Législatives slovaques : la tentation de d’extrême-droite inquiète la classe politique tchèque

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Du fait de leur histoire commune, de leur proximité politique, au sein du V4, mais aussi linguistique et culturelle, les Tchèques avaient forcément ce samedi les yeux rivés sur leurs voisins slovaques, qui élisaient leurs 150 représentants au Parlement. Mais comme l’écrit ce lundi le quotidien Mladá fronta Dnes, il est difficile de se réjouir des surprenants résultats de ce scrutin puisqu’ils laissent entrevoir un pays ingouvernable qui doit pourtant prendre la présidence tournante de l’Union européenne en juillet prochain. Cerise sur ce gâteau amer: l’élection de quatorze députés d’un parti ouvertement néo-nazi.

Robert Fico,  photo: ČTK
« Je souhaite féliciter Robert Fico pour sa victoire aux élections législatives. Son parti Smer - sociálna demokracia les a remportées pour la quatrième fois consécutive, ce qui, dans l’histoire moderne slovaque, est une chose exceptionnelle. » C’est ainsi que débute le communiqué de presse du premier ministre Bohuslav Sobotka adressé à son homologue slovaque Robert Fico. Mais le chef du gouvernement tchèque ne s’y trompe pas : il constate l’éparpillement des voix entre les huit formations politiques qui entrent au Conseil national de la République slovaque et en conséquence la difficulté qu’il y aura à composer un gouvernement. M. Sobotka poursuit donc son communiqué en appelant de ses vœux la formation d’un « gouvernement solide et stable, avec lequel nous pourrons continuer à coopérer étroitement en tant que proches voisins au sein de l'UE et du V4 ».

Richard Sulík  (SaS),  photo: ČTK
Car la victoire de Robert Fico, qui a largement axé sa campagne sur la peur des réfugiés avec un slogan défensif, « Nous protégeons la Slovaquie », a un air de déconfiture. Le parti Smer disposait jusqu’alors de 83 députés sur 150 ; avec 28,3% des suffrages, il n’en compte plus désormais que 49. Autre surprise au regard des sondages préélectoraux : le relatif succès des libéraux de Liberté et Solidarité (SaS) ; ils s’octroient la seconde place avec 12,1% des voix et refusent toute idée d’alliance avec le parti de M. Fico, « un parti de voleurs » estiment-ils, dénonçant des cas de corruption.

Mais le fait le plus marquant dans cette « Slovaquie sous le choc », selon les mots du quotidien tchèque Hospodářské noviny, c’est la poussée des formations nationalistes, et en particulier l’entrée fracassante au Parlement des néo-fascistes du Parti populaire « Notre Slovaquie », que peu voyaient franchir le seuil des 5%. Son leader Marian Kotleba, qui ne rechignait pas dans le passé à arborer des tenues paramilitaires du plus bel effet, est un admirateur de Jozef Tiso, le dirigeant de la Slovaquie collaborationniste durant la Seconde Guerre mondiale. Pour le chef du parti tchèque ODS Petr Fiala, c’est clair :

« Le Parti « Notre Slovaquie » de Marian Kotleba est un parti qui n’a rien à faire dans un parlement démocratique. »

Marian Kotleba,  photo: ČTK
Le journal Mladá fronta Dnes note que les huit partis ayant franchi la barre des 5% se sont tous prononcés avec plus ou moins de virulence contre l’accueil des réfugiés au cours d’une campagne teintée de nationalisme, comme cela a d’ailleurs déjà été le cas lors d’élections précédentes en Slovaquie. Les électeurs, sensibles à ces thèmes, se seraient donc tournés vers des partis qui les portent naturellement et pas vers la social-démocratie.

Le politologue tchèque Miroslav Mareš estime que l’entretien d’un climat de peur vis-à-vis des Roms ou des immigrés, alors que Bratislava n’a pratiquement accueilli aucun réfugié, doublée à un problème lancinant de corruption, est un facteur explicatif des résultats de ce vote, dont certaines formations classiques font les frais. C’est le cas des chrétiens-démocrates avec 4,9% des suffrages, au grand dam du vice-premier ministre tchèque Pavel Bělobrádek :

« Personnellement, l’échec du parti KDH, le Mouvement social-démocrate, me navre, en même temps que le fait que les partis extrémistes sortent renforcés de ces élections en Slovaquie. »

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Le parti chrétien-démocrate était pourtant perçu comme une possible pierre angulaire dans l’optique de la formation d’une coalition gouvernementale. C’est un autre parti nationaliste, le Parti national slovaque (SNS), plébiscité par 9% des électeurs, qui pourrait jouer ce rôle. Entre 2006 et 2010, Robert Fico s’était déjà allié avec ce mouvement dans le cadre dans un gouvernement « rouge-brun », ainsi que l’écrit le journal Le Monde, ce qui avait valu à la social-démocratie slovaque d’être exclu du Parti socialiste européen. Il faudra des « politiques responsables », juge pour sa part le leader communiste tchèque Vojtěch Filip, qui rappelle que Brastilava prendra la présidence tournante de l’UE dans moins de quatre mois.