L'aristocratie tchèque aux services de la monarchie habsbourgeoise en France

Pauline, comtesse de Schwarzenberg

Aujourd'hui, nous vous proposons la deuxième partie de l'histoire de l'aristocratie tchèque aux services de la monarchie autrichienne à Paris.

L'incendie à l'ambassade autrichienne à Paris,  en présence de Napoléon et Marie-Louise
En 1809, Karl, prince de Schwarzenberg, devient ambassadeur de la monarchie autrichienne à Paris, après une carrière dans l'armée. Deux jours après la bataille d'Austerlitz, livrée le 2 décembre 1805, il accompagne l'empereur François aux négociations avec Napoléon victorieux. En 1809, il est nommé chevalier de la Toison d'or et arrive à l'ambassade de Paris, Chaussée d'Antin. Il y rencontre le grand Corse. Pour témoigner de sa bonne volonté d'entretenir de nouveaux rapports amicaux - ce que la situation changée exige, il organise un bal en l'honneur des fiançailles de Napoléon avec l'archiduchesse autrichienne, Marie Louise. Les salons de la résidence autrichienne n'étant pas suffisamment spacieux, il fait édifier une grande salle à l'intérieur de la cour. Le bal a lieu le 1er juillet 1810. Parmi des invités, il y a la belle-soeur de l'ambassadeur, Pauline, comtesse de Schwarzenberg, et la fille de cette dernière, Marie Pauline. Lors du bal, un incendie ravage les murs en bois de la salle. Pauline, qui amuse Napoléon, s'aperçoit trop tard que sa fille danse encore dans la salle. Lorsqu'elle y accourt, une poutre en feu tombe sur elle. La comtesse meurt des suites de ses blessures, alors que sa fille se sauve. La mission diplomatique terminée, Schwarzenberg fait déplacer une partie de l'aménagement de la résidence autrichienne à Paris dans son château d'Orlik, en Bohême du sud. Parmi les objets qu'il ramène de France il y a des tableaux saisissant la tragédie.

Après la mort de Karl Schwarzenberg, le fils de la comtesse Pauline décédée, Felix, devient, en 1826, attaché de l'ambassade autrichienne à Paris. Des diplomates en mission à Paris qui viennent après lui sont des membres de la haute aristocratie française ayant émigré en Autriche après la prise de la Bastille, lorsque la noblesse est interdite en France. Ils s'inscrivent eux-aussi dans l'histoire tchèque. Jules-Armand Louis, comte de Rohan-Guémené, est connu comme le premier époux de la comtesse Katerina Vilemina Zahanska. La tâche de Rohan est aussi d'aider la nouvelle vague d'émigration française après 1830, représentée notamment par le roi Charles X. Le roi exilé accepte l'offre de Rohan de séjourner au siège familial de Sychrov, en Bohême du nord.

La chute de l'empire en France marque une nouvelle ère de missions diplomatiques. C'est le fils du chancelier Metternich, Richard, qui arrive à Paris. Son épouse, Pauline, est réputée pour ses efforts inlassables en vue de propager la musique tchèque en France, notamment celle de Bedrich Smetana. Richard Metternich, lui, ramène de sa mission diplomatique à Paris au siège familial de Kynzvart, en Bohême occidentale, des objets tout à fait uniques qu'on peut y admirer jusqu'à présent: des manuscrits d'Alexandre Dumas ainsi que quelques objets personnels de l'écrivain dont le plus précieux est le bureau sur lequel est écrite une ébauche du poème jamais publié, Roméo et Juliette. Ces objets ont été offerts par la fille de l'écrivain, Marie-Alexandre, en signe de sa grande affection pour Metternich.

Au début du XXe siècle, Otakar Czernin de Chudenice arrive dans les fonctions diplomatiques, mais pas pour longtemps: la fondation de la République tchécoslovaque, en 1918, et l'instauration d'une société civique par Masaryk, mettront fin au protectionnisme aristocratique dans la diplomatie. Czernin se montre très peu diplomatique: d'abord, il s'oppose à la conception de Masaryk de séparation de l'Etat tchèque de l'Autriche-Hongrie. Ensuite, ses critiques sont adressées au président du Conseil français, Georges Clémenceau, auquel il reproche une hypocrisie avec laquelle il propose la paix à l'Autriche-Hongrie. Un conflit éclate entre les deux hommes que ni le consul français à Prague, Paul Claudel, ne réussit à atténuer. Le cercle se referme. La France, et les puissances occidentales se déclarent ouvertement contre l'Autriche-Hongrie. Après l'abdication de l'empereur Charles, Otakar Czernin s'en va.

Sous la Première république tchécoslovaque, ce sont notamment des rapports culturels tchéco-français qui se développent favorablement. Des artistes tchèques sont attirés par la culture française, et des slavisants français par la nouvelle Tchécoslovaquie. La noblesse perd sa position privilégiée, sans que ses activités disparaissent entièrement de la diplomatie. Encore pendant le second conflit mondial, François Charles-Roux, Léon Noel, et Delacroix sont des ambassadeurs de France à Prague, palais Buquoy. Dans le même temps, à Paris, c'est Albert Aponyi, beau-frère de Mensdorff-Pouilly, qui est ambassadeur, jusqu'à 1948, date du putsch communiste où l'aristocratie quitte définitivement la diplomatie.