Théâtre : des pièces de Hrabal et Havel au festival d'Avignon

Photo: www.avignonleoff.com

Le festival d’Avignon est chaque été l’évènement théâtre français et européen de l’année. Plusieurs auteurs tchèques sont représentés dans chaque édition du festival. Cette année, une pièce de Hrabal, « une trop bruyante solitude » et « Vernissage » de Havel sont montés par deux compagnies françaises dans le cadre du festival Off. Rencontre avec ces deux compagnies.

Selon les éditions, les auteurs tchèques sont plus ou moins représentés dans le festival d’Avignon. Cette année, seules deux pièces tchèques sont présentes, mais les compagnies qui les montent sont toujours animées par une vraie passion pour les auteurs qu’ils choisissent. Jean-Pierre Plazas, de la compagnie Lux in Tenebris, joue depuis 2002 des pièces du plus célèbre dramaturge tchèque, Václav Havel:

« Pourquoi le choix de Havel ? Tout simplement parce que la première fois que j’ai lu du Havel, je suis tombé sous le charme. Je me suis dit que ça devait être extraordinaire pour les comédiens de jouer ce genre de personnages. Donc nous venons ici en Avignon depuis 4 ans et nous jouons la trilogie, « Audience », « Pétition » et « Vernissage » de Václav Havel. Et on va aller plus loin certainement encore avec Havel. »

Qu’est-ce qui vous intéresse dans les pièces de Havel ?

« D’abord c’est son écriture. C’est le fait aussi qu’il ne donne pas de leçons. Il n’y a pas de morale, c’est superbe. Et ce sont des pièces libertaires qui disent beaucoup de choses et en même temps elles sont dans l’absurde et c’est très intéressant à jouer. Je suis tombé amoureux, ainsi que tous les comédiens et le metteur en scène, du personnage Václav Havel et de l’homme politique, et du grand Monsieur qu’il est. »

Marc Badiou est quant à lui l’interprète de Hanta, l’ouvrier qui compresse les vieux papiers et les vieux livres dans la nouvelle de Bohumil Hrabal, « Une trop bruyante solitude ». A l’origine, l’œuvre de Hrabal n’est pas une pièce de théâtre, mais la beauté du texte a poussé la compagnie Trouble-théâtre, de Saint-Etienne, à tenter l’adaptation. Marc Badiou :

« Ça fait depuis 1975 ou 1976 que je connais l’écrivain et que j’ai lu à peu près tous ses textes. Et je me disais que ça allait être difficile. Mais j’ai constaté qu’il y a un gars qui l’a monté avant moi et j’ai trouvé que l’adaptation pouvait se faire. »

Qu’est-ce qui vous a intéressé particulièrement dans ce texte ?

« C’est en même temps la vision complètement moderne, le regard aigu de Hrabal sur le changement de société où la philosophie disparait, on rentre dans une société productiviste, où les vieux, les vieilles manières, les vieilles façons de faire sont jetées aux oubliettes. Et ce qui m’intéresse c’est que lui, il recycle, en même temps que la philosophie, il recycle le sang versé, il recycle le monde. Et quel monde ! C’est un monde absurde, imbécile. C’est ça qui m’intéresse. Ce message chez Hrabal est très fort, avec justement le côté très brillant. C’est son côté slave aussi qui est très pétillant, très distancié. »

Marc Badiou est aussi un grand admirateur de Bohumil Hrabal, qu’il a découvert au milieu des années 70. Il nous parle de la notoriété de l’écrivain tchèque en France.

« Pour moi, il n’est pas connu au niveau de son génie. Les auteurs emblématiques, c’est Havel, qui est là, il y a deux trois pièces. J’ai aussi monté une pièce ou deux de Havel. Mais ce sont plutôt les auteurs comme ça qui sont emblématiques, mais pas Hrabal. En même temps je crois, mais je peux me tromper, qu’en Tchéquie, il était un peu à la marge de la profession, en marge de quelque chose, comme un buveur de bière. Et moi j’adore ces gens-là, qui sont décalés, qui sont a côté, et qui produisent une œuvre inoubliable, complètement différente de tout le reste. Ça n’a rien à voir avec la littérature courante. Je veux dire que c’est absolument génial. On ne peut rien dire d’autre parce qu’en même temps il a un œil exercé de peintre, il aurait bien pu être peintre, photographe. Et il décrit, et avec ses phrases, pour moi, c’est un monument. C’est un monument de la littérature mondiale. »

La pièce de Hrabal est jouée en Avignon au théâtre A l’albatros jusqu’au 2 août prochain.

La compagnie Lux in Tenebris se rendra cet automne au festival de Hradec Kralove où elle est invitée à présenter ses adaptations françaises devant Vaclav Havel en personne. Elle prépare pour 2009 les « Lettres à Olga » et s’intéresse déjà à la dernière pièce de l’ancien Président, « Sur le départ », jouée depuis mai dernier au théâtre Archa de Prague.