L'histoire millénaire de l'argent et de son imprimerie

Les espaces souterrains du bâtiment de la Banque nationale tchèque à Prague abritent non seulement le dépôt d'or mais aussi une exposition intéressante présentant l'histoire millénaire de l'argent et de son imprimerie. Je voudrais vous inviter à la visiter.

En descendant dans les espaces souterrains de la banque, le signal du portable se perd et nous nous approchons d'une grande porte métallique large d'un mètre, derrière laquelle il y a la cave blindée abritant non seulement une tonne d'or mais aussi toute l'histoire de l'argent sur le territoire tchèque. La porte pèse 30 tonnes et date des années trente du XXe siècle, de même que les 12 000 coffres-forts au milieu de la cave blindée. Il y a deux types de coffres-forts - inox et de laiton alias juif. Dans ces derniers, les Juifs déposaient leurs bijoux pendant la guerre, leurs coffres forts portant encore les traces des étoiles juives estampillées. A part les vitrines qui présentent les billets de banque imprimés depuis la fondation de l'Etat tchécoslovaque, en octobre 1918, l'attention des visiteurs est attirée notamment par le dépôt d'or - petites briques rangées en deux pyramides et reflétant la plus belle couleur que l'on puisse imaginer. Chaque brique pèse 12,5 kilogrammes. La valeur des deux pyramides est estimée à environ 350 millions de couronnes, soit plus de 11 millions d'euros.

La valeur de certains billets de banque exposés est plusieurs fois supérieure à leur valeur nominale. Parmi les billets les plus précieux, il y a le billet de cinq milles couronne de 1919. Sa rareté réside dans le nombre limité des billets conservés jusqu'à nos jours. Ils ne sont que 26, alors que la banque nationale elle-même n'en possède que quelques exemplaires, dont l'un a la valeur de 250 000 couronnes.

Regardons maintenant l'histoire de l'imprimerie spécialisée dans l'émission des billets de banque en République tchèque. Au moment de la proclamation de son indépendance, la République tchécoslovaque ne disposait pas de sa propre imprimerie. Mais comme la valeur relativement élevée de la monnaie tchécoslovaque n'a pas tardé à attirer des faux-monnayeurs, la fondation d'une imprimerie est devenue une affaire de grande urgence. En 1926, on fonde la Banque nationale et, deux ans plus, tard les premiers billets de banque sont imprimés dans cette institution. Dès le début, l'imprimerie collaborait avec les meilleurs artistes, dont les peintres Alfons Mucha, Max Svabinsky, Karel Svolinsky qui avaient pour partenaires d'excellents lithographes de l'époque Ferdinand Schirnböck de Vienne, Karel Wolf ou Jindra Schmidt. C'est grâce à eux qu'ont vu le jour les billets de banque dont le monde entier appréciait le niveau esthétique et professionnel. Par exemple, le billet de valeur nominale de 1000 couronnes de 1934, réalisé d'après le projet de Max Svabinsky, s'est vu décerner un diplôme d'honneur à l'Exposition internationale d'art et de technique en 1937 à Paris. En 1989, le billet de 20 couronnes portant un portrait de Jan Amos Comenius d'Albin Brunovsky a été même proclamé billet de banque de l'année par l'Association française d'étude des papiers-monnaies.

La dernière émission d'une série complète de billets de banque a été réalisée d'après les dessins d'Oldrich Kulhanek et elle est également très réussie.

La Banque nationale tchèque a aussi sa chambre secrète abritant des centaines de milliers de fausses monnaies à partir de l'an 1919. On peut y voir les fausses livres britanniques des années quarante, oeuvres dignes d'être encadrées, des billets de dix couronnes tchécoslovaques de la Première république de l'atelier d'un imprimeur pragois réputé ou des billets d'un dollar que les spécialistes appellent des « superdollars ».

Rien que ces dix dernières années, la banque a réuni plus de 200 000 faux billets de banque, 61 exemplaires par jour en moyenne. Les fausses monnaies sont classées dans cinq groupes, d'après le danger qu'elles représentent et le niveau de leur imprimerie.

Regardons maintenant l'histoire de la fabrication de la fausse monnaie. Les années vingt sont l'ère d'or des faux-monnayeurs. L'imprimeur pragois Hrdina est devenu célèbre à tel point que son faux décorait le mur du bureau du chef de Scotland Yard de Londres.

Parmi les cas les plus célèbres il y a l'affaire Mézsaross. En 1921, la Tchécoslovaquie est encore dans les langes mais les ateliers de faux-monnayeurs poussent comme des champignons après la pluie. Souvent, il ne s'agit pas de petits artisans qui veulent gagner un peu d'argent. L'affaire Mézsaross a un arrière plan politique. Le traité de Trianon, conformément auquel la Hongrie a cédé des territoires, entre autres, à la Tchécoslovaquie, ne plaisait point à des réactionnaires hongrois. Pour se venger, ces derniers ont pris pour cible la monnaie de la jeune République. Ils se sont mis à fabriquer en masse les faux billets de cinq cents couronnes. La police autrichienne réussit à dévoiler la bande de faux-monnayeurs avec 60 000 faux exemplaires mais justice ne sera pas faite. Sans être punis, les faux-monnayeurs sont extradés en Hongrie pour revenir sur la scène cinq ans plus tard. Cette fois-ci c'est l'insatiabilité qui les mettra sous les verrous. Leur objectif est de changer l'argent contre des acquits et acheter contre ceux-ci des diamants. Tout était bien préparé jusqu'au moment où un membre de la bande a décidé de dépenser un faux billet de mille francs...

Auteur: Astrid Hofmanová
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