Il y a 95 ans naissait la République tchécoslovaque

Edvard Beneš, photo: Library of Congress

A l'approche du 95e anniversaire de la création de la République tchécoslovaque, le 28 octobre, retour sur les événements qui ont précédé cet acte en 1918 : le 14 octobre, Edvard Benes annonce à Paris la création d'un gouvernement tchécoslovaque provisoire. Le même jour, à Prague, la grève générale est lancée par le conseil national tchécoslovaque.

Edvard Beneš,  photo: Library of Congress
En automne 1918, la Première Guerre mondiale touche à sa fin et on sait alors quels seront les gagnants et les perdants. L'Entente formée par la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis, remporte la victoire contre la triple Alliance, conclue entre l'Empire allemand, l'Empire austro-hongrois et l'Italie. Josef Tomeš, de l'Institut Masaryk de l'Académie des sciences, raconte cette période de l’histoire :

« C'est le moment où les activités de la résistance anti-autrichienne culminent. Organisées depuis le début de la guerre, elles n'ont cessé de se développer parallèlement sur deux fronts : national et étranger. »

Sur notre territoire, la résistance nationale s’articule autour du comité national tchécoslovaque, avec à sa tête Karel Kramář. L'organe suprême de la résistance étrangère est lui créé en février 1916, à Paris, par Tomáš Garrigue Masaryk, Edvard Beneš et Milan Rastislav Štefánik. Il s’agit du conseil national tchécoslovaque :

« Le conseil national tchécoslovaque a été progressivement reconnu par tous les pays de l'Entente en tant que représentant suprême des intérêts nationaux tchécoslovaques sur la scène internationale et en tant que base et précurseur du futur Etat indépendant. Dans leur reconnaissance exprimée au début du mois de septembre 1918, les Etats-Unis qualifient de facto le conseil national tchécoslovaque de gouvernement légitime. »

Déjà en janvier 1918, le président américain Woodrow Wilson présentait devant le Congrès américain un programme en quatorze points pour mettre fin à la Première Guerre mondiale incluant, entre autres, le droit à l'auto-détermination des peuples de la monarchie austro-hongroise.

L'écho de la résistance tchécoslovaque étrangère est considérable et permet la création, le 26 septembre 1918, d'un gouvernement provisoire en exil. Masaryk en est ministre des Finances, Beneš chef de la diplomatie et Štefánik ministre de la Guerre. Trois semaines plus tard, le 14 octobre, le gouvernement provisoire fait son entrée officielle sur la scène politique internationale et est reconnu par les puissances de l'Entente. Josef Tomeš :

« Le premier acte du gouvernement provisoire en exil est la publication de la déclaration de l'indépendance du peuple tchécoslovaque, connue sous le nom de Déclaration de Washington. Conçue entre le 13 et le 16 octobre, la déclaration a été remise le 17 octobre au gouvernement américain, avant d'être publiée, le lendemain, à Paris, où siège le gouvernement en exil. Cette déclaration prévoit la création d'un Etat tchécoslovaque indépendant, dix jours plus tard. »

Dans le texte de la déclaration, le gouvernement provisoire refuse l'autonomie des peuples tchèque et slovaque au sein d'une monarchie austro-hongroise fédéralisée. Une idée avancée par l'empereur Charles Ier qui, face au problème de nationalités, propose, le 16 octobre 1918, la fédéralisation de l'Empire. A ce moment là, il est cependant trop tard pour transformer la monarchie. Celle-ci est déjà en train d’imploser. Masaryk, Beneš et Štefánik parviennent à rallier les alliés, notamment la France, à la cause d’une Tchécoslovaquie dont la création porte en elle la destruction de l’empire des Habsbourg.

Lorsque, le 27 octobre, le ministre des Affaires étrangères d'Autriche-Hongrie envoie une note au président Wilson stipulant les conditions d'un éventuel accord de paix, le texte du document est interprété en Bohême comme une capitulation de la monarchie. Des manifestations spontanées éclatent. Le 28 octobre 1918, dans la soirée, l'indépendance des Tchèques et des Slovaques est officiellement proclamée sur la place Venceslas. Le pouvoir passe entre les mains du comité national avec à sa tête les hommes du 28 octobre : Antonín Švehla, Alois Rašín, Vaclav Klofáč, Jiří Stříbrný et Vavro Šrobár.

28 octobre,  1918
Des négociations intenses sont menées en Slovaquie : le 30 octobre, la déclaration de Martin proclame le droit à l'indépendance et exprime la volonté des Slovaques de vivre au sein d'un Etat commun.

En octobre 1918, le problème des exportations alimentaires devient crucial pour l'indépendance du pays. Ainsi, une grève générale est lancée le 14 octobre en signe de protestation contre les exportations d'aliments et de blé des pays tchèques décidées par le gouvernement de Vienne :

« A la fin de la guerre, l'Autriche-Hongrie faisait face à une terrible pénurie d'aliments. La misère et la famine ont radicalisé la population non seulement sur un plan social, mais aussi national. »

La grève générale a été lancée par le comité national tchécoslovaque qui s'est chargé deux semaines plus tard de la prise du pouvoir :

« Jusqu'au 14 novembre, deux gouvernements tchécoslovaques ont existé - l'un local représenté par le comité national, et l'autre, provisoire, qui a représenté le pays sur la scène internationale et dans les affaires diplomatiques. »

La proclamation de la République tchécoslovaque a figuré au programme de la première session de l'Assemblée nationale révolutionnaire qui s'est tenue le 14 novembre 1918 au palais Thun, dans le quartier de Malá Strana. Cette assemblée a élu Tomáš Garrigue Masaryk premier président. Karel Kramář est placé à la tête du gouvernement.

Ainsi, deux semaines avant la fin de la Première Guerre mondiale, la Première République tchécoslovaque a vu le jour. L'appellation de première république désigne la période entre 1918, date de la création d'un Etat indépendant, et 1938, lorsque les accords de Munich furent signés. La Première république occupait les territoires de Bohême, de Moravie, de Silésie, de Slovaquie et de Russie subcarpatique. Sa population parlait une dizaine de langues dont le tchèque, le slovaque, l'allemand, l'hongrois, le polonais, l'ukrainien, le roumain et la langue romani.

Bien que l'Etat commun ait cessé d'exister en 1993, le 28 octobre demeure la principale fête nationale de la République tchèque, celle de la naissance d'un Etat indépendant.