Renseignement : grand banditisme, lobbys et groupes de pression passés au crible

Jeudi, le Service de renseignement tchèque (BIS) a mis en ligne, sur son site internet, son rapport annuel. Une véritable mine d’informations sur certains secteurs de la société tchèque où les agents du contre-espionnage exercent leurs activités : les groupes d’intérêt et les lobbys, le grand banditisme, les organisations considérées comme extrémistes, etc. Le rapport dessine ainsi le portrait d’un univers informel parallèle qui dispose d’une certaine capacité à influencer les décisions des administrations et du système judiciaire.

Les 24 pages du rapport annuel Service de renseignement tchèque permettent d’appréhender certains maux dont souffre la République tchèque et certaines menaces auxquelles elle croit être exposée. Parmi ces dernières, la menace terroriste a fait la une la semaine dernière avec l’arrestation d’un homme qui s’apprêtait à commettre un attentat dans la même veine que celui du Norvégien Anders Breivik. Les milieux religieux radicaux (notamment catholiques et musulmans) sont ainsi surveillés de près, ainsi que les organisations politiques nationalistes, racistes ou fascisantes qui ont, d’après le rapport, connu un certain regain d’activité ces dernières années en « profitant » de certains faits divers impliquant des roms. A l’inverse, les groupes politiques inspirés par des idéologies de gauche, « extrémistes » selon le BIS, ont été peu actifs. Les rédacteurs du rapport notent que malgré la misère sociale grandissante, ils n’ont pas réussi à attirer de nouveaux sympathisants.

Autre point du rapport : le grand banditisme. Qu’il soit le fait d’organisations vietnamiennes, balkaniques ou originaires de l’ex-espace soviétique, il disposerait d’une réelle capacité à influencer les décisions prises aussi bien au niveau des administrations, du système judiciaire ou des autorités locales. Les groupes de pression et les lobbys sont également actifs et bien organisés en République tchèque. Jan Šubert, le porte-parole du BIS, nous en dresse le portrait :

Jan Šubert
« Il s’agit d’entrepreneurs, d’investisseurs, de conseillers, anciens ou en activité, et parfois même d’employés municipaux qui créent et forment ces groupes d’intérêt. Typiquement, des ventes, des locations, ou des privatisations profitent à des entreprises ou à des particuliers qui sont liés à ces associations. »

Des groupes de pression ont pu influencer les commandes de certaines entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par l’Etat, telles que ČSA/Czech Airlines (qui appartient au groupe Český aeroholding), les Chemins de fer tchèques ou encore la Poste tchèque. Mais les rédacteurs du rapport insistent sur le fait que l’influence de certains groupes de pression, le clientélisme et la corruption sont des réalités à toutes les échelles de pouvoir, dans les régions et les municipalités. Le gouvernement a réagi à ce rapport qui n’est pas assez précis selon Miroslav Kalousek, le ministre des Finances :

Miroslav Kalousek
« Je vais devoir demander aux rédacteurs de ces notes quelques précisions, par exemple à propos du cas Aeroholding. Avec Monsieur le Premier ministre, nous nous sommes voués à constituer des équipes de conseillers avec beaucoup de soin et pour beaucoup d’entre eux, j’imagine difficilement qu’ils puissent avoir été influencés par quelque groupe de pression que ce soit. Néanmoins, ces informations se doivent d’être plus précises car il s’agit surtout de phrases plus ou moins vagues qui racontent que quelque part quelqu’un a influencé quelqu’un d’autre. »

La vice-Premier ministre Karolína Peake a pour sa part souligné que le rapport du Service de renseignement devait être une source d’inspiration pour la politique du gouvernement en matière de lutte contre la corruption. Certains considèrent tout de même que Petr Nečas et son équipe ont réservé un accueil plutôt froid à ce rapport et qu’ils devraient le prendre un peu plus au sérieux. C’est le cas du député social-démocrate et ancien ministre de l’Intérieur, František Bublan, qui s’est tout de même félicité de l’amélioration depuis quelques années de ces rapports d’activité :

« Ces informations particulières, le gouvernement les a reçues au cours de l’année, depuis 2011. Donc, cela ne devrait pas être quelque chose de nouveau. Surtout il ne devrait pas s’agir de simplement améliorer la loi. Le gouvernement devrait intervenir directement notamment auprès des grandes entreprises d’Etat, où il y a des dysfonctionnements dans la nomination des cadres, dans l’attribution de marché, dans le choix des clients, de même que la pression des lobbys et groupes d’intérêt. Donc, je pense que le gouvernement devrait agir maintenant. »

Par ailleurs, ce sont les secteurs économiques et énergétiques qui ont été l’objet de l’attention des services de renseignement étrangers. La Russie serait la plus active en République tchèque, intéressée notamment par l’achèvement de la centrale nucléaire de Temelín en Bohême de Sud puisqu’un consortium tchéco-russe est l’un des trois candidats en lice pour remporter l’appel d’offres.