Selon des chercheurs tchèques, les canicules ne datent pas d’hier

Foto ilustrativa: Magdalena Kašubová

Avec le printemps quasi estival qui règne cette année presque sans discontinuer en République tchèque et dans d’autres pays d’Europe, la crainte de la sécheresse, de plus en plus prononcée dans la période récente, est d’actualité. Pourtant, une étude menée par des scientifiques de l’Université tchèque d’agriculture dont les résultats ont été publiés dans le magazine Nature, montre qu’au cours du millénaire écoulé l’Europe a connu des périodes de sécheresse similaires, voire bien plus importantes que celles enregistrées ces dernières années.

Photo illustrative: Štěpánka Budková
Les changements climatiques importants observés à l’heure actuelle et qui suscitent de nombreuses craintes en raison de leurs conséquences pour les sociétés, auraient débuté il y a une centaine d’années environ. Les résultats observés par l’équipe de scientifiques tchèques démontrent que les 90 dernières années se classent parmi les plus humides du millénaire écoulé. Yannis Markonis a dirigé cette étude, il nous en dit plus sur ses découvertes :

« En fait, nous avons essayé d’étudier cette période de mille ans et de comparer les périodes de sécheresse et d’humidité d’autrefois avec ce que l’on peut observer à l’heure actuelle en Europe. A notre grande surprise, nous avons découvert que les changements ne sont pas homogènes en Europe, et que le Nord est bien plus humide qu’il ne l’a été dans le passé tandis que le Sud est encore plus sec. Nous avons constaté que ce modèle persiste plus ou moins depuis les cent dernières années. Pour l’Europe centrale, nous avons des résultats partagés. »

Difficile de dire, selon les scientifiques, pourquoi les différences entre le Nord et le Sud tendent à s’accentuer autant. Une chose est sûre : le phénomène est avéré. Si la hausse des températures y est pour beaucoup, ce n’est pas la seule raison. La circulation atmosphérique jouerait également un rôle important.

Pour mener à bien leur étude et en l’absence, évidemment, de données climatologiques sur mille ans, les scientifiques de l’Université tchèque d’agriculture, en collaboration avec notamment un paléo-climatologue de l’Université de Columbia à New York, ont dû trouver une méthode d’observation et de comparaison, comme le détaille encore Yannis Markonis :

Photo: Magdalena Kašubová
« Bien sûr, nous n’avons pas d’observation directe pour ce qui se passait il y a 1 000 ans. L’enregistrement des précipitations et des températures remonte à 50, voire 100 ans maximum. Donc nous devons utiliser des sources indirectes. Dans le cas présent, nous avons utilisé les cernes de croissance des arbres. Certains arbres sont sensibles aux changements dans les précipitations tandis que d’autres sont sensibles aux changements de température. Donc en utilisant la largeur des cernes de croissance, nous pouvons reproduire le climat de certaines régions. »

Ce n’est que depuis peu que les questions du changement climatique et de ses conséquences ont véritablement percé dans le débat public en République tchèque. Il a fallu d’importants épisodes de sécheresse en 2013-2014 et une grosse canicule en 2015 pour susciter une prise de conscience des pouvoirs publics, ainsi qu’un constat : la République tchèque a bien vingt ans de retard sur la question. Destruction des sols, problèmes d’approvisionnement en eau, chute du niveau des nappes phréatiques, récoltes touchées de plein fouet, la liste des conséquences est longue, et représente un véritable enjeu économique et social. Selon Yannis Markonis, cette situation, récente à l’échelle de l’histoire du climat, pourrait perdurer :

« C’est intéressant : jusqu’à il y a une dizaine d’années, la République tchèque suivait le modèle de l’Europe du Nord, donc avec un climat plutôt humide. Mais il y a dix ou quinze ans, elle a connu un changement assez abrupt vers des conditions climatiques plus sèches. A l’heure actuelle, la République tchèque se trouve un peu en-dessous de la moyenne du dernier millénaire, mais avec un temps bien plus sec qu’il y a 80 ans. En étudiant le passé, nous essayons de voir ce qui peut se produire dans le futur, surtout en lien avec la hausse des températures. Quand celles-ci augmentent, l’eau s’évapore davantage. On peut donc imaginer des sécheresses plus importantes à l’avenir. Nous ne disons pas que cela va se produire, mais si c’est le cas, il pourrait y avoir des conséquences en lien avec les sources d’eau à notre disposition. »

Photo illustrative: Barbora Němcová
Contrairement aux inondations, autre conséquence des changements climatiques globaux, il n’existe toujours pas en République tchèque de mesures systémiques au niveau national pour faire face aux problèmes liés à la sécheresse, les gouvernements ayant recours à des plans d’aide après des épisodes caniculaires. En 2014, une commission interministérielle Eau-Sécheresse a toutefois été créée, en coopération avec le ministère de l’Agriculture, et son mandat a été prolongé en 2017, signe de la persistance du problème.