Présidentielle 2013 : Vladimír Franz, un artiste tatoué qui rêve du retour des idéaux

Vladimír Franz, photo: Filip Jandourek, ČRo

En République tchèque, un tatoué à l’assaut du Château – titrait, en novembre dernier, le journal Le Monde. L’avatar du renouveau politique tchèque... Un artiste entièrement tatoué brigue la présidence… C’est en ces termes que les médias francophones parlent de Vladimír Franz, 53 ans, le plus « visible », de part son physique, des neuf candidats à l’élection présidentielle, dont le premier tour devrait avoir lieu les 11 et 12 janvier prochains. Professeur de musique, compositeur et plasticien, Vladimír Franz, qui a effectivement l’air d’un Maori, est fortement plébiscité par les jeunes : d’ailleurs, ils l’ont d’ores et déjà élu, avec plus de 40% des voix, président de la République, dans une élection test organisée auprès de 61 000 élèves de l’enseignement secondaire.

Vladimír Franz,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Ceci est un extrait du ballet pour enfants « Zlatovláska », joué au Théâtre national, un ballet sur une musique de Vladimír Franz. Ce juriste de profession est né en 1959 à Prague. Parallèlement au droit qu’il n’a finalement jamais exercé, Vladimír Franz a étudié la peinture, l’histoire de l’art, la composition et la musicologie. Sous le communisme, il a gagné sa vie d’abord comme ouvrier, ensuite comme enseignant travaillant auprès des jeunes en difficultés et, finalement, comme auteur de musique de scène pour plusieurs théâtres tchèques. A ce jour, Vladimír Franz a composé la musique pour 120 spectacles, des opéras et autres œuvres musicales, qui lui ont valu toute une série de récompenses.

Artiste non conformiste, relativement peu connu du grand public avant sa campagne présidentielle, et professeur à l’Académie des arts dramatiques de Prague, Vladimír Franz est une personnalité respectée dans le milieu artistique et très prisée des jeunes : ce sont justement des artistes et des étudiants qui ont créé sur Facebook son groupe de soutien puis une initiative intitulée « Vladimír Franz président ».

Ce qui a au début semblé être une blague, comme une manière d’exprimer, avec humour, une certaine lassitude de la politique tchèque, s’est transformé en une véritable campagne présidentielle qui trouve de plus un écho chez les électeurs et fascine les médias internationaux : Vladimír Franz a rassemblé 88 400 signatures de citoyens soutenant sa candidature présidentielle, alors que seules 50 000 signatures lui auraient assuré la participation au scrutin. En décembre dernier, il arrivait à la 4ème place du sondage de l’agence PPM Factum, avec 9,8% d’intentions de vote, devançant ainsi le chef de la diplomatie tchèque Karel Schwarzenberg ou le vice-président du Sénat Přemysl Sobotka.

Vladimír Franz, lui, prend sa candidature au sérieux. On l’écoute :

« Je voudrais, en tant que président de la République, rendre l’Etat aux citoyens. En tant que président élu par ces derniers, indépendant des partis politiques et des groupes d’intérêt, je voudrais devenir le véritable représentant des habitants de ce pays dans le milieu de la haute politique. En même temps, je souhaiterais lancer un appel à toute la société : nous avons tous l’impression de vivre une crise. Mais cette crise, elle est surtout d’ordre moral. Il faut réveiller notre société. »

« Il y a quelque chose de palpable dans la société, dont je m’aperçois en discutant avec les gens. C’est l’absence d’idéaux », a dit Vladimír Franz dans une autre interview. Redonner un nouveau visage à la politique tchèque – voilà, au sens propre comme au figuré, le mot d’ordre de sa campagne, une campagne qui a enthousiasmé les médias francophones puisqu’elle s’intitule « Air Franz ». Tel est aussi le souhait de ses sympathisants qui voudraient voir sur la scène politique davantage de personnalités intéressantes, cultivées, impartiales dans la mesure du possible et n’ayant jamais collaboré avec le régime communiste.

Pour beaucoup, seule la candidature présidentielle de Vladimír Franz, qui est parvenu à se faire tatouer, depuis ses 18 ans, de la tête aux pieds, apparaît comme un test de tolérance de la population tchèque, laquelle est souvent jugée xénophobe. Pour Vladimír Franz, son physique facilement reconnaissable exprime son libre arbitre, sa volonté d’être inflexible sur ses opinions et d’avoir un comportement exemplaire. C’est peut-être ce qu’un Tchèque moyen attendrait de son président… si seulement il n’était pas tatoué.