Mariage pour tous : « Le problème, c’est l’homophobie, pas les familles formées par deux pères ou deux mères »

Photo: monteiroleo Pixabay / CC0

La proposition, intervenue en réaction au dépôt de celle pour la légalisation du mariage des personnes de même sexe, d’un groupe de députés d’opposition d’inscrire dans la Charte des Droits fondamentaux une mention pour ‘protéger’ le mariage hétérosexuel a été rejetée par le Gouvernement la semaine dernière. Le champ est donc libre pour les partisans du mariage homosexuel, qui peuvent préparer plus sereinement le débat à venir sur le sujet. Radio Prague a rencontré Adéla Horáková, avocate et membre de la campagne en faveur du mariage pour tous, pour en discuter.

Adéla Horáková,  photo: Archive de Adéla Horáková
« La campagne pour le mariage pour tous, en tchèque ‘Jsme Fér’, qui veut dire ‘Nous sommes justes’ a été lancée il y a un an, mais le projet existe depuis longtemps. Le but est clair : nous voulons ouvrir le mariage aux couples de personnes lesbiennes, gays et bisexuelles. Nous parlons donc avec le public, nous menons beaucoup de débats et nous voyageons beaucoup, mais nous parlons aussi avec les politiciens. C’est là que je me spécialise dans la campagne, c’est mon travail. »

Qui sont les opposants au mariage pour tous ?

« Les opposants se sont exprimés dans la proposition de loi qui a été déposée trois jours après la nôtre. Il y a principalement des députés chrétiens démocrates, de membres de l’ODS donc des conservateurs, et aussi quelques députés du parti ANO. J’ai entendu que dans certaines églises, des prêtres demandent aux gens de signer une pétition contre le mariage pour tous. Ce qui me fait le plus mal, c’est quand je vois le texte qui est distribué avec la pétition. Il dit que notre campagne tente de faire rentrer le mariage pour tous dans la Constitution, mais ce n’est pas vrai. »

D’un point de vue purement juridique, comment se déroulerait le passage au mariage pour tous ?

« Il faut adapter une loi qui change le Code Civil. Trois mots doivent changer : il faut passer de ‘le mariage est une union entre un homme et une femme’ à ‘le mariage est une union entre deux personnes’. Il y a aussi d’autres lois liées à cela qui doivent changer. En ce moment, seuls des couples mariés peuvent adopter conjointement ou adopter l’enfant de leur conjoint. Si on ouvre le mariage à tous, les droits parentaux seront aussi disponibles pour les homosexuels. C’est automatique. En revanche la PMA (procréation médicalement assistée, ndlr), qui est en débat en ce moment en France, ne fait pas du tout partie de cette proposition. »

Une décision de justice a déjà été prise pour qu’un père puisse adopter l’enfant de son mari en 2017. Y a-t-il eu une jurisprudence, ou est-ce finalement seulement un cas isolé ?

« Il y a eu deux arrêts de Cour Constitutionnelle. Le premier disait que dans un couple sous le régime du partenariat enregistré (l’équivalent du Pacs en France, ndlr), l’un des partenaires pouvait décider d’adopter un enfant. L’année dernière, en 2017, la Cour s’est prononcée sur une question un peu différente que sont les droits parentaux obtenus à l’étranger. Si un garçon vit en Californie avec ses deux pères depuis qu’il est né, la Cour a dit qu’il pouvait continuer à être considéré comme ayant deux pères en Tchéquie. »

L’une des questions récurrentes dans les débats autour du mariage pour tous et de l’adoption pour tous est aussi de savoir si des couples homosexuels sont capables d’élever des d’enfants…

Photo: ČT24
« La majorité des scientifiques dans le monde disent que oui, qu’il n’y a aucun effet négatif sur les enfants qui sont élevés par deux femmes ou deux hommes. Mais il y a quand même des gens qui ne veulent pas écouter les arguments scientifiques. On a fait une étude en Tchéquie sur quatorze enfants et on a trouvé qu’ils ne sont même pas particulièrement victimes de discrimination à cause de ça. Les enfants ne mettent pas d’autres enfants à l’écart à cause de leurs parents. Même si c’était le cas, le problème est l’homophobie, pas les familles formées par deux pères ou deux mères. »

Aujourd’hui, beaucoup de pays européens ont autorisé le mariage homosexuel. Pourquoi la République tchèque ne se prononce sur le sujet que maintenant ?

« Je ne sais pas, je pense que c’est lié à l’histoire du bloc de l’Europe de l’Est et de l’Europe centrale. Nous avons une histoire différente de celle de l’Europe de l’Ouest. On a une véritable chance de devenir le premier pays du bloc post-communiste à autoriser le mariage entre deux personnes de même sexe. Personnellement, j’espère que ça ouvrira le débat dans les autres pays. On espère donc démolir ce rideau de fer avec un marteau arc-en-ciel. »