Radoslav Brzobohatý, comédien jusqu’au dernier souffle

Radoslav Brzobohatý

Mercredi 12 septembre, à la veille de son 80e anniversaire, est mort Radoslav Brzobohatý, un des acteurs tchèques les plus importants et les plus populaires de sa génération. Cette disparition subite et inattendue a provoqué une grande émotion dans les milieux du théâtre et du cinéma tchèques et a attristé plusieurs générations de spectateurs habitués à voir souvent ce comédien, malgré son âge, au théâtre, sur le petit écran et au cinéma.

Radoslav Brzobohatý
Son visage aux traits comme taillés à la hache manquera beaucoup au théâtre et au cinéma tchèques. Radoslav Brzobohatý était une incarnation de la virilité et les metteurs en scène lui confiaient souvent des rôles d’hommes de caractère qui se retrouvent dans des situations extrêmes. Le journaliste Jaroslav Sedláček refuse cependant de le considérer comme un comédien doué pour une seule catégorie de rôles :

« Oui, il avait le physique d’un mec dur et il savait jouer ce type de personnage devant la caméra. Il a excellé donc dans le rôle de Martin Eden, héros du roman de Jack London, mais il a incarné aussi le patriote tchèque František Ladislav Věk, intellectuel fragile et héros d’une saga historique portée au petit écran. Ce sont des rôles complètement différents. Il n’a donc pas été l’acteur d’un seul type de personnages. La gamme de ses possibilités était vraiment large. »

'F. L. Věk'
Le père et le grand père du comédien étaient marins mais Radoslav a brisé la tradition familiale. C’est l’amour des livres qui ouvre de nouveaux horizons à cet adolescent qui apprend le métier de mécanicien des machines textiles mais qui tombe amoureux du théâtre. Après les études à la faculté de théâtre à Prague, il joue dans plusieurs villes de province avant de s’imposer dans la capitale. Il passera 33 ans dans la troupe du Théâtre de Vinohrady, un des ensembles les plus prestigieux du pays, et y incarnera une quarantaine de rôles. C’est avec les collègues de cette scène qu’il créée aussi un petit orchestre. Il s’en souviendra par ces paroles :

« Nous avons eu un petit ensemble au théâtre de Vinohrady. Bien que ce soit un orchestre de jazz où je jouais de la contrebasse, parfois les copains apportaient des violons et on se mettait à jouer des chansons moraves et slovaques. C’étaient des soirées fantastiques qui ne se terminaient souvent qu’au petit matin. »

'Chronique morave'
Dès la fin des années 1950 Radoslav Brzobohatý est également sollicité par le cinéma et la télévision. Son physique le prédestine pour les rôles de militaires, de prolétaires et d’inspecteurs de police mais son répertoire s’élargit et lui apporte bientôt quelques uns des plus grands succès de sa carrière. Sa filmographie comptera finalement quelque 190 films et téléfilms. Lui même considère comme le sommet de sa carrière cinématographique trois oeuvres qui illustrent trois facettes de son talent. La série de ces trois meilleures prestations commence déjà en 1964 lorsque le réalisateur Jiří Sequens lui confie un des rôles principaux dans la reconstitution cinématographique de l’attentat contre le Reichsprotector de Bohême-Moravie, Reinhard Heydrich.
'L’Oreille'
En 1968, Radoslav Brzobohatý incarne le rôle d’un fermier qui ose s’opposer à la collectivisation de l’agriculture tchèque par les communistes dans « Chronique morave », chef d’oeuvre du réalisateur Vojtěch Jasný. Et finalement en 1969 il campe dans le film de Karel Kachyňa intitulé L’Oreille, le rôle d’un vice-ministre pris dans l’engrenage de la STB, police politique du régime communiste. Ce film interdit par la censure lui attire la disgrâce des autorités communistes et compliquera sévèrement sa carrière professionnelle.

Radoslav Brzobohatý,  photo: CTK
Radoslav Brzobohatý ne se laissera cependant pas chasser de la scène et de l’écran et ne renoncera pas à sa vocation d’acteur jusqu’à la fin de ses jours. Encore en 2004, quatre ans après son départ du Théâtre de Vinohrady, il refuse de partir à la retraite et créé un théâtre qui porte son nom et où il continuera à jouer malgré l’âge et la maladie. La mort le surprendra en plein travail. Pareil à Molière, il sera resté fidèle au théâtre jusqu’au dernier souffle.