« Le train Lustig » ou le train de l’espoir

Photo: Martina Storek, Pavel Chalupa / CT

C’est dans un wagon situé sur les rails de la gare de Bubny à Prague, que s’est déroulée pour la deuxième année consécutive, la représentation de la pièce de théâtre « Une prière pour Kateřina Horowitz », d’un des plus grands écrivains tchèques mondialement connu, Arnošt Lustig. C’est autour du thème de la déportation des juifs, et à l’endroit même où plusieurs milliers de juifs tchèques sont partis pour les camps de concentration, qu’une dizaine d’acteurs donne souffle, depuis lundi dernier, aux personnages de ce récit psychologique, présentant les bourreaux d’un côté, et les victimes de l’autre, sur l’arrière-plan d’une des plus grandes catastrophes de l’humanité.

Photo: Martina Storek,  Pavel Chalupa / CT
Organisé par le festival« Devět bran » - « Neuf portes » et le Centre de recherche de l’archéologie du mal, « Vlak Lustig » – « le train Lustig » est un train de l’espoir, qui se donne pour but d’avertir et de prévenir des conséquences provoquées par des attitudes haineuses présentes au sein de notre société, tels que le néonazisme, l’antisémitisme, la xénophobie et le racisme. Arnošt Lustig, étant lui-même déporté dans le camp de Terezín à l’âge de 16 ans, puis à Auschwitz ainsi qu’à Buchenwald, d’où il réussira à s’échapper comme par miracle, le thème de la Seconde guerre mondiale et de l’holocauste sera omniprésent dans son œuvre. Plusieurs fois candidat au Prix Nobel de littérature, Arnošt Lustig, écrit en 1964 « Une prière pour Kateřina Horowitz » en douze jours seulement. Il s’inspire de faits réels, qui se sont déroulés en Sicile.
Photo: Site officiel du Vlak Lustig
Un groupe d’hommes d’affaires juifs avec des passeports américains est fait prisonnier par les nazis, qui leur font croire en un possible rachat de leur liberté. Or la réalité est toute autre. Après avoir donné toute leur fortune, ils seront envoyés dans les chambres à gaz, avec une jeune danseuse polonaise. Celle-ci tuera un officier allemand dans le couloir de la mort, et ce malgré le fait que la révolte semble déjà inutile. Nous avons rencontré l’organisateur Pavel Chalupa, qui nous a dévoilé le concept de ce projet théâtral très original.

Pavel Chalupa,  photo: CT24
« Le projet a pris naissance l’année dernière, lors de la treizième édition du festival de la culture juive tchéco-allemande « Devět bran » - « Neuf portes », qui se déroule en Tchéquie depuis 14 ans déjà. Arnošt Lustig était son président pendant près de sept ans. Quand il est décédé, il y a deux ans, en 2011, alors nous avons décidé avec le réalisateur Petr Kracík, de mettre en scène une de ses œuvres, pour qu’il soit toujours avec nous, et pour que l’on mette son œuvre au goût du jour. Je crois que c’est ce qui a de plus important. Arnošt disait toujours que le fait de nier l’holocauste, tuait les gens pour la deuxième fois. Et c’est ce qui se passe de nos jours, car la version moderne de l’antisémitisme est de nier l’holocauste. »

Si la pièce a d’abord eu sa première au théâtre, en juin 2012, Pavel Chalupa, s’est laissé inspirer par les circonstances de l’évènement, lequel se déroule entièrement dans un train. Pavel Chalupa se rend auprès de la direction ferroviaire, pour présenter son projet et demander s’il serait possible d’acquérir un vieux wagon. Et c’est avec son aménagement, que débute ce projet culturel insolite, qui a déjà parcouru la Slovaquie et la Pologne depuis l’été 2012.

Photo: Site officiel du Vlak Lustig
« Ce train est en fait non seulement un symbole de l’holocauste, mais aussi un symbole de tous les génocides, de toutes les injustices possibles. Un certain groupe de personnes y est exterminé ; on stigmatise ce groupe comme étant coupable des problèmes que la société ne sait résoudre. La société les désigne comme coupables et les fait transporter à l’aide de wagons dans des lieux d’extermination. Donc le train est un symbole de la violence du génocide en tant que tel. Le wagon qui se transforme en scène de théâtre est le symbole de l’injustice, des horreurs, qui accompagnent toutes les exterminations massives. »

Pavel Chalupa admet que même si la force de l’idée d’un tel projet est primordiale, réunir les moyens financiers, s’élevant à plusieurs millions de couronnes, et persuader les personnes compétentes a été le plus difficile. Mais malgré la difficulté logistique, Pavel Chalupa insiste sur le fait que tout le monde a uni ses forces, afin de créer ces représentations étonnantes.

Photo: Martina Storek,  Pavel Chalupa / CT
« Nous avons déjà parcouru la Pologne, la Slovaquie. On prépare une tournée des pays d’Europe centrale en 2015, à l’occasion de la 70e commémoration de la fin de la Seconde guerre mondiale. Donc tel est notre grand projet, que nous voulons présenter à la Commission européenne, et auquel participeront des artistes des pays donnés. »

Un autre projet, « le train Lustig à l’école » verra prochainement le jour, afin de faire connaître au jeune public, les déportations de juifs à travers d’autres destins.. Pavel Chalupa souligne l’importance de rappeler les évènements de la Seconde guerre mondiale, pour ne pas oublier.

Photo: Site officiel du Vlak Lustig
« Nous préparons de nouvelles pièces également, qui illustreraient les génocides à d’autres endroits dans le monde, par le biais de divers récits. Et nous pensons que les histoires évoquant les femmes sont les plus intenses, car c’est sur les femmes que la cruauté et le crime se manifestent le plus. Leurs hommes sont emmenés, leurs enfants sont tués, elles-mêmes sont violées. Donc tout se mélange dans des récits exposant des jeunes filles, des femmes, qui doivent survivre, supporter tout cela. C’est pourquoi nous cherchons les sujets des représentations suivantes parmi les personnages de femmes, qui sont obligées de porter leur fardeau, leur croix, leur étoile. »

Photo: Site officiel du Vlak Lustig
Le programme de ce théâtre ambulant, présentant également des projections se déroule jusqu’au 24 septembre. Ce mercredi 11 septembre, une soirée dédiée aux victimes du massacre de Nankin aura lieu à la même gare de Prague-Bubny. En 1937, plusieurs milliers de Chinois ont été massacrés, dans la capitale de l’époque suite à l’agression japonaise sur le continent asiatique.