Les survivants tchèques de l’Holocauste des Roms seront indemnisés par l’Allemagne

L'ancien camp d'internement destiné aux Roms de Lety

L’Allemagne va indemniser les Tchèques membres de la communauté rom ayant survécu à l’Holocauste. Toute personne concernée devrait recevoir 2 500 euros. Après de longs mois de négociations diplomatiques, les autorités allemandes donneront ainsi suite à la demande du Comité tchèque pour l’indemnisation de l’Holocauste des Roms et garantiront l’égalité juridique du génocide de ce peuple avec la Shoah.

Les Roms ont également été victimes, comme les juifs, de la politique raciale de l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale. En 1942, les autorités du Protectorat de Bohême-Moravie ont fait établir une liste comprenant les noms de « tous les Tziganes, les métis et les personnes ayant adopté le mode de vie tzigane » sur ce territoire. 6 500 personnes ont alors été recensées. Une partie d’entre eux ont été envoyées d’abord dans des camps de concentration destinés aux Roms et situés à Lety en Bohême du Sud et à Hodonín, près de Kunštát, dans le centre de la Moravie, d’autres ont été déportées directement à Auschwitz. Au total 5 000 Roms tchèques ont été victimes de ce que les nazis appelaient la « solution finale » et seulement 583 sont revenus en Tchécoslovaquie après la fin de la guerre.

Pourtant, cette tragique histoire ne se termine pas là car de nombreuses années ont dû s’écouler avant que le génocide rom ne soit reconnu. Ancien négociateur du ministère des Affaires étrangères en charge des questions relatives à l’indemnisation des victimes de l’Holocauste, Jiří Šitler, actuellement ambassadeur en Suède, indique :

Jiří Šitler,  photo: MZV ČR
« Personne ne parlait de l’holocauste des Roms encore dans les années 1980. Cela a commencé dans les années 1990, en Europe occidentale, de même que chez nous. La volonté de traiter avec les victimes roms de la même manière qu’avec les victimes juives est apparue il y a quinze ou vingt ans, quand on a reconnu la situation des Roms lors de la Seconde Guerre mondiale comme étant un génocide. Les Roms protestaient bien sûr déjà auparavant. Mais je crois qu’il n’y avait pas de compréhension pour eux à l’époque, et cela ni dans la société allemande, ni en Tchéquie. »

Plus de 76 ans après la fin de la guerre, les Roms en République tchèque sont enfin en train de vivre un nouveau tournant, grâce à une promesse de l’Allemagne d’indemniser les survivants tchèques du génocide des Roms en leur accordant à chacun une somme de 2 500 euros.

Tout cela a commencé au début de l’année passée quand le Comité tchèque pour l’indemnisation de l’holocauste des Roms, exaspéré par le fait que seules les victimes juives reçoivent en Europe centrale et orientale des compensations financières pour les horreurs vécus, s’est adressé au chef de la diplomatie tchèque, Lubomír Zaorálek, en lui demandant d’intervenir auprès des autorités allemandes. Jiří Šitler, qui est devenu ensuite l’un des principaux acteurs des négociations, raconte que les discussions se sont étalées sur plusieurs mois :

Photo: Museum of Holocaust USA
« Je ne peux pas dire qu’il n’y avait pas de volonté du côté allemand. Il était plutôt question de trouver des moyens qui permettraient d’indemniser ces gens en conformité avec l’actuelle législation allemande et sans nécessité de conclure de nouveaux accords. Les difficultés étaient donc avant tout d’ordre technique et juridique. Il ne s’agissait pas d’un défaut de volonté politique. »

Pourtant, Jiří Šitler indique que cette situation ne concerne pas seulement les Roms tchèques :

« Même par exemple les Roms aux Pays-Bas n’ont été indemnisés que récemment. De même, les Roms roumains, et d’autres encore, attendent toujours de recevoir une indemnisation. Il s’agit donc d’un processus qui se déroule ces dernières années un peu partout en Europe. »

Les indemnisations seront destinées aux survivants directs de l’Holocauste et à des personnes qui ont été contraintes de se cacher pour échapper à un internement dans un camp de concentration, et ne concernent donc pas les descendants des victimes roms. A en croire les chiffres officiels, cela correspond en République tchèque à peu près à une quinzaine de personnes.