La sépulture des victimes de Budínka rassemble Tchèques et Allemands

Photo: CTK

Le 19 mai 1945, quelques jours après la capitulation de l’Allemagne nazie, une dizaine de civils appartenant à la communauté allemande des Sudètes étaient assassinés par des « gardes révolutionnaires » en état d’ébriété sur la plaine de Budínka, près du village de Dobronín, dans la région de la Vysočina, au cœur de la République tchèque. Cinquante-cinq ans plus tard, les restes de dix-sept personnes ont été retrouvés dans une fosse commune. Samedi douze d’entre-elles ont été enterrées, parfois en présence de leurs proches.

Photo: Olga Šrejbarová
Les Allemands des Sudètes assassinés il y a cinquante-sept ans dans le contexte des représailles contre les Allemands consécutifs à la chute du Troisième Reich, ont finalement pu trouver le repos, samedi après-midi au cimetière central de Jihlava, la préfecture de Vysočina, une région à cheval entre la Bohême et la Moravie. Il a fallu deux ans d’enquête aux policiers et aux archéologues pour exhumer dix-sept corps et, sur la base de leurs vêtements et de tests ADN, donner une identité à quatorze de ces victimes. Deux d’entre-elles ont déjà été enterrées dans la commune de Polná à quelques kilomètres de Dobronín, où le charnier a été découvert en août 2010. Ce week-end, la cérémonie des funérailles a rassemblé près de 200 personnes, tchèques et allemandes, réunies en souvenir d’un temps où les deux communautés cohabitaient pacifiquement. Heinrich Polzer a fait le déplacement d’Allemagne pour enterrer son père :

Photo: Olga Šrejbarová
« L’une des personnes que nous enterrons aujourd’hui est mon père, Josef Polzer. Nous avions une forge et il était artisan. Il parlait allemand et tchèque, et certains de ses clients étaient tchèques. C’est une tragédie du destin qu’il ait dû mourir. Mais ici, il n’y a pas de justice ! »

Lors d’une fête dansante, des « gardes révolutionnaires » se saoulent et décident de s’en prendre à des Allemands qui pourraient avoir été membres du parti nazi et alors emprisonnés dans la caserne des pompiers du village. Les agresseurs poursuivent leurs victimes jusqu’à la plaine de Budínka, où ils les achèvent à l’aide de pelles et de pioches. Bibliothécaire à Dobronín, Marie Rychlá note soigneusement tous les faits relatifs à cet évènement « pour les générations futures ». Elle ne comprend toujours pas ce qui a pu se passer :

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« Comment une personne peut-elle se transformer et faire une telle chose ? C’est pour moi quelque chose d’incompréhensible, mais l’époque était ainsi. »

Une époque qu’a vécue Johann Niebler. Né à Dobronín, il avait douze ans lorsqu’est survenu le massacre dont il avait crayonné l’emplacement sur une carte. C’est lui qui a confectionné le tombeau de granite où reposent désormais les douze dépouilles mortelles et sur laquelle leurs noms sont inscrits. Il ne pouvait pas manquer une cérémonie qu’il a contribué à organiser. Johann Niebler :

« C’est un petit morceau de la mosaïque qui devrait apaiser et faire avancer les relations entre Tchèques et Allemands. Je suis content que cet évènement se referme aujourd’hui. Les familles de près de la moitié de ceux qui sont morts sur la plaine de Budínka sont présentes ici. »

En mars de l’année dernière, une croix en bois à l’emplacement du charnier avait pourtant été sciée par un inconnu et des inscriptions xénophobes y avaient été retrouvées. Mais ces quelques manifestations d’intolérance ne devraient pas masquer l’esprit de réconciliation et d’apaisement qui régnait samedi. Par ailleurs, une treizième victime devrait à terme avoir une sépulture séparée dans la partie allemande du cimetière central de Jihlava.