Les décorations présidentielles, sujet à controverses

Miloš Zeman et Nicholas Winton, photo: ČTK

A l’occasion de la fête nationale du 28 octobre marquant le 96e anniversaire de la création de la Tchécoslovaquie, le président Miloš Zeman a maintenu la tradition et a décoré plusieurs personnalités tchèques et étrangères. Aux côtés de Nicholas Winton et Winston Churchill, l’actuel Premier ministre slovaque et deux réalisateurs tchèques ont été mis à l’honneur. Un choix hétéroclite qui en a étonné plus d’un.

Miloš Zeman et Nicholas Winton,  photo: ČTK
Le président Miloš Zeman a également poursuivi sa tradition d’invitations sélectives. Il s’est laissé entendre pendant son récent voyage en Chine que certains recteurs des universités tchèques ne seront pas conviés à la cérémonie au Château de Prague, en raison de différends qui les avaient opposées par le passé. En solidarité avec leurs homologues, plusieurs autres recteurs se sont ainsi excusés de la cérémonie.

Au total, trente-trois personnes ont été mises à l’honneur par Miloš Zeman à l’occasion des célébrations de l’anniversaire tchécoslovaque. Le président a remis l’Ordre du Lion blanc, l’Ordre de Tomáš Garrigue Masaryk, les médailles de l’Héroïsme et les médailles de Mérite.

L’Ordre du Lion blanc, la plus haute décoration d’Etat en République tchèque, a été remis à Nicholas Winton. Le Britannique, âgé de 105 ans, a sauvé entre 1938 et 1939, 669 enfants tchécoslovaques principalement d’origine juive en organisant leur convoi ferroviaire depuis Prague et en leur trouvant des familles d’accueil en Grande Bretagne.

Nicholas Winton,  photo: ČTK
« Je voudrais remercier à tout le monde pour cette expression de reconnaissance pour un acte qui a eu lieu, je dirais, il y a plus de cent ans. J’ai peut-être commis une erreur en vivant aussi longtemps et en donnant ainsi à toutes ces personnes l’occasion d’exagérer mon acte. Je suis très content que de nombreux enfants ont pu venir ce mardi à Prague. A l’époque nous avions dû faire face à l’incompréhension de la plupart des Européens quant à la gravité de la situation. Si certains Tchèques nous ont beaucoup aidés, d’autres semblaient encore aggraver la situation des Juifs, car ils voulaient se débarrasser d’eux. »

C’est avec ces paroles que Nicholas Winton a commenté la cérémonie au Château de Prague. L’Ordre du Lion blanc a également été remis, in memoriam, à Winston Churchill, Premier ministre britannique du temps de la Deuxième Guerre mondiale, puis encore à Robert Fico, l’actuel Premier ministre slovaque ainsi qu’à l’ancien chancelier autrichien Franz Vranitzky.

Miloš Zeman et Nicolas Soames,  petit-fils de Winston Churchill,  photo: ČTK
Parmi les trente-trois personnalités décorées, plusieurs amis de Miloš Zeman ont été distingués, ainsi la plus haute décoration d’Etat a été remise à Robert Fico, pour son apport aux relations de bon voisinage entre la République tchèque et la Slovaquie. Des médailles de Mérite ont également été remises à deux réalisateurs, Filip Renč, auteur de la vidéo de la campagne électorale du président, et Robert Seldáček, qui a réalisé un documentaire sur le chef de l’Etat. La décoration in memoriam de Natalya Gorbanevskaya, dissidente soviétique, a également alimenté certaines critiques.

Natalya Gorbanevskaya,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« En 1968, à la Place Rouge à Moscou quelques personnes courageuses se sont rassemblées pour protester contre l’occupation de la Tchécoslovaquie. Natalya Gorbanevskaya menait ce groupe, malheureusement composé de sept personnes seulement. Je l’ai rencontré il y a un an au Château de Prague. A ce moment-là nous nous sommes serrés les mains pour nous dire que la Russie sera dans vingt ans un membre démocratique de l’Union européenne. Je regrette le décès de Natalya Gorbanevskaya, car je ne peux pas lui livrer cette décoration en personne. Néanmoins, je suis fier que son fils l’accepte à sa place, ce même fils qu’elle avait tenu dans ses bras lors de la manifestation à Moscou. »

En réaction aux propos de Miloš Zeman, Yaroslav Gorbanevsky a déclaré ce mercredi que si le président tchèque souhaitait que la Russie devienne démocratique, il faut qu’il appelle à relâcher tous les prisonniers politiques. Selon lui, il n’y a pas d’explication logique pour remettre la médaille de Mérite seulement à Natalya Gorbanevskaya, puisque la protestation à Moscou en 1968 avait clairement influencé la vie de tous les sept manifestants.