Un vélo au paradis

Le mémorial de Jan Bouchal, photo: CTK
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Ce lundi 9 septembre, aura lieu la cérémonie d’inauguration du mémorial de Jan Bouchal, qui prendra place à l’intersection des rues Nábřeží Kapitána Jaroše et Dukelských hrdinů, dans le VIIe arrondissement de Prague. Grand amateur de cyclisme, co-fondateur de l’association civique Auto*Mat qui lutte depuis 2003 pour une réduction de la circulation automobile et la promotion du vélo, de la marche et des transports en commun, Jan Bouchal s’est fait renverser par une voiture, en 2006, alors qu’il rentrait de son travail à vélo. Tragique ironie du sort, l’accident s’est produit au carrefour même pour lequel le jeune homme négociait des plans de réaménagement afin d’améliorer la sécurité des cyclistes et des piétons. Sept ans plus tard, le carrefour est enfin transformé et la mémoire de Jan Bouchal honorée. Agnès Joyaut.

Le mémorial de Jan Bouchal,  photo: CTK
Une bicyclette au cadre léger et enduite de peinture argentée se tient à la verticale contre la colonne d’un réverbère, en direction du ciel. « Bike to heaven » (un vélo au paradis) : c’est ainsi qu’a été baptisée l’œuvre réalisée en souvenir de Jan Bouchal. Décédé en janvier 2006, victime d’un accident de voiture alors qu’il rentrait chez lui à vélo, Jan Bouchal est plus que jamais présent dans les mémoires, à l’heure où les membres de l’initiative Auto*Mat poursuivent de nombreux projets en faveur d’une plus grande sécurité routière et d’une meilleure qualité de vie en ville. Parmi la vingtaine de membres actifs que compte aujourd’hui Auto*Mat, Vítek Masare, en charge de la communication et des relations publiques, rappelle qui était Jan Bouchal :

Jan Bouchal,  photo: Jitka Vrzalová
« Jan Bouchal, qui était connu par ses amis sous le surnom de “Pup”, était un jeune homme actif, engagé dans la vie sociale et civique praguoise. Il travaillait notamment pour “Oživení”, une association qui s’occupe des questions d’espace public et de transport durable. Et ainsi, en 2003, il a fait partie d’un petit groupe de jeunes devenus les pères fondateurs de ce qui est de nos jours l’initiative, l’association Auto*Mat, dont le projet est justement d’attirer l’attention sur ces sujets-là : l’espace public, la mobilité et la promotion d’un certain courant moderne de développement urbain. Jan Bouchal avait un esprit d’activité, d’organisation et de motivation, il était celui qui rassemblait les gens autour du projet. »

Krištof Kintera et Bohuslav Svoboda,  photo: Auto*Mat
Dès les lendemains de l’accident, le désir de faire mémoire au jeune homme par une installation concrète habite ses proches et les membres d’Auto*Mat. Mais il a d’abord fallu attendre six ans pour que le carrefour soit réaménagé selon les vœux de Jan Bouchal. Suite à l’examen de plusieurs propositions, l’œuvre de l’artiste-sculpteur Krištof Kintera a été retenue. Sélectionnée à l’origine, une proposition de l’artiste David Černý – le profil d’un cycliste couché, peint à même la route – a été abandonnée pour des questions de sécurité. Une collecte auprès du cercle amical et associatif a permis de rassembler les fonds nécessaires à l’achat du matériel et au montage de la colonne, rappelant quelque part la souscription publique qui a permis la construction du Théâtre national de Prague au XIXe siècle. Recouvert de papier réfléchissant, le réverbère insolite brillera comme une étoile dans la nuit, éclairé par les phares du trafic alentour. Un curieux mélange entre œuvre d’art, mémorial et signalisation d’un carrefour dangereux. Vítek Masare :

Photo: Auto*Mat
« D’abord, même si le motif principal est d’être un mémorial pour Jan Bouchal, c’est également un mémorial pour toutes les victimes des accidents de la route, parmi lesquelles les cyclistes. Cela doit servir à rappeler que, dans le système des transports, certains sont plus en danger que d’autres, et ce sont évidemment les piétons et les cyclistes. Jan Bouchal n’était pas juste un cycliste, victime d’un accident quelque part, mais c’était avant tout un jeune homme actif, qui voulait augmenter la sécurité des personnes dans la rue et dans les transports. Et ainsi, on veut commémorer l’activité de cet homme-là. »

« Sinon, ce mémorial est aussi une œuvre d’art assez spéciale car, depuis la Révolution de velours, il y a pas eu beaucoup d’œuvres d’art installées dans les espaces publics en République tchèque, et encore moins à Prague. Chaque installation d’art moderne dans les rues de Prague est donc quelque chose d’exceptionnel. C’est un monument qui instaure un lien vraiment fort entre son créateur, le sculpteur, et le personnage qu’il commémore, entre le sculpteur et la communauté qu’il commémore d’ailleurs, car Kristof Kintera est aussi une de ces personnes qui ont été dès le début un des principaux partisans d’Auto*Mat. »

Photo: Auto*Mat
Si tant d’années se sont passées avant que le mémorial puisse être inauguré, c’est parce que les pouvoirs publics n’ont pas toujours manifesté leur soutien quant au réaménagement du fameux carrefour. Ce n’est qu’en 2010, à l’arrivée de Bohuslav Svoboda à la tête de la mairie de Prague, que les travaux ont enfin pu être réalisés. Son successeur depuis mars 2013, Tomáš Hudeček, lui-même cycliste amateur et partisan des idées de transports durables que défend Auto*Mat, laisse présager le meilleur pour l’association. Pour l’heure, l’inauguration du mémorial, également baptisé « Pupův » en raison du surnom de Jan Bouchal, est un symbole fort pour l’ensemble de la communauté cycliste de Prague.