Emile Lansman : Nous nous sommes imposés parmi cinq ou six éditeurs de théâtre qui comptent aujourd’hui

Emile Lansman

C’est une longue liste de pièces de théâtre et de dramaturges qui ont été lancés par la maison Lansman Editeur. Au cours des 18 ans de son existence, Lansman Editeur a publié en Belgique plus de 750 pièces d’auteurs francophones au départ peu connus d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Afrique et a contribué à imposer certains de ces auteurs débutants dans le monde du théâtre. Récemment nous avons eu à Prague le plaisir de rencontrer Emile Lansman, chef de cette maison d’édition qui cherche et révèle au monde de nouveaux talents. Une occasion pour présenter Emile Lansman, sa maison d’édition et ses activités au micro de Radio Prague.

«Lansman Editeur est une maison qui existe depuis 18 ans et qui se consacre entièrement au théâtre francophone avec un tout petit peu de traductions, mais surtout des textes venant d’auteurs peu ou pas connus, à la fois d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Afrique noire et du Maghreb, donc un domaine éditorial relativement négligé. Il y a dix ans il y avait encore très peu d’éditeurs de théâtre. Nous nous nous sommes très rapidement imposés parmi cinq ou six éditeurs qui comptent aujourd’hui.»

Votre maison d’édition aide-t-elle les auteurs à s’imposer et à faire jouer leurs pièces ?

«Oui bien sûr. En fait, notre travail est double. On a la réputation de beaucoup travailler avant la publication avec les auteurs. C’est à dire essayer de trouver leur cohérence, essayer de leur montrer leurs incohérences par rapport au choix qu’ils ont fait, et puis aussi de les amener à peaufiner leurs textes pour que le plaisir de lire le théâtre existe. Dans le monde francophone on disait pendant longtemps : Le théâtre ça ne se lit pas. Et nous, on voulait montrer le contraire. Et la deuxième partie de notre travail, c’est vraiment d’essayer d’aider les auteurs en étant dans les événements qui comptent sur le plan théâtral, pour rencontrer des compagnies et des comédiens. »

Avez-vous réussi à imposer de cette façon certains auteurs qui sont aujourd’hui connus et joués ?

«On peut dire évidemment que notre chance est d’avoir trouvé un auteur chinois en 1991 que très peu de gens connaissaient, qui s’appelait Gao Xing Yang. Nous avons été les premiers à le publier en Occident. Ces premiers romans ont été publiés seulement en 1995, et en 2000 il a eu le prix Nobel. Alors ça aide évidemment à identifier un éditeur qu’il ait ce parcours, qu’il ait cette carte de visite. Par exemple il y a aujourd’hui un certain nombre d’auteurs togolais qui apparaissent sur les affiches, je pense à Gustave Akakpo qui est venu ici pour la Semaine de la francophonie et dont les textes ont été traduits à ce titre.

Gustave Akakpo
Donc Gustave Akakpo est un auteur que j’ai rencontré il y a une dizaine d’années, quand il était tout jeune auteur. Il faisait surtout des livres pour enfants. J’ai vraiment vu ses premiers pas d’écriture. C’est un auteur qui est aujourd’hui très apprécié en France, par exemple, qui a acquis la maturité très rapidement et qui est souvent monté. Cette année, par exemple, il a deux textes qui seront joués, qui seront créés en fait au Tarmac de la Villette qui est l’ancien Théâtre de langue française (Le TIF) est c’est un haut lieu de la création de textes francophone à Paris.

Donc on pourrait multiplier les exemples avec les gens avec qui nous avons fait un parcours et qui se retrouvent aujourd’hui à la scène. Parce que nous, nous jouons sur les deux tableaux : en même temps ces auteurs sont créés et on les reconnaît comme des auteurs à part entière, comme des auteurs littéraires. On commence à proposer leurs oeuvres dans les classes francophones en Belgique et en France. »


Vous avez dit publier surtout des auteurs francophones. Y a-t-il aussi des auteurs d’autres pays, par exemple des auteurs tchèques ?

«Non, jusqu’à présent nous n’avons aucun auteur tchèque. Disons que la traduction, jusqu’il y a peu, n’était pas ma grande préoccupation. On vend beaucoup de droits de traductions, enfin on vend, c’est une façon de parler, il y a des traducteurs de toutes les langues et aussi des Tchèques qui s’intéressent à nos textes, qui envisagent de publier nos textes. Et évidemment, la réciprocité s’installe. On me demande pourquoi je ne m’intéresse pas aux auteurs tchèques. Il est clair que je ne peux m’intéresser aux auteurs tchèques que s’ils sont traduits en français, parce que malheureusement je ne parle pas cette belle langue et donc il y a une barrière qui passent par les traducteurs. Et les traducteurs sont encore plus fous que les éditeurs, je trouve, puisque les traducteurs, pour avoir une chance de voir une traduction publiée, doivent d’abord la réaliser. Donc c’est un peu ‘l’œuf et la poule’.

Pour que je puisse publier des textes tchèques en français, il faut que j’aie la traduction française et le traducteur, lui, doit faire cette traduction sans avoir la moindre garantie que je décide de la publier. Donc c’est un domaine qui n’est pas facile. En tout cas je suis prêt à jouer le jeu. Donc si je suis ici, ce n’est pas tout à fait par hasard. C’est que, effectivement, je sens, on m’a dit, j’ai déjà eu quand même quelques échos sur les qualités d’un certains nombre de nouveaux auteurs tchèques, notamment les jeunes. J’envisage donc de venir l’année prochaine pour travailler notamment au cours de cette Semaine de la francophonie autour du théâtre francophone, avec un auteur qui s’appelle Rodrigue Norman qui est un auteur togolais et belge. En même temps, j’ai demandé que ce soit l’occasion pour moi de rencontrer des auteurs, de rencontrer des metteurs en scène, si possible avec, déjà, des ébauches de textes en français ou au moins des résumés en français pour que je puisse me faire une idée et puis entamer des relations pour que, effectivement, quelques auteurs tchèques apparaissent aussi dans mon catalogue.»

On m’a dit que vous allez aussi de donner des conférences. Est-ce que ce sera dans le cadre de ce séjour ?

«Oui, sans doute, et ce que je vais essayer de faire c’est quelque chose qui me plaît beaucoup. C’est à dire que quand on est dans un pays ou dans une communauté on s’imagine que les problèmes qui existent sont les problèmes à lui et de cette communauté et qu’ailleurs tout va bien. Moi j’essaie de faire les parallélismes dans l’évolution de l’écriture dramatique. J’essaie de démontrer par exemple que chez les Québécois et chez les francophones d’Afrique noire, il y avait un grand parallélisme en un moment donné.

Michel Tremblay,  photo: www.iti-worldwide.org
Il a fallu à un moment donné qu’il y ait un père : d’un coté c’est Michel Tremblay, d’un autre côté Sony Labou Tansi, qui donnent un coup de pied dans la fourmilière des habitudes et qui disent: ‘Nous avons des droits à nous, auteurs, de ne pas respecter les bonnes règles de la grammaire et tout ça. Pourquoi on ne pourrait pas le faire alors que les Français se permettent de changer la langue et tout.’

Et donc effectivement c’est un parallélisme un peu audacieux mais il est intéressant parce qu’il permet d’éclairer comment se passe une émergence de nouveaux dramaturges et ainsi de suite. C’est donc ça que je vais essayer d’expliquer notamment. Est-ce qu’il y a des parallélismes également ici ? Comment apparaissent de nouveaux auteurs ? Comment les choses sont bouleversées ? Qu’est-ce qu’on attend d’un nouvel auteur aujourd’hui ? Est-ce qu’on attend qu’il écrive sagement dans son coin de belles histoires, ou qu’il bouleverse la littérature et le théâtre. S’il bouleverse le théâtre, comment va-t-il trouver un public pour ses pièces ? Voilà c’est une série de dimensions de ce genre que j’essayerai d’aborder.»