Nomination de Martin C. Putna : Miloš Zeman cède

Martin C. Putna, photo: CTK

Le président de la République tchèque Miloš Zeman s’est finalement résigné à apposer sa signature sur l’acte de nomination de Martin C. Putna au poste de professeur de l’université Charles de Prague. Cette affaire, qui fait scandale dans le pays depuis près d’une semaine, était en effet loin d’être à l’avantage du président. Une reddition qui soulève encore certaines questions sur les prérogatives du chef de l’Etat.

Petr Fiala et Miloš Zeman,  photo: CTK
Il y a une semaine, Miloš Zeman montrait encore sa volonté de se servir de tous ses pouvoirs de président, quitte à faire d’une banale signature une affaire d’Etat. Il s’était attiré les foudres du monde académique et de nombreuses personnalités tchèques en refusant, pour des raisons peu claires, de ratifier la promotion de Martin C. Putna au poste de professeur d’université. Finalement, mercredi 22 mai, Miloš Zeman a annoncé à l’issue de sa rencontre avec le ministre de l’Education Petr Fiala, qu’il ne s’opposerait plus à cette affectation. Selon lui, il faut respecter le droit du président de refuser une nomination, ou bien changer la loi.

« Je ne suis pas une machine à signatures. En tant que premier président élu [au suffrage universel direct], je dois apposer ma signature sur tellement de documents sérieux que je ne signerai jamais automatiquement tout ce que l’on me met sur la table. Si vous voulez que le président nomme les professeurs d’université, vous devez respecter l’exigence du président de pouvoir, bien sûr avec des arguments, refuser une nomination. Si vous ne le voulez pas, changeons la loi. Et c’est ce que j’ai conseillé à monsieur le Ministre. »

Ce sont justement les arguments qui ont manqué à Miloš Zeman dans cette affaire. Il avait en effet expliqué sa prise de position par la manifestation trop explicite du soutien de Martin C. Putna au mouvement LGBT lors de la Gay Pride de Prague en 2012. Pas convaincus pour un sou, de nombreuses personnalités tchèques, le monde universitaire et les étudiants s’étaient mobilisés pour protester contre cet abus de pouvoir de la part du président. Pour le principal intéressé, cette reddition du président en sa faveur ne signifie pas la fin de la lutte :

Martin C. Putna,  photo: CTK
« Ce n’est pas bien sûr pas la fin du combat pour la liberté, pour le droit dans notre pays et pour la liberté et l’autonomie des universités. Ce n’est pas non plus la fin pour la manipulation, la charge et la mise en danger d’un citoyen pour ses activités privées. Cela se reproduira. Ce qui ne s’est pas produit dans mon cas ne doit pas se produire, dans aucun cas, dans notre pays. Ma chance, ou ma malchance, a été que je sois connu des médias. Si le cas se présente où quelqu’un qui n’est pas autant médiatisé se trouve dans une situation semblable ou pire, je jure que je ne resterai pas en retrait. »

La tournure qu’a pris cette affaire a quelque chose d’étonnant. En effet, en droit, l’action de contresigner a une valeur de forme et non pas de fond. Cela signifie que le contre-signateur endosse la responsabilité de l’application de la mesure. Miloš Zeman contresignant le document officiel nommant Martin C. Putna au poste de professeur ne signifie donc pas qu’il souhaite personnellement cette nomination mais qu’il s’engage, en tant que président, à la voir mise en œuvre. Finalement il ne la verra même pas vraiment, puisque Miloš Zeman a délégué au ministre de l’Education Petr Fiala le soin de remettre à Martin C. Putna le document attestant de son affectation. Une résolution qui laisse un goût amer à la député TOP 09 Anna Putnová :

Anna Putnová,  photo: le site oficiel de TOP 09
« C’est le début d’une défaite pour la position que le président a prise au début de cette affaire. Finalement il accepte de nominer Martin C. Putna mais il ne lui remet pas cette nomination en mains propres. Cela ne me semble pas être une fin respectable pour cette situation. »

Peut-être pas une fin respectable, mais une fin tout de même. Il aura fallu un énorme battage médiatique et des prises de position très claires de la part des mondes universitaire, estudiantin, civil et politique pour faire reculer le président. Dommage que la question de la nomination des ambassadeurs ne déclenche pas de telles passions : la guerre que se mènent Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg dure, elle, depuis le mois de mars sans faiblir.