oscar à Hollywood pour le film « Les trains étroitement surveillés » et un prix au festival de Cannes pour le film « Un jour, un chat ». C'était aussi la période de la notoriété de nos scénographes et de nos dramaturges à l'étranger. Donc, tout cela a fait que l'Occident a commencé à s'intéresser à ce qui se passait à l'Est. Mais ce ne sont que des réflexions qui ne peuvent jamais donner une réponse exacte. Perce que si l'on connaissait la réponse exacte, on pourrait refaire les années soixante dans les années quatre-vingt-dix ou aujourd'hui, par exemple. Mais ce n'est pas le cas. Alors, on peut se poser la question pourquoi ce n'est pas le cas. Posons-nous ces questions. C'était aussi le but de notre festival de la culture tchèque des années soixante et aussi de ce livre qui est, à ma connaissance, le premier ouvrage retraçant l'ensemble de l'art des années soixante. Il y avait évidemment des livres sur la littérature ou sur le cinéma des années soixante mais, jamais, tous ces thèmes n'ont été réunis dans un seul livre. »

Une des explications à cet épanouissement culturel est qu'après des années d'oppression, après un régime communiste très dur, il y a eu tout à coup un moment de dégel qui a permis une effusion, une explosion véritable d'une énergie accumulée depuis des années...

« Oui, c'était probablement le juste dégel qu'il fallait. Et je me souviens d'un proverbe qui dit : « Plus on presse l'olive, meilleure huile elle donne ». Donc, là, on a été pressés. Et puis c'était la dépression. C'est peut-être cette alchimie qui a aidé ce phénomène extraordinaire et indiscutable. »

Rappelons encore les principaux chapitres du livre et les personnalités que vous avez invitées à collaborer à la rédaction de cet ouvrage.

« Pour énumérer les domaines, c'est facile. C'est quasiment tous les domaines de l'art. Et nous avons eu des auteurs remarquables comme Sophia Bobovitch, Jana Claverie, Xavier Galmiche, Pierre Grémillon, Katia Hala, Antonin Liehm pour le cinéma, le professeur Antoine Marès, Danièle Monmarte pour le théâtre, Mahulena Neslehova, Zdenek Pinc, Lenka Stranska et d'autres. »

Un autre ouvrage de ce genre existe-t-il déjà en République tchèque ?

« Non, un tel livre n'existe pas. C'est le premier livre qui réunit les domaines d'art de cette période. J'ai justement une nouvelle très récente. Nous avons l'accord des éditions de la cinémathèque tchèque, par la voix de son directeur M. Opela qui s'intéresse à l'édition du livre en tchèque. Et nous sommes en train de travailler sur la possibilité de faire traduire le livre en anglais. »

Espérons donc que les Tchèques, après les Français, auront la possibilité de lire ce livre consacré à leur culture.

« J'en suis très content parce que l'intérêt que M. Opela a exprimé témoigne de l'intérêt général de ce livre surtout pour le lecteur tchèque. »