Un professeur de l'Université Charles : « Aujourd'hui, en Tchéquie, un professeur du secondaire gagne plus qu'un professeur du supérieur. Ca ne peut pas durer ! »

L'Université Charles

Les enseignants, médecins, agriculteurs et employés des chemins de fer auront finalement été bien peu nombreux à avoir répondu, ce jeudi, à l'appel à la manifestation lancé par certains syndicats contre le projet de réforme des finances publiques du gouvernement. Sur la place de la Vieille-Ville, au milieu des touristes badauds, le rassemblement des quelques manifestants malgré tout présents a même tourné au fiasco, comme le constatait la presse tchèque ce vendredi matin. A quelques centaines de mètres du centre historique et aujourd'hui touristique de Prague se trouve la prestigieuse faculté des lettres de l'Université Charles. A l'intérieur, en ce jour d'examens, personne ne semblait vraiment prêter attention aux revendications syndicalistes. Le 9 juin dernier pourtant, le corps enseignant de certaines universités tchèques s'était mis en grève pour réclamer une augmentation de leurs salaires, mais aussi de la subvention annuelle allouée par l'Etat pour le fonctionnement de l'enseignement supérieur. Vlasta Dufkova est professeur de langue et littérature portugaises à la faculté des lettres de l'Université Charles. Guillaume Narguet lui a demandé ce qu'elle pensait de la situation actuelle des enseignants du supérieur :

« J'enseigne certes depuis peu de temps, mais avant, j'ai travaillé dans le domaine de la culture qui est très proche de celui de l'enseignement et qui, tout comme lui, est miné par des problèmes semblables. Je crois qu'en République tchèque, il y a une sous-estimation chronique des « humanités » et de tout le côté intellectuel. Il y a un grand danger d'émigration des intellectuels de ce pays vers l'Europe, vers le monde, ailleurs. »

Vous dîtes ne pas être totalement contre la réforme des finances publiques, mais qu'est-ce qui pourrait faire évoluer la situation dans le bon sens dans les domaines de l'enseignement et de la santé, qu'est-ce qui pourrait entraîner une augmentation des salaires ?

« Je ne suis peut-être pas la personne la plus indiquée pour vous donner la solution, mais je ne crois pas que les professeurs d'université soient ceux qui se fassent le plus entendre. Or, je crains que ce soient ceux qui crient le plus fort qui obtiendront encore le peu d'argent qui est prévu pour l'enseignement, et ça, c'est tragique pour le futur du pays. »

Quelle est l'opinion de vos collègues, quelle est l'ambiance qui règne, en général, à l'université ?

« Vous savez, une partie des enseignants a signé une pétition qui a récemment été rédigée par certains enseignants de l'université d'Olomouc, et nous sommes tout à fait d'accord avec l'urgence de résoudre le problème des universités, mais je ne crois pas que ce soit aujourd'hui qu'il faille aller dans la rue. Nous n'avons pas encore lu le projet, nous ne pouvons donc pas manifester tout de suite. C'est mon opinion personnelle. Quand j'en saurai plus, je prendrai les mesures nécessaires, mais aujourd'hui je ne me sens pas encore compétente pour cela. »

Malgré cela, une réforme du financement de l'éducation est nécessaire, et ce depuis plusieurs années déjà.

« Oui, mais vous savez, ça dépend aussi des lois qui ont été votées, parce que, quand même, les universités sont indépendantes de l'Etat, c'est à dire que les salaires dans l'enseignement primaire et secondaire « vont leur train » ; même si c'est assez lent, ils augmentent plus que ceux de l'enseignement supérieur, ce qui est paradoxal. N'empêche, un professeur du secondaire gagne plus aujourd'hui qu'un professeur de l'enseignement supérieur, et ça, ça ne peut pas durer. »