Le controversé « super appel d’offres écologique » restera sans vainqueur

L’important marché public qui devait permettre de décontaminer les sites les plus pollués de République tchèque ne sera finalement pas attribué. La décision a été annoncée, mercredi, par le Premier ministre, Petr Nečas. Quelques heures plus tôt, le ministre des Finances, Miroslav Kalousek, avait conseillé au gouvernement de ne pas accepter l’offre de 56,8 milliards de couronnes (2,3 milliards d’euros) de la société Marius Pedersen Engineering. Bien que retenue comme la plus avantageuse parmi les offres présentées par les trois derniers candidats, le ministre des Finances a néanmoins considéré l’offre de la société danoise surévaluée. Trois ans après son lancement, c’est donc la fin de l’« ekotendr », un « super appel d’offres écologique » très critiqué pour son « fort potentiel de corruption ».

La décision prise par la coalition marque la fin du deuxième appel d’offres le plus important initié par le gouvernement tchèque ces dernières années. Il ne reste donc plus aujourd’hui que l’appel d’offres pour l’achèvement de la centrale nucléaire de Temelín pour faire jaser, mais aussi de lourds dommages écologiques hérités de l’industrialisation à outrance du pays dans la seconde moitié du XXe siècle, dégâts environnementaux que l’Etat s’est engagé à réparer lors des grandes privatisations menées dans la première moitié des années 1990.

Une chose est toutefois certaine : les localités polluées ne seront assainies par aucun de trois des six groupes qui étaient encore en course jusqu’à tout récemment. Elles ne seront donc pas assainies par la société danoise Marius Pedersen, dont l’offre de 56,8 milliards de couronnes était la moins onéreuse de toutes, critère décisif selon le ministère des Finances. Offre la moins onéreuse, certes, mais encore trop onéreuse quand même, et même surévaluée selon Miroslav Kalousek, qui explique pourquoi :

Miroslav Kalousek
« Le montant total de l’offre est composé de trois éléments. Il y a d’abord le montant des travaux qui auraient été réalisés. Ce montant répondait à peu près aux estimations du ministère de l’Environnement. Il y a ensuite le prix de l’argent, ou le taux d’intérêt, car le fournisseur aurait dû préfinancer avec ses propres ressources les travaux afin que ceux-ci puissent être achevés le plus rapidement possible. L’Etat lui aurait ensuite progressivement remboursé cet argent avec des intérêts. Etant donné la situation sur les marchés, le prix proposé était là aussi tout à fait correct. Et le troisième élément est le montant du risque encouru. Un des avantages de cet appel d’offres devait être d’établir un montant total avant le début des travaux afin que la société retenue ne puisse pas ensuite facturer de travaux supplémentaires, ce qui est souvent le risque. Ce risque devait être assumé par le fournisseur. Or, le montant de cet élément-là était à mon avis beaucoup trop élevé. C’est pourquoi je ne pouvais pas recommander l’offre au gouvernement. »

Selon le ministère de l’Environnement, le montant réel du marché proposé s’élevait à environ 40 milliards de couronnes, tandis que l’ONG anti-corruption Transparency International, qui voyait dans ce gigantesque appel d’offres d’abord un moyen occulte de financement pour les partis politiques, l’estimait, elle, à seulement 25 milliards. Nombreux sont donc ceux qui ont accueilli comme une bonne nouvelle la décision finale du gouvernement. Très réservé depuis le début sur ce dossier, à la différence du ministre des Finances qui jusqu’au bout en a été un des farouches défenseurs, le Premier ministre est néanmoins conscient qu’une autre politique devra désormais être adoptée afin que le gouvernement respecte ses engagements pris auprès des propriétaires des entreprises privatisées après la révolution. Petr Nečas pense que la solution pourrait résider dans la répartition des travaux d’assainissement en différents lots écologiques, qui feraient ensuite l’objet d’appel d’offres spécifiques :

Petr Nečas
« Je peux imaginer plusieurs critères pour cela. Bien entendu, une des conditions serait que le montant total des travaux soit établi et garanti à l’avance afin qu’il ne puisse pas être augmenté en cas de travaux supplémentaires. Ces lots pourraient être définis par exemple selon les régions où se trouvent les sites pollués, sur la base du type de dommages écologiques, de l’urgence de décontaminer un site ou en combinant ces trois facteurs. »

En attendant de choisir une nouvelle stratégie, l’Etat va donc poursuivre la politique qu’il mène depuis près de vingt ans pour décontaminer les plus de 500 sites pollués à travers le pays : lancer des appels d’offres pour les différents sites.