Sandra Jirovec : une peintre qui accepte ses deux origines

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Sandra Jirovec est peintre, elle est née de parents tchèques et a grandi en France. Sa dernière exposition, visible jusqu’au 14 novembre à la galerie Manesova54 à Prague dans le quartier de Vinohrady, s’intitule « Paris-Prague, d’ici et de là ». A travers son œuvre transparaît le portrait d’une artiste toujours tiraillée entre la République Tchèque et la France. Sandra Jirovec, au micro de Radio Prague, a parlé de cette double identité et du regard qu’elle porte sur ses deux pays.

Sandra Jirovec,  photo: Archives de Radio Prague
« Je suis imprégnée par l’ambiance française et par l’ambiance tchèque. Je dirais que la République tchèque c’est plus petit, c’est plus intime, que ce soit géographiquement ou dans l’émotion. En tchèque on a tendance à faire des diminutifs avec les mots. C’est la langue de l’enfance, c’est une langue tendre. Ce qui ne veut pas dire que le français n’est pas tendre, mais le français c’est ma langue d’origine alors que le tchèque c’est la langue du deuxième pays, du pays secret. Moi je venais en Tchécoslovaquie à l’époque communiste parce que j’avais le passeport français, mes parents ne pouvaient pas pour des raisons politiques, et donc j’étais seule ici avec mes grands-parents, entourée. »

Les parents de Sandra Jirovec se sont exilés à Paris pendant la période communiste. De nationalité française, elle faisait le lien durant son enfance entre ses parents et ses grands-parents. Plus tard, elle étudie d’abord l’anglais à la Sorbonne avant de se dédier à la peinture et d’entrer aux Beaux-Arts. Artiste emblématique des relations culturelles entre la République tchèque et la France, son art est devenu le miroir de sa double identité, où les paysages, les registres et les symboles font référence aux deux pays.

« Je ne veux pas du tout être péjorative, c’est plus petit, il y a une plus petite variété de paysages, que j’adore, mais il n’y a pas la mer, ce sont des lacs, c’est plus sombre. En France, on a l’impression que l’horizon est plus ouvert. La culture tchèque est encore très proche de ses mythes, de ses racines, d’un mélange de mythes et d’histoires, et tout tchèque est lié à cela via les histoires pour enfants, qui sont aussi très animalières, très campagnardes et c’est sûr que ça ressort aussi dans ma peinture. Et le classique : l’humour tchèque ! Moi je ne sais pas si on a envie de rire en voyant mes tableaux, mais moi s’il n’y a pas au moins une pincée d’humour ça ne va pas. Il faut de tout ! Je ne sais pas si par exemple le tragique, n’est pas plus français que tchèque. »

Photo: Site officiel de la galerie Mánesova 54
Lors de cette exposition « Paris-Prague : d’ici et de là », la plus importante jamais dédiée à l’artiste, les tableaux sont parfois représentés dans leurs versions française et tchèque côte à côte, comme par exemple les tableaux French kiss et Baiser tchèque. L’un représente une femme, l’artiste elle-même, face à un oiseau, l’autre la représente face à une carpe. Le but est surtout de faire rire, mais aussi de représenter la France et la République Tchèque de manière métaphorique.

« Le poisson c’est la carpe, un des emblèmes de la République Tchèque, un poisson que l’on ne mange pas beaucoup en dehors de la République Tchèque, et en République Tchèque on le mange à Noël. Dans le Baiser tchèque c’est très clair il y a aussi le côté conte de fées, la princesse qui donne un baiser au crapaud ou au poisson, et le poisson va se transformer ! Le baiser français est plus sérieux, peut-être que la France pour moi est plus rationnelle, plus sérieuse… »

Photo: Site officiel de la galerie Mánesova 54
Dans les peintures de Sandra Jirovec, on trouve des références aux mythes et aux contes, les animaux et la nature sont très présents, tout comme l’homme, à travers une grande série d’autoportraits de l’artiste, le tout dans des couleurs très vives. L’art a longtemps été conçu par Sandra Jirovec comme une recherche de sa propre identité.

« Ça fait partie de moi, ce n’est pas l’essentiel de ma peinture, mais ça fait partie de moi. Maintenant je l’ai digéré, mais le fait d’avoir une double culture, c’est quand même un tiraillement bien sûr, surtout au niveau de l’adolescence, une recherche de l’identité, de soi, qui on est, d’où l’on vient… Là maintenant pour moi ce n’est plus un problème, j’accepte le fait d’avoir deux lieux, deux origines, c’est un plus maintenant, avant c’était plus déchirant. »

L’exposition sera ouverte jusqu’au 14 novembre à la galerie Manesova, du lundi au samedi.