Restitutions : le torchon brûle de nouveau entre l’Etat et l’Eglise

Château de Prague, photo: Google Maps

Les relations entre l’Etat tchèque et l’Eglise catholique ne se sont certainement pas améliorées ces derniers jours. En cause, la toujours très problématique restitution des biens confisqués sous le régime communiste. Dimanche, le ministre de l’Intérieur a mis de l’huile sur le feu en proposant que les bâtiments situés dans l’enceinte du Château de Prague, siège du président de la République, fassent l’objet d’une exception et ne soient pas inclus dans le cadre de la loi entrée en vigueur en début d’année. Cette proposition a fait l’objet d’une vive réaction du cardinal et archevêque de Prague Dominik Duka.

Château de Prague,  photo: Google Maps
Adoptée l’automne dernier après de longues années de négociations et de conflits d’intérêts et entrée en vigueur le 1er janvier, la loi sur la restitution des biens aux Eglises n’a cependant pas encore permis d’apaiser totalement les rapports entre l’Eglise catholique et une partie de la classe politique tchèque. Ces rapports restent même très tendus si l’on s’en tient aux déclarations faites mardi par l’archevêque de Prague suite à la proposition du ministre de l’Intérieur, Martin Pecina. Ce dernier a fait savoir qu’il souhaitait qu’aucun des édifices appartenant au Château de Prague ne soit restitué à l’Eglise, alors que celle-ci exige que certains d’entre eux lui soient rendus. Interrogé mardi par la Radio tchèque, le cardinal Dominik Duka a fait preuve d’une virulence dans ses propos que les Tchèques ne lui connaissent guère au moment de réagir, en faisant référence notamment au premier président de la Tchécoslovaquie communiste entre 1948 et 1953 :

Dominik Duka,  photo: CTK
« Nous savons que le but de cette proposition est de permettre de confirmer la décision du camarade Klement Gottwald. Depuis deux ans, je mets en garde contre le fait que dans ce pays, certaines personnes veulent nous priver de toutes nos libertés et de la démocratie que nous avons obtenues de longue lutte. Si notre société adopte cette mesure, je saurai que nous ne vivons pas dans un Etat démocratique. »

La loi actuellement en vigueur prévoit de restituer à seize Eglises du pays 56 % des biens qui leur ont été spoliés pour une valeur de 75 milliards de couronnes (3 milliards d’euros) entre 1948 et 1989 sous le régime communiste. L’Etat s’est également engagé à leur verser progressivement, sur une période de trente ans, une compensation de 59 milliards de couronnes (2,35 milliards d’euros) pour les biens ne pouvant être restitués. Dans un pays où l’anticléricalisme est souvent de mise, entre autres en raison de ces restitutions controversées, ces chiffres, faramineux à l’échelle locale, en outrent beaucoup. Toutefois, après avoir rencontré personnellement Dominik Duka pour discuter de la chose lundi, le Premier ministre du gouvernement intérimaire Jiří Rusnok a affirmé qu’il n’entendait rien modifier à la législation en vigueur :

Jiří Rusnok,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Je n’ai appris l’existence de cette proposition du ministère de l’Intérieur qu’après son dépôt au gouvernement. Mais je peux vous assurer que je n’ai nullement l’intention de modifier quoi que ce soit à la loi en vigueur sur les restitutions. Si cette loi pose problème à quelqu’un, il fallait résoudre ce problème en temps voulu. Il y aura suffisamment de temps pour cela également après les élections législatives lorsqu’une nouvelle Chambre des députés sera constituée. Tout ce que je sais, c’est que la proposition qui a été faite émane d’une demande du Bureau du président de la République. »

Lors de leur rencontre, le Premier ministre et l’archevêque de Prague se sont donc entendus sur un certain nombre de points concernant la gestion du patrimoine du Château de Prague. Ainsi, les bâtiments dont se sert actuellement l’Eglise resteront sa propriété, tandis que ceux considérés comme stratégiques pour la sécurité et le bon fonctionnement de l’Etat demeureront entre les mains de celui-ci. Comme quoi, quand il le faut et quand il en va de l’intérêt de chaque partie, Eglise et Etat tchèques sont malgré tout capables de s’entendre. Du moins en attendant le prochain gouvernement…