La tapisserie de Bayeux tissée par une Tchèque

Dans le cadre du Komiksfest qui s’est déroulé à Prague début novembre a été inaugurée l’exposition d’une BD un peu particulière : la réplique tissée de la célèbre tapisserie de Bayeux. A l’origine de ce projet colossal, une femme, Věra Mičková :

« Il y a cinq ans je me suis rendue à Bayeux, avec un ami de Paris. Je n’avais entendu parler de la tapisserie que par l’histoire de l’art que j’enseigne, et j’ai été complètement stupéfaite. Cela fait également 40 ans que je fais du tissage. Or, on lit partout que la tapisserie de Bayeux n’est pas une véritable tapisserie, un véritable gobelin. Et j’ai commencé à réfléchir et je me suis dit : pourquoi n’en ferais-je pas, moi, un vrai gobelin ? »

Car en effet, si cette œuvre d’art est communément présentée comme une tapisserie, il s’agit en réalité d’une toile brodée, et non pas tissée. Trois ans et une moyenne de douze heures de travail par jour, c’est le temps qu’il aura fallu à Věra Mičková pour tisser quelque 70 mètres de sa réplique de la fameuse tapisserie, exposée jusqu’au 30 novembre au Musée du Moyen Age à Prague, dans le couvent Sainte-Agnès. Là, les visiteurs ont pu découvrir pendant le mois de novembre cette bande-dessinée médiévale représentant la bataille de Hastings de 1066, bataille décisive qui permit au chef normand, Guillaume le Conquérant, de s’emparer de la couronne d’Angleterre. C’était d’ailleurs un des objectifs de Věra Mičková en tissant cette épopée : la tapisserie d’origine n’étant pas déplaçable, la réplique permet à ceux qui n’iront jamais à Bayeux d’admirer ce chef-d’œuvre de l’art roman profane.

Věra Mičková est une inconditionnelle du Moyen Age. Pour avoir mis la main à la pâte, elle a un avis bien précis sur l’auteur de la tapisserie, que la légende attribue à la reine Mathilde, la femme de Guillaume le Conquérant :

« Ce qui est fantastique, c’est que quand vous commencez à lire et étudier la tapisserie, vous découvrez qu’il y a un courant qui veut que ce soit la reine Mathilde qui l’ait brodée, l’autre courant veut que ce soit l’évêque Odon qui ait fait broder la toile dans le sud de l’Angleterre. Vous pouvez y croire ou pas, mais quand vous commencez le travail de tissage, vous découvrez des choses que vous n’auriez pas vues autrement. Moi, je suis persuadée que toute l’histoire a été inventée par des hommes parce qu’il y a une telle connaissance des mouvements des chevaux par exemple. Moi, je sens une pensée masculine. Alors peut-être que ce sont des femmes qui l’ont brodée, mais ce sont des hommes qui en ont eu l’idée. »

Aujourd’hui, Věra Mičková espère un jour pouvoir également exposer sa réplique en France pour ceux, qui comme en République tchèque, n’ont pas l’occasion d’aller à Bayeux. Après avoir porté le projet de la tapisserie de Bayeux pendant quelques années, Věra Mičková a déjà un nouvel objectif :

« On m’a un peu reproché de ne m’intéresser qu’à la France parce qu’il existe aussi des richesses dans l’art médiéval tchèque. J’aime beaucoup les fragments de la Chronique de Dalimil que les Tchèques ont achetés il y a trois ou quatre ans lors d’une vente aux enchères à Paris. Ces fragments ont de magnifiques enluminures réalisées dans un monastère toscan. Et donc je me suis attelée à la tâche. »

Věra Mičková a déjà réalisé sept tapisseries et prévoit encore une petite année de travail sur la Chronique de Dalimil.