Métro pragois : plongée dans les entrailles de la ville

Métro pragois

Quatre mois après les inondations qui ont dévasté Prague, le fonctionnement des transports en commun reste chaotique. Ainsi, malgré la volonté et le besoin pressant de remettre en service l'ensemble du métro, de nombreuses stations sont toujours fermées au public. Pourtant, des milliers d'ouvriers s'emploient, pratiquement jour et nuit, au nettoyage puis aux réparations. Guillaume Narguet a rencontré l'un d'entre eux.

Métro pragois,  la station Florenc,  août 2002
Jaroslav Stasek est électricien. Depuis les inondations du mois d'août, il fait chaque semaine les 300 kilomètres qui séparent sa ville natale, Zlin, en Moravie du sud, de Prague. Les inondations, Jaroslav connaît. En 1997, les pluies diluviennes et la montée de la rivière Morava avaient également ravagé sa région. Alors qu'il avoue ne jamais avoir voyagé de sa vie en métro à Prague, son fonctionnement ne comporte pourtant aujourd'hui plus aucun secret pour lui. Mardi soir, 17 décembre, dans sa petite chambre provisoire, située dans une petite rue sombre des faubourgs de la capitale, il a d'abord versé deux verres de slivovice, l'eau de prunes de sa Moravie, et fait un festin de ses andouillettes maison. Ce n'est qu'ensuite qu'il a expliqué en quoi consistaient les travaux de réparation du métro :

« Le premier travail dans le métro consiste avant toute autre chose à évacuer les centaines de tonnes de déchêts que constituent les câbles et tout l'équipement du dispositif électrique, notamment les faisceaux. Ensuite, il faut refaire l'installation et passer les câbles dans les tunnels, les postes de distribution et les transformateurs. Tout cela avant de s'occuper de l'éclairage des quais et de la sécurité sur les voies et du trafic. Mais l'essentiel, notre priorité, est de faire en sorte que le métro fonctionnne de nouveau le plus tôt possible ».

Mais sa situation et les conditions de travail ne réjouissent guère Jaroslav. Sa voix trahit alors une colère difficilement contenue :

« Nous avons commencé à venir à Prague vers la fin septembre, dans quelques jours, ce sera Noël et ce n'est pas encore fini. Nous avons d'abord travaillé à la station Florenc, avant de poursuivre à Muzeum, Vltavska, et maintenant nous sommes à Ceskomoravska. Il est difficile de décrire une journée-type de travail, car nous dépendons d'un certain nombre d'autres personnes qui s'occupent, par exemple, du transport du matériel. Cela dépend aussi du fait si nous travaillons le jour ou la nuit, des délais à respecter, ce qui veut dire qu'il peut nous arriver de travailler 12 heures, voire 17 heures. Dans ce cas, nous sommes sur le chantier la journée, puis de nouveau la nuit. Il est donc impossible de planifier sa journée comme quelqu'un qui fait ses huit heures quotidiennes. La situation est simple : en Moravie, il n'y a pas de travail à la différence de Prague, et nous venons surtout pour l'argent. Je tiens à faire atttention à ce que je dis, mais ici, c'est vraiment le bas de l'échelle sociale qui est employé, c'est à dire les étrangers et les SDF. Ils nettoient la saleté et encore la saleté. Je pense que les Pragois n'accepteraient jamais un tel travail, ils en ont de bien meilleurs ».