Les femmes tchèques victimes de violences domestiques alertent rarement la police

Photo: Site officiel de FRA

L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a publié ce mercredi les résultats de la plus grande enquête jamais menée sur les violences à l’égard des femmes. 42 000 femmes de l’intégralité des vingt-huit Etats membres de l’UE ont évoqué leurs expériences en la matière. Les résultats, qui prouvent la gravité et la récurrence de ce phénomène, permettent de faire des comparaisons à l’échelle européenne. En République tchèque, c’est surtout l’alerte aux autorités qui fait défaut. Seulement 14% des femmes victimes de violences conjugales se sont adressées à la police.

Blanca Tapia,  photo: Site officiel de FRA
Blanca Tapia, la porte-parole de l’Agence des droits fondamentaux, explique qu’avant de comparer les pays les uns et les autres, l’étude vise surtout à démontrer l’ampleur de la violence à laquelle les femmes en Europe sont confrontées. Elle révèle que 33 % des femmes, ce qui représente 62 millions de personnes en Europe, ont été victimes de violences physiques ou sexuelles après l’âge de 15 ans. La recherche est exceptionnelle car c’est la première, réalisée à l’échelle européenne, qui se base sur des données statistiques propres, c’est-à-dire qu’elle ne reprend pas de statistiques déjà existantes, mais vient compléter et parfois contester les études nationales sur le sujet. La porte-parole de l’Agence des droits fondamentaux commente les données relatives à la République tchèque :

« Ce qui est surtout frappant en République tchèque, c’est que très peu de femmes alertent la police après avoir vécu une agression. Seulement 14% des cas de violence les plus graves perpétrées par le conjoint sont déclarés. C’est le taux le plus bas de toute l’Union, nous le retrouvons seulement en Hongrie. Près de la moitié, c’est-à-dire 47% des femmes tchèques ont souffert de violence psychologique de la part de leur conjoint. Si la France enregistre le même pourcentage, ces chiffres se trouvent en-dessus de la moyenne européenne qui est de 43%. Il faut surtout s’interroger sur les raisons pour lesquelles ces abus ne sont pas déclarés à la police. Cela relève peut-être du manque de confiance à l’égard des autorités. Si la femme n’estime pas pouvoir obtenir l’aide, elle renonce à agir. »

Photo: Site officiel de FRA
La méconnaissance des organismes qui apportent de l’aide aux victimes s’ajoute probablement à ce phénomène car en République tchèque, trois quarts de femmes ne sont pas capables de nommer trois de ces organismes ou associations, quand c’est le cas seulement de 3% des Autrichiennes ou 5% des Suédoises. Blanca Tapia pointe du doigt une autre particularité révélée par l’étude :

« Les femmes tchèques sont parmi celles en Europe qui craignent le plus l'agression physique ou sexuelle. 31% des répondantes ont ressenti cette peur au cours des douze derniers mois ce qui range la République tchèque parmi les cinq pays où ce taux est le plus élevé. De plus, 66% des femmes évitent certains situations ou lieux par crainte d’être agressées. C’est la réalité présente. Les données de notre étude montrent la situation actuelle dans chaque pays et il faut voir ce qui peut être fait pour l’améliorer. »

Photo: Kristýna Maková
L’étude traite également les différents types de la violence, comme le harcèlement sexuel ou la traque furtive (appelée parfois le stalking) laquelle est liée notamment au développement des nouvelles technologies. La quantité de données est remarquable, mais un grand travail reste encore à faire, celui de l’interprétation. Il suffit de regarder les statistiques relatives aux pays nordiques souvent considérés comme des modèles en matière de l’égalité entre les femmes et les hommes, où on s’attendrait peut-être à une récurrence plus faible de la violence à l’égard des femmes. Mais le Danemark comme la Suède sont en tête des statistiques. Ces chiffres reflètent-ils un état réel des choses ou bien les femmes en Europe du Nord sont-elles plus ouvertes pour en parler ? De manière analogue, des pays avec un nombre très réduit de plaintes auprès de la police n’ont pas de quoi se féliciter car ce résultat peut refléter un climat social défavorable à ces sujets qui restent tabous.