La vaste et discutée amnistie décidée par Václav Klaus se met en place

Photo: CTK

Depuis son annonce par le président Václav Klaus lors de son annuel et dernier discours du Nouvel An, l’amnistie de plusieurs milliers de détenus tchèques a déclenché une série de libérations et une avalanche de commentaires. Un processus compliqué de par son ampleur et qui se trouve actuellement sous le feu des critiques, lesquelles ne viennent pas seulement de l’opposition.

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On parle depuis mercredi soir d’une amnistie dont bénéficieraient 7416 condamnés, un nombre historiquement élevé pour le pays et susceptible d’être encore modifié. Plus d’un tiers des libérations prévues auraient déjà eu lieu, de quoi satisfaire certains détenus comme Adam Surý, désormais ancien pensionnaire de la prison d’Olomouc et relâché hier, qui se réjouit de pouvoir célébrer les fêtes de fin d’année avec sa compagne.

« Suite à un désaccord avec un ami, celui-ci s’est enfermé chez lui et j’ai dû m’y introduire par la fenêtre. Ils m’ont relâché après quatre mois de prison, je suis satisfait. Je vais aller voir ma copine, et nous fêterons sans doute Noël. »

Si les détenus relâchés et leurs proches ont évidemment peu de raisons de se plaindre, chez les citoyens non concernés les réactions sont davantage mitigées. Pour nombre de ses détracteurs et l’économiste Libor Dušek en tête, cette amnistie n’apporte aucune solution au problème de surpopulation carcérale. Selon lui, relâcher autant de détenus n’empêchera pas les cellules de se remplir à nouveau dans les prochaines années. Une analyse très négative que partage Jeroným Tejc, ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme du parti social-démocrate (ČSSD). Il considère que cette décision est loin du simple geste symbolique et généreux attendu en début d’année et aggrave les failles du système judiciaire du pays. La libération ou l’annulation des procédures de jugement de certains condamnés en raison de leur trop grande lenteur n’est pas, d’après lui, la solution au problème.

Jeroným Tejc,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
« Je comprends que huit ans soit un délai très long, mais nous devons cependant nous interroger sur les causes de ce fonctionnement : nous sortons des années 1990 qui ont été essentiellement consacrées à des lois économiques. Je suis persuadé qu’il n’est pas possible d’analyser le mode de fonctionnement de la justice, d’analyser le fonctionnement de la police, et ensuite de dire que ces systèmes sont trop lents et que la solution est de libérer des détenus. C’est ce qui est le pire dans cette amnistie.»

Une partie de la population critique également cette vague d’amnistie, et certains estiment que les condamnés devraient purger leur peine jusqu’au bout et que de toutes façons, tôt ou tard, ils retourneront en prison pour une autre condamnation. Un jugement très sévère à l’encontre des prisonniers libérés, qui parfois n’ont été condamnés qu’à de très courtes peines pour un délit mineur. Cependant beaucoup craignent, notamment dans l’opposition, que cette amnistie ne serve avant tout à libérer les plus grands fraudeurs fiscaux et autres délinquants économiques des années 1990. Parmi eux les responsables de la faillite de la société H-system, ou encore l’ancien chef de l’Union tchéco-morave de football František Chvalovský reconnu coupable de détournements de fonds. Si le gouvernement invoque la Cour de justice de l’Union Européenne et l’injustice des procédures actuelles, la professeure de droit et sénatrice indépendante Eliška Wagnerová rejette ces arguments en bloc :

Eliška Wagnerová | Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Ce n’est pas une raison suffisante pour justifier l’amnistie, cela n’apparaît dans aucun texte d’amnistie, c’est la première fois, c’est sous-évaluer le sujet et cette durée : huit ans est en réalité peu. Ça tombe très bien pour le cas des criminels économiques tels que les responsables de H-system, les mafieux de la concurrence. Je ne sais vraiment pas où ils ont trouvé l’argument des huit ans. »

Une guerre de communication autour de cette décision pour le moins perturbante pour la population s’est donc engagée. En attendant, Václav Klaus a d’ores et déjà annoncé sa volonté d’utiliser à nouveau son droit de grâce d’ici la fin de son mandat, reste à savoir qui il pourra encore libérer.