Ouverture de la conférence Forum 2000 - Les ponts à travers les abîmes globaux

Dagmar Havlova et Vaclav Havel (Photo: CTK)

La conférence Forum 2000 - Les ponts à travers les abîmes globaux - a commencé, jeudi dans la matinée, à la Maison municipale de Prague. Vaclav Havel qui, il y a 7 ans se trouvait à sa naissance, a rappelé dans son discours d'ouverture que Forum 2000 est une rencontre de politiciens, financiers, philosophes, écologistes, ecclésiastiques qui discutent de l'état actuel de ce monde, des dangers qui planent sur la civilisation actuelle et de ce qu'il faut faire pour surmonter les abîmes existant dans le monde globalisé.

Dagmar Havlova et Vaclav Havel  (Photo: CTK)
Ces deux dernières années, Forum 2000 organise plusieurs rencontres par an, toujours sur un thème différent. La rencontre, qui se tient du 15 au 17 octobre, a pour thème un problème grave de la mondialisation: l'abîme croissant entre les riches et les pauvres. Ecoutons des extraits de l'intervention de Mamadou Cissokho, président d'honneur du Conseil national de concertation et de coopération rurale du Sénégal:

"Le 16 octobre est la journée mondiale contre la faim et pour l'alimentation. La FAO dénonce 800 millions d'affamés. Ce qui est grave, c'est que parmi ces 800 millions, il y a 600 millions de petits paysans qui ont décidé de vivre de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche. Pourquoi n'arrivent-ils à se nourrir? Parce que des mécanismes politiques, économiques et commerciaux les en empêchent. L'affectation des budgets nationaux à l'agriculture est choquante: dans certains pays, c'est 3%, dans d'autres 5%. 98% des budgets publics pour le développement agricole sont des crédits. Nous avons raté, lors des indépendances de 1980 un tournant important: 70 - 80% de la population de la majorité de l'Afrique sont dans des activités agro-pastorales. Or les revenus des produits d'exportation ne reviennent pas à ces milieux ruraux, ils sont détournés pour faire l'industrialisation et l'urbanisation.

Aujourd'hui, l'Afrique rurale est en train de mourir. Le développement agricole est complètement malade. Nos relations avec le reste du monde sont des relations qui ne sont pas claires. Nous comprendrons difficilement qu'on nous amène à des négociations commerciales où on ne parle pas des droits de l'homme et des citoyens. Ce que nous, les paysans, avons constaté, c'est une détérioration des prix de nos matières premières: café, cacao, poisson, cacahuètes, banane. Depuis 30 ans, les prix sont détériorés, les prix ne sont pas fixés en Afrique.

Vaclav Havel  (Photo: CTK)
On nous a demandé d'ouvrir le marché. Mais il nous est difficile d'envoyer nos produits sur les autres marchés. Quand l'Europe a élaboré sa politique "Tout sauf les armes", dans la même semaine, elle a augmenté de 40% les barrières phytosanitaires. C'est une injustice économique. Autre problème - les négociations politiques avec les Etats-Unis sont basées sur le fait que nous devrions importer les produits des Etats-Unis, les transformer chez nous pour pouvoir bénéficier des avantages. Avec le coût des produits américains, comment les industries africaines peuvent aller les acheter, transformer et aller les vendre aux Etats-Unis en se faisant des bénéfices.

Nous voulons que nos pays s'engagent pour créer rapidement des espaces régionaux d'intégration. L'Europe s'est bâtie en mettant des taxes et en créant une solidarité interne, la force des USA, c'est 50 Etats dans une fédération. On ne peut pas espérer qu'un pays comme le Sénégal, le Bourkina-Fasso ou même l'Afrique du sud, seule, puisse aller dans la négociation et gagner la place qui lui revient."