Génétique et recherche historique : des ADN princiers... (I)

Photo: Jan Gloc, Archeosteon

Spécialisée en recherches génétiques, la société Forenzní DNA servis élucide crimes, recherches en paternité, etc... Elle introduit également l’outil ADN dans la recherche historique car Daniel Vaněk, son directeur, est féru d’histoire. Et que nous apprend-t-il de prime abord ? Que sur la dynastie des Přemyslides, nous ne savons (presque) rien...

Ce que nous connaissons de l’origine des Přemyslides repose finalement sur un mythe : la prophétesse Libuše et le laboureur Přemysl... Vos recherches vous mèneront-elles aux origines de la dynastie ?

« Le but principal de ces recherches consiste à identifier tous les ossements qui sont enterrés dans le château de Prague, ce qui correspond à la dynastie des Přemyslides. Nous savons avec certitude à qui correspond une partie des restes retrouvés mais il y a environ vingt squelettes qui ne sont pas encore identifiés. Nous devons d’abord affiner l’analyse ADN. »

« Et puis oui, une fois que l’on aura établi le lignage maternel et fraternel, nous apprendrons aussi quelque chose sur l’origine des Přemyslides. Mais dans le cadre des recherches actuelles, il s’agit d’abord d’une identification standard. »

Vous aviez commencer à évoquer ces recherches il y a trois ans. Où en êtes-vous depuis ?

Les Přemyslides
« On parle ici des restes humains de l’une des plus importantes dynasties régnantes en Europe. Avec de telles recherches, nous ferons des découvertes d’une immense valeur. Quand nous avons soumis notre projet à l’Agence tchèque pour les subventions, c’était en 2007. Malheureusement, les fonds nécessaires à ce projet nous ont été refusés. »

« Cette année, pour la troisième fois, nous posons notre candidature. Si cette tentative échoue, ce sera le signe définitif que l’Agence tchèque pour les subventions n’est pas intéressée par ce type de recherches... ou qu’elle préfère sponsoriser les projets de ses amis ! Le problème, c’est que nous sommes un laboratoire privé. Or, d’après ce que j’ai entendu, l’Agence ne prête pas d’argent au secteur privé. C’est idiot, mais on ne peut rien y faire… »

« Ceci dit, nous continuons nos recherches et améliorons nos méthodes. Nous avons ainsi publié l’année dernière un article dans une revue scientifique, concernant l’identification de restes humains du VIIe siècle, à Ergolding en Allemagne et nous avons découvert un lien entre la famille Romanov en Russie et la maison allemande d’Oldenburg. »

Il y a donc encore de nombreuses découvertes à faire...

Photo: Jan Gloc,  Archeosteon
« En parlant des recherches au château de Prague pour retrouver des restes des Přemyslides, il y a un squelette très intéressant, il y est d’ailleurs exposé. On l’appelle le Soldat mais on ne sait pas du tout de qui il s’agit. En comparant son ADN avec celui des plus vieux restes Přemyslides en notre possession, peut-être découvrirons-nous un lien dans les chromosomes. Cela peut être un cousin, un grand-père, etc… Même questionnement pour les squelettes féminins retrouvés. Il s’agit peut-être d’épouses de grands princes et rois, comme Boleslav Ier par exemple… »

Avez-vous assez d’échantillons ADN pour pouvoir remonter la chaîne ?

« Le château de Prague est tout simplement hanté par les tombes et les squelettes des Přemyslides, qui y sont nombreux. Nous possédons donc quelques échantillons de qualité. Il faut juste commencer quelque part, avec un membre de la famille pour ensuite monter ou descendre les niveaux. Au final, ce que nous voulons, c’est pouvoir reconstituer la totalité du lignage des Přemyslides. »

Pensez-vous que ces découvertes pourraient ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire des dynasties européennes ?

Photo: Jan Gloc,  Archeosteon
« Exactement, il faut bien voir à quel point les familles régnantes d’Europe étaient liées, les Habsbourg comme les autres grandes dynasties. Peut-être découvrirons-nous un jour que la majorité de ces grands lignages vient de France avec par exemple Pépin le Bref et Charlemagne. C’est une possibilité, seules les analyses ADN peuvent nous fournir des réponses. »

«Le plus gros inconvénient de l’analyse ADN est qu’elle est destructive. Nous devons casser un morceau de l’os ou extraire une dent… Mais les archéologues ou les antropologues, eux, ne détruisent pas. Je suis donc entièrement d’accord avec eux sur le fait que l’analyse ADN ne devrait constituer que la dernière étape des recherches en cours au château. Et puis même si nous pouvons obtenir des réponses, il n’est pas garanti que nous réussissions dans 100 % des cas. »

Abordez-vous d’autres périodes ou sujets de l’histoire à travers les analyses ADN ?

«Dans nos laboratoires, en ce moment-même, nous analysons les os d’un pseudo-vampire, originaire de Bohême. C’est un homme qui a été enterré il y a environ six siècles le visage contre le sol, avec une pièce d’argent dans sa main, ce qui est un signe supposé, dans cette croyance, de vampirisme. Nous analysons aussi les os d’agriculteurs du Néolithique et nous parlons ici d’ossements vieux parfois de 12 000 ans ! »

L’ADN doit-il être considéré comme un nouvel outil pour les historiens du présent et du futur ? Réponse la semaine prochaine, dans la deuxième partie de cet entretien.