Le plus modeste des arts

Qu'est ce que l'art? Nous croyons tous le savoir, mais il n'est pas facile de trouver la réponse à cette question et définir un phénomène aussi versatile qu'est l'art au début du troisième millénaire. La question s'impose aussi devant les tableaux de Josef Capek réunis à l'exposition de la Maison municipale de Prague, intitulée "Le plus modeste des arts".

"Le plaisir de l'art moderne est d'exprimer le maximum de contenu avec la plus grande économie de moyens," disait Josef Capek, peintre, illustrateur et poète, frère du grand écrivain Karel Capek. Au seuil du XXème siècle, il est de ceux qui décident, avec courage et non sans une certaine brutalité, de redéfinir le concept de l'art. C'est un novateur audacieux. Déçu et même dégoûté par l'art académique, par les innombrables objets qu'on trouve dans les musées, il se lance à la recherche de nouvelles inspirations. La périphérie des villes, les tableaux des peintres naïfs, les enseignes de magasin, les cibles de tir, les illustrations des romans noirs, les premiers films - toutes ces choses considérées comme vulgaires et ridicules redeviennent, à ses yeux, intéressantes et même magiques. Il suffit de changer de point de vue. Tous ces artistes de pacotille sont peut-être maladroits, leurs oeuvres n'ont pas le poli et la virtuosité des peintres académiques, mais ils ne sont pas blasés et mettent dans leurs oeuvres beaucoup plus de conviction et de coeur.

Capek se délecte de cet art apparemment banal, mais plein de vie intérieure. Il réunit ses idées sur le renouveau de la création artistique dans un petit livre intitulé "Le plus modeste des arts". Inspiré par l'art modeste, il s'impose aussi une extrême modestie de moyens. Il dissèque la réalité et n'en prend que quelques éléments pour la reconstituer. Ses portraits, ses natures mortes, ses paysages ne sont souvent que des assemblages de quelques lignes droites et courbes, mais dans l'espace peu encombré de ces tableaux, chaque élément prend la signification d'un symbole. Il redonne vie à ces oeuvres par une sorte de magie. Sous les traits rudimentaires de ses toiles, on voit apparaître des visages d'hommes et de femmes avec leurs passions, leurs plaisirs et leurs péchés. Il nous apprend quelque chose sur l'essence même des objets représentés. "On peut faire de la magie avec n'importe quoi, affirme-t-il. Avec un morceau de bois, quelques torchons bariolés, l'enfant réussit à fabriquer une princesse."