Expos, concerts, bande-dessinée : Charles IV gâté pour son 700e anniversaire

Photo: Edika

S’il n’était pas décédé en novembre 1378, le roi de Bohême et empereur du Saint-Empire Charles IV fêterait cette année ses 700 ans. Malgré sa disparition, les Tchèques, qui le considèrent comme un « père de la patrie », ont décidé de célébrer en grande pompe et toute l’année cet anniversaire, qui tombe exactement le 14 mai. Avant de revenir sur différents aspects du règne de ce souverain de la dynastie des Luxembourg à travers plusieurs rubriques historiques, Radio Prague vous propose un rapide tour d’horizon des manifestations prévues en son honneur : on y trouve pêle-mêle des expositions, des concerts, l’édition d’un timbre spécial et même une bande-dessinée.

Une ribambelle d’expositions

Photo: Barbora Kmentová
Charles IV, né le 14 mai 1316, aurait certainement été très ému de constater le travail accompli par la majeure partie des institutions culturelles tchèques pour célébrer son 700e anniversaire. Rien que pour la ville de Prague, vingt-deux expositions sont recensées qui permettent d’appréhender sous tous les angles ou presque ce que fut le règne de ce prince et à quoi pouvait bien ressembler la Bohême et ses habitants au XIVe siècle.

Photo: Archives de l'Académie des sciences
Durant tout le mois de mai au musée de la Nouvelle ville, les visiteurs peuvent par exemple découvrir la médecine au temps de Charles IV, une médecine encore largement influencée par l’école hippocratique et les travaux de Galien avec comme modèle dominant la théorie des humeurs. Au Musée technique de Prague, il est possible de se familiariser avec les réalisations architecturales de l’empereur et le développement de la capitale tchèque sous son influence, ce qui est bien utile pour ceux qui n’auraient pas bien suivi la rubrique touristique de Radio Prague animée par Alžběta Tichá et intitulée de façon évocatrice « Prague sous Charles IV ». La monnaie, les archives, l’héritage du souverain, sont autant de thématiques que d’autres expositions permettent d’appréhender. Le centre d’informations Lázeňská met même à l’honneur, à force de costumes et d’autres reliquats cinématographiques, le légendaire film musical Noc na Karlštejně, un conte qui prend pour toile de fond le célèbre château fondé par Charles IV, à quelques encablures au sud-ouest de Prague, où une exposition vient d’ailleurs d’être inaugurée pour présenter la vie à la cour de l’empereur.

Un autre château, et pas n’importe lequel, a mis les bouchées doubles pour l’événement. Il s’agit bien sûr du château de Prague, dont Charles IV a contribué à modifier l’aspect. C’est en effet durant son règne qu’a été construite, d’abord sous la supervision de l’architecte français Mathieu d'Arras, la cathédrale Saint-Guy. L’institution organise pas moins de cinq expositions durant toute cette année de célébrations.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
La plus significative est sans doute l’exposition des joyaux de la couronne de Bohême, qui doit débuter le 15 mai, soit le lendemain du jour anniversaire proprement dit, et s’achever le 29 mai. Ces joyaux se composent d’un sceptre et d’un orbe et surtout de la couronne de saint Venceslas, réalisée sur ordre de Charles IV en 1347. Le précieux objet permettait au souverain de la dynastie des Luxembourg de marquer sa légitimité à dominer la Bohême en s’inscrivant dans les pas de la dynastie Přemyslide et en particulier de Venceslas. La médiéviste Eva Doležalová expliquait ainsi pour Radio Prague :

« La couronne est dédiée au patron des Tchèques, saint Venceslas, souverain éternel sur le trône de Bohême dont le crâne en tant que sainte relique est conservé avec la couronne à la cathédrale Saint-Guy. La couronne n'était posée sur la tête du roi que le jour de son couronnement, elle était utilisée uniquement lors du couronnement des rois de Bohême. »

Photo: Barbora Kmentová
Désormais, ces joyaux, qui sont donc normalement conservés au sein de la cathédrale Saint-Guy, ne sont montrés au public que lors d’événements qualifiés d’exceptionnels, comme par exemple l’élection d’un nouveau président. Le 700e anniversaire de Charles IV, désigné comme « le plus grand Tchèque de tous les temps », selon une enquête menée par une chaîne de télévision tchèque en 2005, fait incontestablement partie de ces événements dits exceptionnels.

Des philatélistes heureux

Les numismates se souviennent encore avec beaucoup d’émotion qu’à l’occasion du 600e anniversaire du décès de Charles IV, la Tchécoslovaquie avait édité une série de quatre pièces de monnaie, des ducats, représentant le roi de Bohême et différents symboles attachés à son règne, son couronnement, le château de Prague ou encore l’Université qui porte son nom.

En 2016, c’est au tour des philatélistes de se réjouir. La Poste tchèque a fait réaliser un nouveau timbre à l’effigie de l’empereur. Le timbre, d’une valeur de 54 couronnes et de grande dimension, est imprimé à 54 500 exemplaires. Il a été conçu par l’artiste Jan Kavan, qui évoque un processus créatif assez compliqué :

« La commission d’émission désirait au départ que le thème soit Charles IV et ses femmes. J’ai donc réalisé une première proposition dans cet esprit en m’inspirant de l’héritage du maître de Vyšší Brod […]. Mais je me suis aperçu d’une chose et c’est ce qu’a confirmé ma femme qui est sculptrice : le résultat ressemblait à une illustration pour les enfants avec le roi et quatre princesses. Je me suis donc dit que ce n’était sans doute pas l’image que Charles IV nous avait laissée, que ce n’était sans doute pas la chose fondamentale. »

Le résultat final combine des éléments architecturaux, qu’on retrouve traditionnellement dans les autres timbres élaborés par Jan Kavan, des éléments symboliques ainsi qu’un portrait du souverain. La présentation du timbre au début du mois de mai a également été l’occasion pour Martin Elkán, le directeur général de la Poste tchèque, de rappeler à quoi ressemblait l’ancêtre du service postal à l’époque de Charles IV :

Jan Kavan,  photo: Linda Nguyenová,  ČRo
« La poste à l’époque de Charles IV n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui. Il y avait des messagers terrestres qui transmettaient généralement la communication écrite de la chancellerie du souverain aux administrations locales. Les messagers travaillaient jusqu’à seize heures par jour et bénéficiaient de la possibilité de manger, de se loger, de boire et de mettre leurs chevaux dans une écurie gratuitement. La poste d’état classique n’est apparue qu’au début du XVIe siècle. »

A noter qu’une partie des timbres édités ont dû être rapidement retiré de la circulation par la Poste tchèque : ils portaient malencontreusement l’inscription latine erronée Karolus Quatrus en lieu et place de la dénomination correcte Karolus Quartus.

Les aventures de Charles IV en bulles, en onomatopées et en musique

Photo: Edika
Charles IV ne pouvait pas penser devenir un jour le héros d’une bande-dessinée. Voilà qui lui aurait pourtant sans doute fait très plaisir et qui est devenu réalité. Zdeněk Ležák signe le scénario de cette œuvre qui vient d’être publiée et qui répond au nom de Karel IV. Pán světa, c’est-à-dire en français, Charles IV Le Seigneur du monde. Avec ses collaborateurs Jonáš Ledecký et Matyáš Namais, respectivement au dessin et à la colorisation, l’auteur a décidé d’assumer un parti pris pour le moins original :

« Nous avons un peu élaboré Charles comme Batman. Il m’a vraiment rappelé les comics Batman en raison de son enfance malheureuse, des disputes entre ses parents, du fait qu’il voit sa mère pour la dernière fois à l’âge de trois ans et qu’il est en fait en quelque sorte un petit orphelin. »

Les traits du dessin rappellent d’ailleurs davantage l’art américain des comics que celui de la bande-dessinée franco-belge. Là aussi, cela correspond à une volonté bien précise, celle du dessinateur Jonáš Ledecký, qui est par ailleurs également musicien et qui considère que le septième art serait destiné avant toute chose aux enfants.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la bande-dessinée n’existait pas encore du temps de Charles IV, pas plus d’ailleurs que la musique électronique. Aussi, c’est toute l’ambition du projet de la Radio publique tchèque de concilier le père de la nation tchèque avec les tendances nouvelles, notamment musicales, de ce début de XXIe siècle. Le concept s’appelle « Karel je King ! », à savoir « Charles est le King ! », et se compose de différentes pièces radiophoniques impliquant de nombreuses personnalités du monde de la culture tchèque, de vidéos parodiques et d’une grande fête d’anniversaire. Elle est organisée le 14 mai au parc Letná à Prague avec au programme un spectacle son et lumière à base de lasers et la participation de nombreux DJs. Autant dire que Charles IV est bien gâté pour son anniversaire.