Lutte contre la corruption : un projet gouvernemental ambitieux sur le papier

Karolína Peake, photo: CTK

Parmi les dix priorités du gouvernement pour ses deux prochaines et dernières années d’exercice du pouvoir, la lutte contre la corruption figure en bonne place. Et si l’on est tenté d’émettre des doutes sur la capacité ou la volonté de la coalition gouvernementale à endiguer cette calamité au vue de ses antécédents, le projet présenté mardi par la vice-premier ministre semble toutefois complet et ambitieux.

Karolína Peake,  photo: CTK
Roman Pekárek, David Rath, Vladimír Šiška… autant de noms qui résonnent comme autant de scandales politico-financiers ayant rythmé l’année 2012. Classée en 54e position des pays du monde en termes de perception de la corruption, la République tchèque perd des dizaines de milliards de couronnes chaque année du fait de ce fléau : directement via l’argent public détourné et indirectement car certaines entreprises renoncent à y investir. Et le gouvernement semble s’être décidé à prendre le taureau par les cornes si l’on en croit la vice-premier ministre Karolína Peake (LIDEM), qui a présenté mardi le plan gouvernemental anti-corruption et concédé que les annonces faites jusque là n’avaient pas été concrétisées dans la loi :

« Nous nous dirigeons vers des règles bien plus rigoureuses dans le cadre du financement des partis politiques, avec par exemple une demande de transparence obligatoire au niveau de leur budget pour toute comptabilité, quelle que soit la campagne électorale, une obligation de publication de ces budgets sur les sites internet des partis et ainsi de suite… »

La structuration actuelle des partis politiques et les liens rapprochés entretenus avec les administrations publiques seraient deux facteurs permettant à la corruption de proliférer selon le projet présenté, ce que confirme en substance Radim Bureš, chef de projet pour Transparency international :

Radim Bureš,  photo: CTK
« Le problème en République tchèque n’est pas celui de citoyens qui devraient glisser des petites enveloppes dans la poche de petits fonctionnaires. Le problème est plutôt celui d’une grande corruption organisée axée sur l’utilisation abusive de fonds publics. »

Aussi, c’est toute une série de lois que ce projet envisage : une redéfinition de la mission des fonctionnaires, une dépolitisation des administrations pour limiter le phénomène qui voit chaque nouvelle majorité y installer ses hommes liges, un texte sur les conflits d’intérêts qui obligerait les agents publics à dévoiler leurs avoirs et leurs liens avec la sphère privée, un renforcement de la protection des délateurs, des facilités pour les enquêteurs en terme de secrets bancaire et fiscal et plus généralement un effort de transparence en ce qui concerne tout appel d’offres émanant d’une autorité publique…

Parallèlement à cette stratégie anti-corruption ambitieuse, le gouvernement de droite de Petr Nečas, pourtant peu épargné par les scandales de corruption depuis son accession au pouvoir, entend également proposer une loi pour limiter le lobbying. Dans l’opposition, on préfère attendre de voir s’il ne s’agit pas d’un nouvel effet d’annonce, mais déjà quelques critiques pointent, à l’image de celle du ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme de la social-démocratie, Jeroným Tejc :

Jeroným Tejc,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
« Il est presque inutile de commenter la déclaration de Karolína Peake sur la lutte contre la corruption. Chacun peut se faire sa propre opinion. Je suis certain que ce qu’a fait ou plutôt ce que n’a pas fait ce gouvernement dans la lutte contre la corruption est du ressort du Premier ministre qui a contresigné l’amnistie. »

Amnistie partielle qui a conduit à l’arrêt de procédures judiciaires visant des personnalités impliquées dans des affaires de pots-de-vin. Directeur du bureau tchèque de Transparency international, David Ondráčka reste lui aussi prudent et souligne qu’une stratégie efficace de lutte contre la corruption réclame des moyens :

David Ondráčka,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
« La lutte contre la corruption a un coût, ce n’est pas gratuit. Pour l’instant, le gouvernement ne se donne pas les moyens d’imposer des règles et de les faire appliquer dans la pratique. »

Le texte en projet devrait être retravaillé par le gouvernement dans deux semaines puis être discuté par les parlementaires à la Chambre des députés et au Sénat. La coalition gouvernementale a peut-être l’occasion de passer de la parole aux actes.