Temelín, histoire d’une centrale controversée

Photo: sf.zcu.cz

Récurrentes en Autriche et en Allemagne, les polémiques autour de la centrale nucléaire de Temelín ont été relancées ces derniers jours. Retour aujourd’hui sur l’histoire d’une centrale controversée, avec Dana Drábová, directrice de l’Agence tchèque pour la sécurité nucléaire.

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Doit-on vraiment considérer la centrale de Temelín comme appartenant à l’ère du Bloc soviétique ? Si sa conception et sa construction se situent dans les années 1980, elle n’entrera en marche qu’en 2002-2003. Au contraire, l’autre centrale nucléaire tchèque, Dukovany, fut mise en service dès 1985.

Equipée à l’origine de quatre réacteurs, Temelín voit sa capacité réduite à deux réacteurs après la chute du communisme. Dana Drábová, directrice de l’Agence tchèque pour la sécurité nucléaire, en évoque le contexte :

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« Cette décision a été prise en 1990. A l’origine, la localité de Temelín avait été prévue pour quatre réacteurs. Mais comme il n’y avait pas assez de moyens pour un investissement si important, et aussi pour d’autres raisons, il a été finalement décidé qu’on ne construirait que deux réacteurs. Ce sont toujours eux qui fonctionnent aujourd’hui. Aujourd’hui, on pense à relancer les plans et à finir la reconstruction des deux autres réacteurs. »

Comme le reste de l’industrie, la production d’énergie nucléaire obéissait à une planification rigoureuse et arbitraire sous le régime communiste. Le plan initial de quatre réacteurs à Temelín, dès la fin des années 1970, déformait-il les besoins réels en énergie nucléaire ? Y-avait-il risque de gâchis énergétique ?

« La réduction des capacités de Temelín en 1990 obéissait aussi à des contraintes financières. Mais la raison principale, c’est qu’on pensait que la demande en électricité – gardons à l’esprit que la Tchécoslovaquie était un pays très industrialisé sous les régimes précédents – ne serait pas si grande et qu’elle n’augmenterait pas autant qu’on l’avait initialement supposé. Cette hypothèse, en fait, ne s’est pas confirmée avec le temps. »

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« Sous le régime communiste, la centrale de Temelín n’avait été que construite mais n’était pas encore entrée en marche. En revanche, il y avait quatre réacteurs en fonctionnement dans l’autre centrale, à Dukovany. En 1990 s’est posée la question : doit-on activer un ou deux réacteurs ? Ou bien carrément ne pas mettre la centrale en fonctionnement ? A l’époque en tout cas, la capacité de quatre réacteurs n’était pas nécessaire face à la demande. »

On pourrait aussi penser que cet excédent d’énergie nucléaire aurait été utilisé par l’URSS pour sa propre consommation. Une sorte de pillage dissimulé. Sous l’ère soviétique, un savant système de relations bilatérales entre Moscou et chacune des autres démocraties populaires donnait l’avantage économique au « grand frère ». Et pourtant, les échanges du nucléaire tchèque ne furent jamais tournés vers l’Est.

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« Ce genre de flux vers l’Est ne fut jamais réalisé. Mais si l’on parle de l’exportation aujourd’hui, on parle plutôt d’un système d’échanges bilatéraux tchéco-slovaques. Ceci dit, nous exportons aussi vers l’Allemagne et en partie vers l’Autriche. Ce sont là des flux qui existaient déjà par le passé. Mais il n’y avait aucun mouvement de distribution du nucléaire vers l’Est. »

L’Allemagne et l’Autriche ont acheté du nucléaire tchèque mais, depuis la mise en marche de la centrale de Temelín en 2002, c’est surtout de ces pays que provient la polémique. Rappelons que l’Autriche est dénucléarisée depuis 1978. Or, la centrale se trouve à environ 50 km de la frontière autrichienne.

En cause, des incidents récurrents, et en particulier des fuites d’eau faiblement radioactives en 2004 et 2006 par exemple. C’est surtout la deuxième tranche de la centrale qui est concernée.

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Pour Dana Drábová, le niveau technologique était très élevé dans l’ancien Bloc soviétique et les centrales nucléaires tchèques étaient déjà proches des standards occidentaux avant la chute du communisme. Comment expliquer alors que des adaptations aient dû y être effectuées dans les années 1990 ?

« C’était plutôt de l’ordre des évaluations afin que nous montrions et informions le monde sur l’état et sur les paramètres de sécurité de nos réacteurs nucléaires. Bien sûr, il était également question d’amélioration et de modernisation mais ce genre de procédure concerne toutes les centrales nucléaires dans le monde. Elles sont généralement faites pour un fonctionnement sur le long terme, trente, quarante, voire aujourd’hui soixante ans. »

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Pour Dana Drábová, si les incidents qui se sont produits à Temelín n’ont pas eu de conséquences, c’est parce que le niveau de contrôle et de sécurité y reste solide :

« Nous avons l’obligation, de par la loi, de suivre l’évolution de nos centrales et d’appliquer tout ce qui pourrait contribuer à améliorer la sécurité. Cette question était surtout d’actualité dans les années 1990, alors que de nouveaux systèmes de sécurité et d’ajustement étaient mis en place. Cela représentait l’un des points faibles du projet. Depuis, ces systèmes ont été bien modernisés : nos centrales disposent de système de contrôles numériques qui sont à un très bon niveau. La pression internationale et les exigences de nivellement sont naturelles. Si vous voulez faire fonctionner une centrale nucléaire en toute confiance et sécurité, vous devez constamment l’améliorer. »

Temelín
La centrale de Temelín n’a pas fini de soulever les controverses. Mais le débat ne doit pas faire oublier une réputation méconnue de la République tchèque en matière nucléaire : selon des études, la centrale de Dukovany serait parmi les mieux gérées et les mieux surveillées dans le monde.