Lukáš Macek : « Depuis vingt ans, les élites politiques ont généré peu de candidats incontestés à la présidence »

Foto: Filip Jandourek, Archiv des Tschechischen Rundfunks

En fin de semaine, les Tchèques se déplaceront pour la première fois aux urnes pour élire leur nouveau président. Le premier tour de l’élection présidentielle organisée au suffrage universel direct aura bien lieu les 11 et 12 janvier, comme en a décidé, vendredi, la Cour constitutionnelle en rejetant la plainte d’un des candidats disqualifiés de la course à la présidence de la République, celle du sénateur et homme d’affaires tchéco-japonais Tomio Okamura. Lukáš Macek est politologue et directeur du 1er cycle est-européen de Sciences Po à Dijon. Au micro de Radio Prague, il analyse la campagne électorale des neuf candidats à la succession de Václav Klaus au Château de Prague.

Lukáš Macek,  phoo: ČT24
« Globalement, ce n’est pas une campagne intéressante, à vrai dire. Il existe un problème de base : comme, en modifiant le mode de scrutin, on n’a pas touché aux compétences du président, finalement c’est une sorte d’élection où il est difficile pour les candidats de faire des propositions et de rester sérieux. Vu le peu de poids du président dans le système politique tchèque, les candidats en sont réduits à faire des déclarations très générales qui apportent peu de nouveau. En même temps, ce n’est pas tellement leur faute. Un candidat ne peut pas vraiment s’engager sur un programme politique, ce n’est pas un chef de majorité, il ne dispose pas de l’essentiel du pouvoir exécutif. »

Souhaiteriez-vous alors un renforcement des pouvoirs du chef de l’Etat tchèque, qui sont effectivement très limités comparés à ceux du président français par exemple ?

« Pas forcément. Le problème, c’est que l’on a combiné deux systèmes. D’un côté, on veut garder, et je pense qu’il y a de bonnes raisons pour cela, un président plutôt faible, mais à ce moment-là, il est problématique de le doter d’une légitimité directe aussi forte. Il devrait y avoir tout un débat sur la nature même du système politique tchèque dont on a fait l’économie. Je trouve cela dommage. Personnellement, je pense que ce débat est légitime. Peut-être qu’il y a des raisons de vouloir un régime avec un président un peu plus fort. Pourquoi pas, mais à ce moment-là, il faudrait toucher à l’ensemble de l’architecture institutionnelle, revoir le rôle du Sénat par exemple, ainsi que le partage du pouvoir entre le président et le gouvernement. »

Parmi les neufs candidats à la magistrature suprême, on trouve deux anciens Premiers ministres du pays, l’actuel chef de la diplomatie tchèque, une eurodéputée, une ancienne eurodéputée, un artiste entièrement tatoué… Est-ce que ce choix vous satisfait ? N’est-ce pas une occasion manquée pour d’autres personnalités, peut-être plus intéressantes, qui auraient pu se présenter ?

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Chacun a ses favoris et chacun pourrait imaginer d’autres candidats. Ce que je remarque, c’est qu’il n’est pas facile de donner une liste de ceux qui ne se sont pas présentés même s’ils auraient pu le faire. Il est assez préoccupant de voir que pendant vingt ans de vie démocratique, les élites politiques ont généré assez peu, voire pas du tout, de personnalités qui dépasseraient les clivages habituels, qui auraient une stature d’homme ou de femme d’Etat incontesté, une aura qui en ferait des candidats naturels à la présidence. Il y a des candidats qui sont des gens bien et tout à fait honorables, mais je ressens tout de même un déficit de personnalités un peu exceptionnelles, qui seraient au-delà du quotidien de la politique partisane. »

Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Lukáš Macek sur l’élection présidentielle tchèque ce mardi, dans la rubrique Panorama.