L'Unité des frères fête ses 550 ans

L'Unité des frères, église protestante évangélique née d'un puissant réveil religieux inspiré par le hussitisme, a été fondée il y a de cela 550 ans dans la ville de Kunvald, en Bohême du nord-est. Depuis, elle s'est répandue en Bohême, en Moravie et plus tard, grâce aux expéditions missionnaires, jusqu'en Afrique, en Amérique latine et du nord, où la ville de Bethlehem a été fondée par l'Unité des frères. Retour sur ses débuts et son oeuvre missionnaire dans cette page d'histoire.

Petr Chelcicky
L'Unité des frères, également connue sous son appellation plus ancienne d'Eglise évangélique morave, a été fondée sur l'enseignement du penseur religieux du XVe siècle, Petr Chelcicky, un des disciples de Jean Hus, brûlé vif comme hérétique en 1415 pour avoir défendu l'idée d'une Eglise ouverte à tous qui saurait rejeter les richesses de ce monde. L'égalité de tous les hommes devant Dieu sans distinction d'origine ou de race, l'accent mis sur le triple idéal de la foi, de l'amour et de l'espoir, et la priorité donnée à la vie chrétienne pratique devant la tradition ecclésiastique, restent aujourd'hui encore les principaux principes de l'Unité des frères.

Fondée par le frère Grégoire, dans la ville de Kunvald, elle a vu passer dans ses rangs d'éminents penseurs, philosophes, écrivains et humanistes dont Jan Amos Komensky - Comenius, Jan Blahoslav, ou Vaclav Hajek de Libocany, auteur de la Chronique tchèque. Après la bataille de la Montagne Blanche, en 1620, et le début de la Contre-réforme en Bohême et en Moravie, ses activités ont été mises en sourdine et beaucoup de frères se sont exilés, tandis que d'autres, qui sont restés, ont pratiqué leur foi dans le secret. De cette manière, l'Unité des frères a subsisté jusqu'en 1722 lorsque plusieurs familles moraves fidèles à la tradition d'origine ont trouvé refuge en Saxe, auprès du comte Nicolas Louis de Zinzendorf. C'est là qu'ils ont édifié une colonie dénommée Ochranov - lieu protégé par Dieu.

En 1732, cette communauté a envoyé ses premiers missionnaires auprès des esclaves sur l'île de Saint-Thomas dans les Caraïbes. D'autres expéditions se sont dirigées un peu dans tous les coins du monde. En 1735, les Frères moraves arrivent en Géorgie, déchirée par les luttes entre les colonisateurs britanniques et les Espagnols. Contestant la guerre, ils la quittent pour s'installer en Pennsylvanie connue pour sa tolérance religieuse. Et c'est le début d'un chapitre célèbre dans l'histoire de cette église protestante : vers 1740, les Frères moraves atteignent la vallée du fleuve Lenigh et y jettent les bases du futur Bethlehem. Leur mission mémorable était conduite par David Nitschmann, sacré premier évêque par le petit-fils de Comenius, Daniel Jablonsky.

Dans les archives américaines des frères moraves, on trouve des milliers de manuscrits d'oeuvres musicales précieuses. Ce sont aussi eux qui ont fondé les premiers orchestres symphoniques en Amérique.

La carte de Bethlehem par Philipp Christian Gottlieb,  1758,  www.moravianchurcharchives.org
Le premier bâtiment construit en 1741 à Bethlehem par les missionnaires tchèques et moraves n'a, hélas, pas été conservé. En revanche, le Musée de l'Unité des frères se trouve aujourd'hui encore dans la maison municipale datant de la même année. L'oeuvre la plus précieuse que ce musée abrite est la copie de la fameuse Bible de Kralice, une traduction en tchèque de la bible par les membres de l'Union des frères de 1579 qui témoigne du niveau exceptionnel de la langue des humanistes et qui servira de modèle pour la codification du tchèque à l'époque du Réveil national au XIXe siècle. D'autres documents exposés témoignent des activités missionnaires déployées parmi les Indiens des tribus Delaware et dans l'Est américain. Là où se trouve aujourd'hui l'Etat de l'Ohio, les frères moraves ont fondé la première colonie chrétienne et la première école pour les Indiens. Outre le travail missionnaire, ils se sont chargés de l'instruction des enfants. Ils ont fondé un internat pour jeunes filles et posé les fondements du Collège morave, précurseur de la présente université de Bethlehem.
Bethlehem par Rufus Grider,  1875,  www.moravianchurcharchives.org
En souvenir des racines tchéco-moraves de cette cité, la statue de Comenius y a été érigée. Or, Bethlehem n'est pas l'unique cité fondée par l'Unité des frères en Amérique. Parmi les autres, citons Winston en Caroline du Nord et les colonies avoisinantes, telles Béthanie, Bethabara, Friedland ou Salem. Les expéditions missionnaires ont également mené les frères tchèques et moraves parmi les Tibétains à Radzpur, dans le nord des Indes, parmi les Esquimaux en Extrême-Orient, sur le continent africain au Zaïre et au Malawi, ainsi que, par exemple, à Ramallah, près de Jérusalem, où ils ont édifié un foyer pour enfants handicapés mentaux. Les membres de l'Unité des frères ont par ailleurs été les premiers à interpréter la musique classique, ecclésiastique aussi bien que laïque.

De nos jours, l'Unité des frères, appellation officielle de l'Eglise depuis 1921, est divisée en quatre régions : européenne, africaine et celles d'Amérique du Nord et des Caraïbes. Ces quatre régions possèdent 19 communautés indépendantes. Dans son pays d'origine, l'Unité des frères a pu s'établir après 1861, date de la publication de l'édit de tolérance. En 2007, année du 550e anniversaire de sa fondation, l'Unité des frères compte près de 3000 membres.