Adieu, ô ma flamme adorable

W.A. Mozart
0:00
/
0:00

Le génie de Mozart a inspiré d'innombrables artistes. Sa musique qui prend source dans les profondeurs de l'âme où réside la poésie, a fait rêver aussi beaucoup de poètes. Jaroslav Seifert, le seul écrivain tchèque nobelisé, n'a pas échappé non plus au charme irrésistible du génie mozartien. Il a consacré à Mozart un recueil de poèmes d'une rare beauté.

Bien qu'il se qualifie de "barbare hirsute" pénétrant dans l'univers musical, Jaroslav Seifert avoue qu'il ne saurait imaginer son existence sans la musique. D'ailleurs, sa poésie n'est-elle pas de la musique traduite en mots? Pendant la première partie de sa carrière, Seifert écrit une poésie très musicale. Il utilise la rime et le rythme à la manière d'un compositeur, ses vers chantent et ses poèmes ressemblent à des chansons. Musicien dans l'âme, il prête à la musique une attention passionnée.

W.A. Mozart
"J'aime Suk autant que Martinu, écrit Jaroslav Seifert dans ses Mémoires. Ou bien Pavel Borkovec, plus ou moins annexé par notre génération, bien qu'étant un peu plus âgé. Je reste interloqué devant Honegger, et impressionné par Bartok. Hindemith m'irrite plutôt. Mais j'aime, j'aime Mozart ..."

Cette passion pour Mozart dictera à Jaroslav Seifert tout un recueil de poèmes intitulé "Mozart à Prague". Il écrit ces vers à la demande du chef d'orchestre, Vaclav Talich, qui veux faire réciter des poèmes, entre les mouvements de la Sérénade pour instruments à vent de Mozart, oeuvre très difficile à exécuter d'une traite, pour permettre aux musiciens de se reposer. Seifert créé treize rondeaux nostalgiques, évoquant les séjours de Wolfgang Amadeus dans la capitale tchèque, et surtout son amitié tendre pour la cantatrice pragoise Josefina Dusek. Il laisse vaguer son imagination sur les lieux marqués par les séjours du compositeur, réfléchit sur la brièveté du bonheur, sur la gloire terrestre, sur la fin d'un génie.

Seul l'oiseau peut mourir ainsi,

il choit, tête dans la rosée,

Où, quand, comment il s'est posé?

Nul n'en peut faire le récit.
Au ciel il s'est évanoui,

flamme dans la lave embrasée,

seul l'oiseau peut mourir ainsi

il choit, tête dans la rosée.

Dans une comparaison poétique, Jaroslav Seifert évoque aussi Vienne et Prague, les capitales qui ont joué un rôle dans la vie de Wolfgang Amadeus. Vienne qui "danse indifférente" lorsque le char funèbre du compositeur passe, Prague qui fait sonner ses cloches, "carillon familier et consolant", à la mémoire du compositeur. De ces quelques données biographiques mais surtout de la musique, le poète réussit à tirer des vers qui par leur pureté et leur simplicité ressemblent à l'art de Mozart. Ces poèmes charmants et fragiles plaisent beaucoup à Vaclav Talich.

Josefina Duskova
Il ne cache pas, cependant, à Seifert, un certain doute. "Ecoute, lui dit-il, je crois que pour le gars Mozart, cela n'a pas été aussi idyllique que tu le dis dans tes vers. Ce type génial était, probablement, dévoré par je ne sais quelles passions dont on ignore, aujourd'hui, tout, et qui, ajoutées à sa boulimie créatrice, précipitèrent sa fin."

Talich étant tombé malade, le projet ne sera jamais réalisé, mais les treize rondeaux du recueil, ont entamé, déjà, une existence indépendante et deviendront très populaires. Dans ces vers d'une pureté cristalline la silhouette de la femme aimée se confond avec la ville, Josefina devient Prague, ville qui a su apprécier et aimer Wolfgang Amadeus. Quelques mots, une métaphore suffisent au poète pour faire surgir de la profondeur du temps les images de cet amour rêvé.

Le temps passe et coule la vie

et nul ici ne se souvient,

même la terre n'en sait rien

où sa voix fut enseveli,
point de message ou elle gît,

Joséphine, et dans quel jardin,

le temps passe et coule la vie

et nul ici ne se souvient.
Seul je sais une image où brillent

de lourdes grappes de raisins,

et celui qui les a cueillies

rêvait d'une bouche et d'un sein ;
le temps passe et coule la vie.
*

Difficile à dire, aujourd'hui, quels avaient été, en réalité, les rapports entre Wolfgang Amadeus et Josefina, épouse de l'ami de Mozart, le compositeur Frantisek Xaver Dusek. Il est certain, néanmoins, que Mozart avait été logé chez les Dusek dans leur villa Bertramka, avait eu beaucoup d'amitié pour Josefina qui était une grande cantatrice et, que c'est pour elle, qu'il avait écrit plusieurs oeuvres dont le célèbre air de concert Bella mia fiamma, addio - Adieu, ô ma flamme adorable.

Adieu, ô ma flamme adorable,

léger, l'air a touché son front,

mais elle a tu de la chanson

toutes les choses ineffables.
N'allumez pas, car l'ombre est là

de cette audace que les mots ont

adieux, ô ma flamme adorable.

Léger, l'air a touché son front,
et tous deux se sentaient coupables

tremblant, à l'ouverture du balcon.

Rose là-bas s'étendait Prague,

jour et nuit mêlant leurs rayons.
Adieu, ô ma flamme adorable.
*

(Les vers de Jaroslav Seifert ont été traduits par Charles Moisse et Helena Helceletova.)