Le 5 mai 1945, l'insurrection pragoise a éclaté...

La maison de la Radio tchèque, 1945
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Le 60e anniversaire de l'insurrection pragoise, le 5 mai 1945, au cours de laquelle la Radio tchèque a joué un rôle clé, est le thème de cette page d'histoire. Les émissions, qui constituaient l'unique source d'informations et servaient de médiateur aux Tchèques insurgés, étaient annoncées par l'indicatif révolutionnaire suivant:

Barricades - rue Revolucni
"Il est un fait que l'on n'a jamais assez souligné, à savoir que l'insurrection du peuple tchèque a raccourci la Deuxième Guerre d'une semaine au minimum", dit l'historien Tomas Jakl, de l'Institut militaire historique de Prague:

"Les armées allemandes Mitte du général Schörner formées d'un million d'hommes devaient défendre l'espace tchéco-morave jusqu'au 20 mai, au moins. Au moment où l'insurrection a éclaté, ces armées ont perdu leurs arrières et sont parties sans lutter en captivité américaine. Les Tchèques sur les barricades ont raccourci la guerre de plus d'une semaine et empêché le passage des fronts à travers le territoire tchèque."

L'insurrection pragoise a commencé le 5 mai 1945, mais elle se préparait depuis 1939. Des centres de résistance clandestine, dont la Défense de la nation et le Comité de pétition Nous resterons fidèles, collaboraient avec le gouvernement exilé à Londres. En avril 1945, le Conseil national tchèque s'est constitué. Début mai s'est formé le commandement militaire de la Grande Prague avec à sa tête le général Karel Kutlvasr. C'est ce dernier qui a donné, le 5 mai, le signal à l'insurrection, par l'intermédiaire de la Radio tchèque. A six heures du matin, les Tchèques, habitués à l'allemand, ont entendu la voix de l'animateur annoncer dans un mélange d'allemand et de tchèque: "Je sechs hodin - Il est six heures". Depuis, la radio ne diffuse plus qu'en tchèque. Des SS font appel aux renforts. Soixante-dix soldats armés de grenades et d'armes antichars arrivent à 11 heures à la radio où les inscriptions allemandes sont, entre-temps, éliminées. A midi et demie, le combat pour la radio commence. Trois minutes plus tard retentit le premier appel révolutionnaire, lancé par Zdenek Mancal. En voici un enregistrement sonore authentique:

"Nous appelons la police tchèque, les gardes du gouvernement, à venir en aide à la Radio. Les Allemands y massacrent les Tchèques." La réaction est immédiate. Des policiers, l'armée gouvernementale des casernes de Smichov et une foule de gens accourent à la Radio, où les coups de fusils font les premières victimes. Antonin Svoboda, membre de la Police tchèque de Protectorat, devient la première victime. Des appels réitérés en anglais et en russe contribuent au déploiement de l'insurrection dans tout Prague:

La maison de la Radio tchèque,  1945
Pour paralyser le mouvement de technique militaire allemande, deux barricades sont érigées rapidement devant l'entrée de la Radio et dix-neuf autres dans les proches alentours. Au total, 1583 barricades seront dressées par les défenseurs dans Prague au cours de la nuit du 5 au 6 mai. Sur ces barricades, plus de 30 000 hommes et femmes défendent leur ville. Le soir du 5 mai, les SS occupant la radio sont refoulés dans les espaces souterrains où leur abri est inondé par l'eau des tuyaux d'incendie. Dans la nuit du 5 mai au 6 mai, les combats pour la Radio sont les plus sanglants et les plus longs. 89 combattants y trouvent la mort. Plus de cent autres sont grièvement blessés. Leurs noms seront inscrits sur une plaque commémorative en bas de la Radio. Voici un enregistrement de la situation sur les barricades:

Tous les principaux émetteurs étaient contrôlés par les nazis. A une exception près, l'onde révolutionnaire 415 de l'ancien émetteur à Strasnice, dans le 10e arrondissement. Le dimanche 6 mai, à 17 heures 40, les émissions révolutionnaires de la Radio nationale sont coupées. Un chasseur allemand, un Messerschmitt 262, a lâché une torpille sur le bâtiment de la Radio. Celle-ci explose à 6 mètres seulement des micros, en détruisant la technique d'émission. 80 minutes plus tard, les émissions avaient repris sur l'onde révolutionnaire 415. Grâce aux techniciens, on a réussi à mettre en service deux autres émetteurs ondes courtes grâce auxquels le signal de Prague était porté dans le monde entier...

Un autre studio a été en plus de cela mis en place dans les locaux du Temple Hus, dans le quartier de Vinohrady. Cet émetteur, appelé X - inconnu - a pu continuer jusqu'à la fin de la guerre. Par son intermédiaire, on a pu annoncer à 4 heures du matin, le 9 mai, que trois premiers tanks de l'Armée rouge sont apparus dans la banlieue nord de Prague.

La presse tchèque du mois de mai 1945, que personne ne peut soupçonner de sentiments anti-soviétiques, avait alors écrit: "L'Armée rouge était ovationnée dans Prague libérée". Effectivement, les Pragois saluaient les soldats de l'armée victorieuse, avec à leur tête les généraux Rybalko et Lelyouchenko. Ces derniers, par contre, ne pouvaient pas cacher leur déception du fait que la capitulation avait été signée à Prague la veille de leur arrivée, le 8 mai, par le général allemand Rudolf Toussaint et le Conseil national tchèque. Aussi, après le coup d'Etat en 1948 et l'instauration du régime dicté de Moscou, deux signataires de la capitulation - le général Kutlvasr et le capitaine Nechansky, furent condamnés à mort. Conformément à une entente entre Staline et Roosevelt, Prague devait être libérée par les Soviétiques. En réalité, lorsque les tanks du 1er front ukrainien sont entrés, le 9 mai, dans Prague, ils ont trouvé une ville libérée par elle-même, sauf des groupes d'Allemands isolés.

En parlant de l'insurrection, on ne peut pas omettre la contribution de l'Armée russe de libération commandée par le général Vlasov. Ce furent les anciens soldats soviétiques, adversaires du régime stalinien, qui avaient formé leurs propres unités opérant contre l'Armée rouge. 300 soldats Vlasov ont trouvé la mort lors de l'épuration des parties ouest et sud de Prague des restes des Allemands. L'insurrection pragoise a fait plus de 3500 victimes: 1700 Tchèques ont péri sur les barricades, les Allemands ont perdu plus de 1000 soldats, l'Armée rouge près de 30.