Oto Mádr, artisan du renouveau de la vie spirituelle tchèque

Oto Mádr

Parmi les personnalités importantes de la vie publique tchèque disparues au cours du mois de février figure également le théologien Oto Mádr, un homme dont le courage et l’énergie ont marqué la vie religieuse et spirituelle du pays ces cinquante dernières années. Oto Mádr s’est éteint dimanche à l’âge de 94 ans, laissant derrière lui une œuvre riche et multiforme qu’il n’est pas facile de cerner.

Oto Mádr
La longue vie d’Oto Mádr est une suite d’actes de courage. Né à Prague en 1917, il fait ses études à la Faculté de théologie de l’Université Charles de Prague. Il est ordonné prêtre en 1942. Après la guerre il travaille dans l’administration religieuse, publie ses premiers écrits et s’engage dans le scoutisme. Entre 1948 et 1949, il étudie la théologie morale à l’Université pontificale grégorienne de Rome avant de revenir en Tchécoslovaquie malgré le danger qui le guette. Sa foi profonde et ses activités n’échappent pas aux autorités du régime stalinien. Arrêté en 1951, accusé de haute trahison et d’espionnage, Oto Mádr échappe de justesse à la peine de mort mais est condamné à perpétuité. Il passera quatorze ans dans les prisons communistes et n’en sortira qu’en 1964 pour travailler comme aide-soignant, puis comme gérant d’un dépôt de musée. Le théologien Tomáš Halík évoque les activités d’Oto Mádr en 1968, année de la libéralisation qui restera dans l’histoire comme le Printemps de Prague :

« En 1968, il était pratiquement seul à être tout à fait préparé. Tout le monde se disait qu’il y aurait peut-être un changement mais personne ne le prenait vraiment au sérieux. Oto Mádr, lui, s’est tout de suite lancé dans les activités d’édition, s’est mis à organiser des conférences. Il est devenu une espèce d’éminence grise des évêques. »

Son courage et son énergie ne quittent pas Oto Mádr, même après l’occupation de la Tchécoslovaquie par l’armée soviétique et pendant la triste période de « normalisation ». Tomáš Halík a été le témoin de ses activités :

« La grande période de sa vie a commencé dans les années 1980. Il organisait en Tchécoslovaquie des séminaires secrets et y invitait d’excellents théologiens du monde entier. Ils venaient en catimini, se faisaient passer pour des touristes et nous donnaient des conférences secrètes dans des appartements. C’était très important pour nous, qui étions menacés d’isolement spirituel. »

Avant la chute du communisme en 1989, Oto Mádr publie des écrits catholiques en samizdat. Après le retour de la démocratie, ses activités de publication prennent une ampleur considérable. Editeur d’une série de livres, il est aussi rédacteur en chef de la revue « Les Textes théologiques », il organise la formation des prêtres et assume des fonctions dans plusieurs associations et organismes religieux. En 1991, il est nommé docteur honoris causa de la Faculté de théologie catholique de Bonn et, en 1977, il est décoré de l’Ordre Tomáš Garrigue Masaryk. Pour la postérité il restera l’homme qui ne s’est pas laissé dompter et l’artisan du renouveau spirituel de la société tchèque.