Le hockey tchèque perd une de ses légendes

Jaroslav Jiřík, photo: CTK

Une des légendes du hockey tchèque a disparu lundi. Premier joueur de l’Europe de l’Est autorisé à évoluer en NHL, la prestigieuse ligue professionnelle nord-américaine, Jaroslav Jiřík, grande figure également des matchs remportés contre l’URSS au lendemain de l’écrasement du Printemps de Prague, est mort dans un accident d’avion à Brno, à l’âge de 71 ans.

Jaroslav Jiřík,  photo: CTK
La nouvelle a attristé un grand nombre d’amateurs de sport en République tchèque, et les nostalgiques, bien entendu, en premier lieu. Le hockey tchèque a perdu un de ses joueurs qui ont contribué par leur talent et leur caractère à l’écriture de sa riche histoire. Ailier talentueux et dur au mal, indispensable à l’équipe nationale tchécoslovaque dont il porta 134 fois le maillot essentiellement dans les années 1960, Jaroslav Jiřík, vice-champion olympique en 1968 à Grenoble, restera surtout dans les mémoires pour avoir été le premier Tchèque à avoir joué en NHL. A l’été 1969, un an après l’invasion du pays par les chars soviétiques, Jaroslav Jiřík avait été autorisé par la classe politique à rejoindre les Etats-Unis. Commentateur du hockey à la Télévision tchèque, Robert Záruba explique pour quelles raisons Jaroslav Jiřík avait alors été autorisé à quitter la Tchécoslovaquie :

« Il y a eu une certaine libération politique chez nous qui a permis pour la première fois de négocier légalement un transfert d’un joueur en Amérique. Bien sûr, il fallait que le joueur remplisse certaines conditions, c’est-à-dire avoir au moins 30 ans et avoir disputé un nombre minimal de matchs en équipe nationale, ce qui était le cas de Jaroslav Jiřík. Un concours de circonstances a fait que c’est lui qui a été choisi et pas un autre joueur. Cela lui a permis de joueur trois matchs avec les Blues de Saint-Louis, c’est donc vraiment le premier Tchèque à avoir évolué en NHL. »

Jaroslav Jiřík,  photo: CTK
Mais Jaroslav Jiřík, fraîchement marié et qui avait le mal du pays, ne resta pas longtemps outre-Atlantique dans la célèbre ligue américano-canadienne qui ne comportait alors encore que huit clubs, soit vingt-deux de moins qu’aujourd’hui. Il préféra rentrer.

Jaroslav Jiřík reste aussi bien connu, et apprécié, du public pour une autre raison. En mars 1969, quelques mois avant de se rendre à Saint-Louis, il avait fait partie de l’équipe de Tchécoslovaquie qui avait battu l’Union soviétique au Championnat du monde deux fois en l’espace d’une semaine : deux victoires mémorables qui avaient fait descendre dans les rues de tout le pays des centaines de milliers de Tchèques et de Slovaques. Jaroslav Jiřík faisait partie des joueurs à avoir osé disputer la seconde rencontre avec un morceau de bande adhésive cachant l’étoile rouge à cinq branches qui figurait sur le maillot tchécoslovaque et symbolisait l’appartenance au camp communiste. Interrogé sur cette initiative symbolique par la Télévision tchèque au moment de ses 70 ans, Jaroslav Jiřík s’était souvenu :

Jaroslav Jiřík,  photo: CTK
« C’était une période où toute la nation, ou tout du moins presque toute la nation, se serrait les coudes. Nous étions cinq joueurs à avoir recouvert l’étoile rouge sur notre maillot avec un morceau de bande adhésive noire. C’est moi qui en ai eu l’idée. J’ai dit aux autres que quand j’allais à l’école, il y avait une couronne au-dessus de la tête du lion de Bohême et pas une étoile. Les dirigeants nous ont laissé faire. D’ailleurs on a surtout commencé à parler de ces maillots à notre retour au pays après le championnat du monde. Certains joueurs parmi nous étaient militaires. Ils ont dû s’expliquer. Aux autres, comme moi, on a conseillé de dire qu’il y avait des trous dans les maillots, même si bien sûr personne n’était dupe. Mais à l’époque, les gens étaient encore solidaires et on ne nous a pas embêtés plus que ça avec cette affaire. »

Jaroslav Jiřík est mort dans un accident d'avion,  photo: CTK
Lundi, Jaroslav Jiřík est donc mort dans un accident d’avion. C’est lui qui était le pilote de l’ultraléger qui s’est écrasé dans les environs de Brno suite à des problèmes techniques. La nouvelle a touché son ancien partenaire en équipe nationale, le Slovaque Jozef Golonka :

« C’est un choc terrible pour moi. Nous étions de très bons amis non seulement sur la glace mais aussi en dehors. Outre le hockey, nous avions aussi une passion commune pour l’aviation qui lui a été fatale. C’était un homme sur lequel j’ai toujours pu compter. Il se comportait dans la vie comme sur la glace. Je savais que je pouvais compter sur lui. »

Dans les réactions qui ont suivi l’annonce de sa mort, certains ont fait remarquer que Jaroslav Jiřík était mort comme il avait toujours vécu : en aventurier. Un aventurier qui restera donc le premier joueur tchèque en NHL malgré son opposition au régime communiste.