Tollé contre l’amnistie : Václav Klaus s’offusque

Václav Klaus, photo: Khalil Baalbaki, ČRo

L’affaire du début de l’année 2013 continue… Sous le feu des critiques, tant de la part des hommes politiques et des juristes que de simples citoyens, pour avoir déclaré une amnistie importante, dont bénéficient également certaines personnes coupables de graves délits économiques, le président Václav Klaus a prononcé, mardi, à la télévision publique, un discours émotif. Sans réagir aux arguments avancés par les spécialistes, le chef de l’Etat s’est limité à cet unique constat : la désapprobation de l’amnistie serait une forme d’attaque de la part de ses adversaires contre sa personne.

Photo: CTK
Une semaine après l’annonce par Václav Klaus, à l’occasion de ses vœux du Nouvel An, de cette amnistie partielle, environ 6200 détenus ont quitté les prisons tchèques et des milliers d’autres personnes attendent que les tribunaux annulent leurs peines. Or, et c’est là que se trouve la pierre d’achoppement, parmi celles qui devraient être innocentées, figurent également des délinquants économiques, impliqués pour certains dans les scandales liées aux privatisations des années 1990, époque où ce même Václav Klaus dirigeait le gouvernement. Car l’amnistie du président sortant vise aussi à stopper certaines procédures judiciaires en cours, considérées par le Château de Prague comme trop longues et lentes, plus précisément celles qui durent plus de huit ans et concernent des peines inférieures à dix ans. Par conséquent, les victimes des fraudes en question perdent tout espoir de dédommagement.

Hana Marvanová,  photo: ČT24
Cette partie de l’amnistie, contre laquelle un groupe de sénateurs s’apprête à porter plainte auprès de la Cour constitutionnelle, a suscité le tollé d’une partie de la classe politique et de l’opinion publique. Par exemple pour l’avocate et ancienne députée Hana Marvanová, une voix critique parmi d’autres, il s’agit de « la pire décision de Václav Klaus », d’un « geste qui aura un effet destructeur et profondément démoralisateur sur la société tchèque ». Par ailleurs, Hana Marvanová appelle à la responsabilité aussi le gouvernement, notamment le Premier ministre Nečas qui a donné son consentement à l’amnistie.

Václav Klaus,  photo: Khalil Baalbaki,  ČRo
Sans essayer de réfuter les arguments des critiques dans un débat sur le fond du sujet, le président Klaus a d’abord déclaré à la presse qu’il était certain qu’il s’agissait d’une bonne décision et que le temps le prouverait. Mardi dernier, alors que les maires et directeurs d’écoles étaient déjà 600 à décrocher son portrait en signe de protestation contre l’amnistie, le chef de l’Etat a jugé bon de s’expliquer devant les caméras, en endossant le rôle de la victime d’une chasse médiatique, voire d’un complot politique, comme cela a été le cas, a-t-il rappelé, avant la chute de son gouvernement en 1997. On l’écoute :

« Ceci n’est pas une campagne dirigée contre l’amnistie en tant que telle, mais contre moi-même, contre les valeurs que j’incarne et que défends depuis vingt ans sur la scène politique tchèque. Les auteurs de cette campagne ne se soucient pas des condamnés, ni des prisonniers libérés, ni des soi-disant ‘tuneláři’, donc d’escrocs financiers, ni même des victimes de ces crimes. Leur objectif est de s’attaquer à moi précisément à la fin de ma présidence. J’ai l’impression que cette campagne témoigne d’une crainte de mes adversaires politiques par rapport à mon futur engagement public. »

Marek Benda,  photo: Anna Duchková,  ČRo
Ceux qui défendent Václav Klaus se recrutent principalement du Parti civique démocrate ODS. On écoute le député Marek Benda :

« Il est évident qu’on a abusé de cette amnistie à des fins politiques. Nous sommes à la vieille de l’élection présidentielle… Ce qui se passe, quand les maires et les directeurs des écoles décrochent le portrait du chef de l’Etat, c’est de la folie. »

Lubomír Zaorálek,  photo: Petra Čechová,  ČRo
Lubomír Zaorálek du Parti social-démocrate ČSSD, dans l’opposition, est d’un autre avis : « Au lieu de répondre à nos questions, le président nous a dit qu’il continuerait dans sa politique. Aucune campagne n’est menée contre lui, c’est une manipulation typique de Václav Klaus », a-t-il déclaré. Force est de constater que les objections contre l’ampleur de l’amnistie ont même été formulées au sein des parti gouvernementaux TOP 09 et LIDEM.

Enfin, un regard de l’étranger : Radio Prague a demandé au politologue tchèque installé en France, Lukáš Macek, de comparer l’amnistie déclarée par Václav Klaus à celles annoncées par le passé par des présidents français :

Lukáš Macek,  photo: ČT24
« Je ne vois pas tellement d’analogie. En France, traditionnellement, les amnisties se font après l’élection d’un nouveau président et non pas à la fin de son mandat ce qui lui permet d’assumer la responsabilité de cette amnistie. C’est une différence qui me paraît importante. Mais surtout, on ne parle pas du tout des mêmes choses. Ces dernières décennies, l’amnistie présidentielle française concernait de petites infractions, le mauvais stationnement par exemple. Et encore, ces délits n’ont pas été amnistiés en 2007 et en 2012, où il n’y a pas eu d’amnistie du tout. Ce qui me gêne beaucoup dans l’amnistie du président Klaus, c’est justement qu’il la déclare à la fin de son mandat. Certes, officiellement, c’était pour les 20 ans d’indépendance de la République tchèque, mais quand même, il devrait tenir compte du contexte politique. Après tout, il aurait pu laisser le soin au président nouvellement élu de faire ce geste. Ce que je trouve également très gênant, c’est que cette amnistie porte sur des affaires qui sont encore en cours, avec des justifications concernant la Cour européenne des droits de l’Homme, mais qui ne tiennent pas de bout. »