Le grand tétras, oiseau de mauvaise augure

Tetřev hlušec, foto: David Palmer, Creative Commons 2.0

La direction du Parc national du massif de la Šumava en Bohême du Sud envisage d’ouvrir aux touristes certaines parties fermées du parc. Pour justifier leur décision, les responsables de cette grande réserve naturelle ont sorti un argument de taille : le grand tétras, oiseau protégé qui vit dans les forêts de la Šumava, supporte très bien la présence des touristes et même l’abatage d’arbres. Ces affirmations sont cependant mises en cause par des environnementalistes.

Coq de bruyère | Photo: David Palmer,  Flickr,  CC BY 2.0
Le grand tétras ou coq de bruyère est l’oiseau emblématique de la nature du massif de la Šumava. Ce bel oiseau est malheureusement menacé de disparition. En République tchèque le tétras n’a survécu que dans le Parc de Šumava et sa population ne dépasse pas 300 oiseaux. La direction du Parc national dispose d’une étude réalisée par Karel Plaňanský, un garde forestier sans formation scientifique, et Jozef Dúha, ancien chef de section au ministère slovaque de l’Environnement. Selon leur étude, l’ouverture de nouveaux sentiers dans les premières zones du parc ne pourrait pas nuire à la population des tétras. Jozef Dúha qui se considère comme le « praticien de la protection du règne animal », rejette le monitoring en tant que méthode scientifique. La leçon principale que ce septuagénaire a tirée de ses recherches, se résume dans la conclusion que c’est la quantité suffisante de nourriture qui est décisive pour la vie du tétras et que les touristes ne peuvent pas l’influencer d’une façon substantielle. Le directeur adjoint du Parc national, Jiří Mánek, se félicite d’avoir noué la collaboration avec un tel spécialiste :

Jiří Mánek
« M. Dúha a étudié la problématique du grand tétras depuis 1964. Il a étudié cet oiseau pendant vingt ans en Russie, c’est-à-dire dans son milieu naturel. C’est donc un véritable spécialiste du grand tétras. »

Cet avis n’est pas partagé cependant par les ornithologues et les environnementalistes qui s’occupent du Parc national de la Šumava. Le directeur de l’Association tchèque d’ornithologie Zdeněk Vermouzek reproche à l’étude de Karel Plaňanský et de Jozef Dúha son manque de crédibilité et souligne qu’elle est en contradiction avec les travaux de ce genre réalisés dans d’autres pays européens. D’après l’écologue Jaromír Bláha, ce texte a été écrit sur commande de la direction du Parc de la Šumava qui l’utilisera pour justifier l’abatage d’arbres et le développement des activités touristiques dans les zones protégées.

La crédibilité de Jozef Dúha a été sérieusement ébranlée aussi par la radio publique tchèque qui révèle que cet ancien fonctionnaire serait soupçonné en Slovaquie de commerce illégal d’oiseaux rares et que c’est à cause de cette affaire qu’il a été obligé de quitter le ministère slovaque de l’Environnement. Ce constat est confirmé, par ailleurs, par le procureur régional de Bratislava, René Vaněk. « Il est soupçonné d’exportation d’exemplaires vivants de l’aigle royal (aquila chrysaetos). C’est un acte criminel prémédité…», dit le procureur. Jozef Dúha refuse cependant ces accusations et s’indigne de la bassesse de telles attaques :

Photo: Archives de Radio Prague
« Chez vous en Tchéquie, quand quelqu’un réussit à élever un animal rare, une espèce rare, il reçoit une récompense. Chez nous, en Slovaquie, une telle personne s’expose à des poursuites judiciaires. C’est dégoûtant, je ne veux même pas commenter de telles accusations. »

Il est évident que le débat sur le tétras n’est qu’une facette du conflit qui oppose depuis des années les milieux favorables à l’exploitation commerciale du Parc national de la Šumava et les environnementalistes, conflit qui éclatera sans doute dans le proche avenir avec la première tentative de la direction du parc de procéder à l’abattage d’arbres atteints par le scolyte.