Mikhaïl Gorbatchev, grand réformateur ou politicien naïf ?

Mikhaïl Gorbatchev, photo: Commission européenne

Le 80e anniversaire, mardi, de Mikhaïl Gorbatchev a relancé dans la presse tchèque la polémique sur le rôle qu’a joué l’homme d’Etat soviétique dans les événements qui ont changé vers la fin du XXe siècle la carte politique de l’Europe et ont abouti à la chute des régimes communistes en Europe centrale et orientale.

Mikhaïl Gorbatchev,  photo: Commission européenne
Gorbatchev, homme politique admiré dans les pays occidentaux et haï par une partie de la population russe, reste encore aujourd’hui un personnage assez énigmatique. Est-ce vraiment ce grand réformateur qui a mérité son prix Nobel de la paix en 1990 ou plutôt un homme politique qui, une fois au sommet de la hiérarchie soviétique, s’est mis à réaliser un peu naïvement sa vision de la réforme du socialisme et a déclenché un processus qui allait complètement échapper à son contrôle ? La polémique à ce sujet continue et elle est loin d’être finie. D’après l’historien Miroslav Vaněk, de l’Académie tchèque des sciences, le leader soviétique n’avait pas prévu les conséquences des réformes entrées dans l’histoire sous les noms de perestroïka et de glasnost, c’est-à-dire restructuration économique et liberté d’expression :

Miroslav Vaněk
« A mon avis, Gorbatchev, lui-même, ne se doutait pas de la nature des changements qu’il avait déclenchés. Il ne savait pas quelle serait l’évolution des événements. Même ses déclarations publiques ont changé avec le temps. Il y a une grande différence entre ses déclarations de 1987 et celles de 1989. Je pense que la période de quatre ans et demi (en Union soviétique la perestroïka a continué jusqu’en 1991) a été très courte et beaucoup de choses sont arrivées. »

Les historiens tchèques s’interrogerent aujourd’hui encore aussi sur le rôle du Printemps de Prague dans les conceptions politiques de Mikhaïl Gorbatchev. Ils se demandent dans quelle mesure les idées de ce mouvement de libération en Tchécoslovaquie écrasé en 1968 par les chars soviétiques ont influencé le concept de la perestroïka. L’historien Karel Svoboda, de l’Université Charles, est convaincu que le chef du parti communiste soviétique a été influencé par le socialisme à visage humain, idée maîtresse des artisans du Printemps de Prague :

Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan,  1987
« A une certaine époque, Gorbatchev avait vraiment une vision, disons, du socialisme à visage humain. Il pensait que cela pourrait être une voie pour faire progresser le socialisme, pour le faire redémarrer, assurer son fonctionnement dans l’avenir et accélérer le développement de la politique économique. C’était sans doute son idée. »

Michal Pullmann, de l’Institut d’histoire économique, évoque cependant une certaine ambiguïté dans l’attitude adoptée par Mikhaïl Gorbatchev vis-à-vis des dirigeants communistes tchèques à la fin des années 1980 :

« Ce qui est paradoxal, c’est que Gorbatchev a manifesté son soutien à la direction du parti communiste tchécoslovaque dans toutes ses interviews et dans toutes les négociations qu’il a menées jusqu’à la fin du régime tout en étant conscient de la parenté entre la perestroïka et le Printemps de Prague. Depuis le début, il y avait sur la table une demande des communistes italiens qui revendiquaient énergiquement la réhabilitation de Dubček, du Printemps de Prague, etc. »

Quoi qu’il en soit, il est difficile de nier que Mikhaïl Gorbatchev a joué un rôle capital dans les événements ayant abouti aux chutes des régimes communistes et à la désagrégation de l’Union soviétique. Voulus ou non, le conséquences des réformes qu’il a initiées ont fondamentalement changé la vie de nous tous.