Macron en Europe centrale : quels enjeux ?

Emmanuel Macron avec sa femme, photo: ČTK

Pour sa rentrée, le président français Emmanuel Macron se rendra en Autriche ce mercredi. Au programme, une rencontre avec différents dirigeants centre-européens, dont le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka. La directive européenne sur les travailleurs détachés sera au cœur de ces échanges.

Emmanuel Macron avec sa femme,  photo: ČTK
Avec cette visite, ce sont plusieurs promesses de campagne que le président français va tenter de tenir. A court terme, il veut obtenir une révision de la réglementation communautaire sur les travailleurs détachés, qui rend possible la rémunération d’un travailleur aux conditions de son pays d’origine, tout en étant employé dans un autre Etat de l’Union européenne. Alors que plusieurs de ses opposants défendaient sa suppression totale, Emmanuel Macron a promis de faire évoluer cette directive mise en place en 1996 et très décriée en France pour la concurrence déloyale qu’elle permet. A plus long terme, le président français veut apparaître comme celui qui aura relancé la construction européenne, s’étant engagé à visiter chacun des pays de l’UE durant son mandat.

Lors d’un conseil européen fin juin, la proposition de révision de la directive proposée par la Commission européenne a fait face à l’opposition franche de onze pays d’Europe centrale et orientale, au premier rang desquels figurait la Pologne, soigneusement évitée par le président français en cette fin août. Si la Tchéquie est plutôt hostile au durcissement des règles voulu par Emmanuel Macron, elle est prête au dialogue, comme nous l’a confié l’ancien chef du gouvernement et actuel conseiller de Bohuslav Sobotka, Vladimir Špidla :

« Il est clair que nous nous coordonnons dans le cadre du groupe V4, mais en général, la République tchèque se montre assez flexible. C’est un sujet qui nécessite beaucoup de travail. C’est pourquoi il faut se pencher sur cet enjeu, aussi que d’autres comme la convergence des salaires. »

Vladimír Špidla,  photo: Commission européenne
Le groupe V4, ou de Višegrad, formé de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Pologne et de la Hongrie, ne sera pas au complet face à Emmanuel Macron. Alors que le premier ministre slovaque Robert Fico sera présent à Salzbourg, ce ne sera pas le cas des dirigeants polonais et hongrois, les membres les plus en froid avec Bruxelles de cette alliance informelle. Vladimir Špidla, également ancien commissaire européen, est confiant quant à l’issue de ces échanges :

« La République tchèque attend de cette rencontre une compréhension approfondie entre la France et l’Europe centrale. Nous voulons rappeler que notre position est celle d’appartenir au noyau dur de l’intégration européenne. Naturellement cette intégration est une construction humaine et a besoin d’être réformée. De nombreux débats vont avoir lieu. »

Des débats sur lesquels l’économiste français Frédéric Farah porte un regard plus circonspect. Pour lui, la question des travailleurs détachés est symbolique des contradictions du projet européen :

« Elle incarne à elle-seule toute une série de blocages et de problèmes de l’Union européenne depuis l’acte unique. C’est-à-dire l’impasse du tout-concurrentiel qui ne crée pas de partenariats entre les pays de l’Union européenne mais une logique non coopérative. Ensuite cela révèle que l’élargissement à l’Est a été sous-financé, mal-pensé et poussé par certaines entreprises qui y voyait un moyen de favoriser les délocalisations. Enfin, cela montre que l’Union européenne, telle qu’elle est structurée aujourd’hui, n’arrive pas à apporter des réponses à la crise migratoire et ne se pense pas comme puissance. »

La question des réfugiés, alors que la Tchéquie et les autres pays du V4 sont très hostiles à leur accueil et en particulier au système des quotas, sera également l’un des enjeux des discussions. Des concessions mutuelles sur l’un ou l’autre des dossiers pourraient ainsi permettre d’aboutir à des compromis. Le président français poursuivra ensuite sa tournée en Roumanie et en Bulgarie, avec les mêmes dossiers sur la table.