Lukáš Macek : "ČSSD, ANO et chrétiens-démocrates condamnés à trouver un accord."

Andrej Babiš, photo: CTK

Pour Radio Prague, le politologue Lukáš Macek, également directeur de la section centre-européenne de SciencesPo à Dijon, a accepté de commenter le vote des Tchèques qui élisaient vendredi et samedi leurs nouveaux députés. Il évoque d’abord la tempête que traverse la social-démocratie, qui, malgré sa victoire électorale, affiche d’importantes divisions.

Miloš Zeman,  photo: CTK
« Les racines de ce problème sont profondes parce que le parti est divisé depuis très longtemps. Il était assez prévisible que l’élection de Miloš Zeman, l’ancien président du parti, avec lequel il s’est ensuite brouillé assez fortement, à la présidence de la République allait raviver des tensions et allait diviser ce parti entre ceux qui prônent un rapprochement avec le chef de l’Etat et ceux qui cherchent à conserver la distance que le parti a pris par rapport à Miloš Zeman. Je pense que c’est la grille de lecture qui permet à comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

Le président du parti, Bohuslav Sobotka, a certes gagné les élections, mais de justesse, et sa victoire est beaucoup moins nette. Il est forcément affaibli par cette situation et d’une manière assez inattendue, immédiatement après les élections, il a fait l’objet d’une tentative de renversement venant de l’aile du parti qui, visiblement, coordonne son action étroitement avec le président de la République. »

Peut-on imaginer que, comme en 2010, les sociaux-démocrates, arrivés en tête, puissent ne pas être à la tête du gouvernement qui va diriger le pays ?

Bohuslav Sobotka,  photo: CTK
« Cela me paraît peu probable à moins que ce conflit interne dépasse les bornes et mène carrément à une scission, mais cela me paraît peu probable. Je pense que les sociaux-démocrates devraient faire partie de la prochaine coalition. Quant à la stabilité et aux perspectives à moyen-long terme de cette coalition, les choses restent totalement ouvertes. »

Quelle coalition justement alors que la Chambre des députés a été recomposée de façon assez profonde ?

« Je crois qu’il y a quand même un potentiel d’entente qui me paraît assez logique et qui est sans doute la variante la plus plausible. C’est une sorte de coopération qui serait négociée sur la base d’un accord tripartite entre les sociaux-démocrates, les chrétiens-démocrates (centristes) et le mouvement ANO d’Andrej Babiš. Celui-ci est un mouvement qui n’est pas facile à classer et qui certainement manque de cohérence interne des points de vue idéologique et politique, mais qui a quand même mené une campagne assez fortement orientée contre le gouvernement et les partis sortants, notamment TOP 09 et l’ODS. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas envie de se retrouver au gouvernement du fait de leur faiblesse actuelle et aspirent plutôt à une reconstruction dans l’opposition. De ce fait, je pense que les négociateurs de ces trois partis sont quasiment condamnés à trouver un accord, mais cela peut ne pas arriver. »

Le mouvement de l’Action des citoyens mécontents (ANO) est le réel vainqueur de ces élections, compte tenu de son score de près de 19%, alors qui n’a pas un programme forcément lisible et qu’il est composé de personnalités assez hétéroclites…

Andrej Babiš,  photo: CTK
« C’est l’expression d’un vote de protestation assez massif qui a marqué ces élections. Il y a une sorte de ras de bol de l’électorat qui n’est pas du tout étonnant, c’était quelque chose de prévisible. J’ai plutôt tendance à considérer que ce ras de bol s’exprime de manière relativement modérée. Même s’il y a des controverses liées à la personnalité du leader, et qu’il y a beaucoup de choses critiques à dire sur ce mouvement, c’est un mouvement qui reste dans une logique constructive par rapport au système politique, un mouvement qui reste ancré dans une logique de démocratie parlementaire. Il y avait d’autres mouvements et partis beaucoup plus radicaux et extrêmes qui ont été boudés par les électeurs. Donc il faut remarquer que les électeurs tchèques restent assez modérés dans leur rejet de la politique actuelle. Il est dire aussi que les partis d’extrême droite restent relativement faibles comparés à ce qu’on peut voir dans tous les pays européens. Même si pour nuancer il faut ajouter qu’il y a quand même 15 % de l’électorat qui vote pour le parti communiste qui reste un parti largement antisystème. »