Un médicament tchéco-américain pourrait révolutionner le traitement du cancer

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C’est une avancée très prometteuse dans les recherches d’un nouveau traitement efficace contre le cancer. Mardi dernier, l’Académie tchèque des Sciences a annoncé avoir mis au point une substance capable de perturber le métabolisme des cellules cancéreuses et de stopper leur multiplication, sans pour autant avoir des effets néfastes sur l’organisme. Menées conjointement avec l’Université Johns Hopkins de Baltimore, aux Etats-Unis, les recherches sur cette substance innovante ont bénéficié d’un investissement à hauteur de 32 millions d’euros. Le médicament pourrait être commercialisé d’ici six ans.

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Une fois de plus, les chercheurs de l'Institut de chimie organique et de biochimie de Prague (ÚOCHB) ont fait parler d’eux. Les successeurs du chimiste Antonín Holý qui travaillait dans les laboratoires de l’Institut sur l’antiviral destiné au traitement des malades du sida, ont développé un médicament anti-cancéreux testé avec succès chez les souris et les cochons.

Le médicament est basé sur une substance naturelle, isolée à partir de terre péruvienne. Curieusement, son effet destructeur sur les cellules cancéreuses est connu depuis longtemps. Le problème était que la substance exerçait les mêmes effets néfastes sur les cellules saines et causait aux patients de graves troubles de l’appareil digestif.

Le chimiste Lukáš Tenora explique en quoi consiste la découverte de l’équipe tchéco-américaine dont il fait partie :

Lukáš Tenora,  photo: ČT
« Nous avons développé des pro-médicaments. Dans l’organisme, ils ne s’activent que lorsqu’ils se retrouvent en contact avec une cellule cancéreuse. Ils sont alors capables de la détruire. »

Autrement dit, il s’agit de bloquer, à l’aide de ces pro-médicaments, l’approvisionnement des cellules malignes en éléments nutritifs, en particulier en azote. Ces substances, qui remplacent dans l’organisme la principale source d’azote, la glutamine, ne s’activent pas dans les tissus sains.

L’Institut de chimie organique et de biochimie de Prague et l’Université Johns Hopkins de Baltimore ont créé la société Dracen Pharmaceuticals, dont l’objectif est de mener à bien la mise au point du médicament jusqu’aux premiers essais cliniques chez des patients. Le fonds d’investissement Deerfield lui a octroyé une subvention de 40 millions de dollars (800 millions de couronnes). Un geste qui a agréablement surpris Jaromír Zahrádka, directeur de la société tchèque i&i, fondée l’année dernière pour soutenir les projets de pointe de l’Institut ÚOCHB sur le marché :

Jaromír Zahrádka,  photo: ČT
« En général, les investisseurs attribuent aux projets de développement des médicaments quelque 10 millions de dollars et dans une étape suivante, disons 30 millions supplémentaires. Dans ce cas précis, ils ont investi la somme entière d’un seul coup, ce qui témoigne de l’intérêt qu’ils ont pour ce projet de recherche. »

Invité, mardi, sur le plateau de la Télévision tchèque, le directeur de l’Institut de chimie organique et de biochimie, Zdeněk Hostomský, a quelque peu atténué l’enthousiasme qu’a pu susciter la nouvelle :

« C’est beau d’entendre qu’on a peut-être trouvé un médicament contre le cancer, mais ce n’est pas vrai. Il n’existe pas un seul cancer, il y en a des centaines. Ce médicament représente toutefois un cas unique et c’est aussi la raison pour laquelle le fonds a investi une somme tellement importante dans ce projet : nous savons, depuis des années, que cette substance fonctionne. Ce n’est pas le cas de tous les médicaments anti-cancéreux, loin de là… »

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« Le problème était que la substance présentait des effets secondaires que les chercheurs devaient éliminer. L’objectif de l’entreprise Dracen est que le médicament puisse être autorisé le plus vite possible et ensuite commercialisé. C’est un processus assez compliqué et coûteux. Une fois introduit sur le marché, ce médicament sera sans doute combiné chez les patients avec d’autres anticancéreux. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous saurons s’il est vraiment efficace. Pour l’instant, tout porte à croire qu’il le sera. »

Les premiers essais cliniques du traitement devraient être lancés à la fin de 2019. Si tout se passe bien, le nouveau médicament tchéco-américain pourrait être vendu en pharmacie d’ici six ans.